Comment Airbnb s’empare du centre de Paris
L’Ile Saint-Louis est le lieu par excellence où Airbnb s’est littéralement accaparé des immeubles entiers au cœur de la capitale. Petit microcosme fermé, image d’Epinal d’un Paris rêvé pour touristes fortunés. Aujourd’hui près d’un logement sur six sur l’île est un meublé touristique. Les quatre hôtels de l’île voient leur chiffre d’affaire s’effondrer. Nathalie Heckel, la patronne de l’un d’entre eux ne comprenait pas pourquoi elle n’avait pas de réservations au printemps 2016 : "J'ai été sur le site Airbnb, j’ai tapé deux personnes avec une arrivée le 8 mai pour deux nuits sans limite de prix, et j’ai tapé Ile Saint Louis. Au total, j’ai eu 443 réponses. Et ben je vous assure que je pleurais devant mon écran en me demandant comment j'allais m'en sortir !"
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L’exaspération des Parisiens
Mais Airbnb ne désespère pas seulement les hôteliers. Les habitants des immeubles le sont aussi. Ainsi, dans le Marais, on assiste à une valse continue de touristes. Gérard Simonet, habitant de ce quartier et président de l'association Vivre le Marais, décrit une cohabitation de plus en plus difficile : "Ce sont des gens qui sont en vacances. Ils peuvent arriver la nuit, descendent les escaliers avec leurs valises à roulettes, qui ont tendance à vouloir faire la fête, qui souvent sont plus nombreux que la capacité du logement le permet. Au final, ils sont une forme de trouble à la vie de nos immeubles."
La défense d’Airbnb
En quelques années, ce site internet est devenu la bête noire des grandes capitales mondiales qui cherchent aujourd’hui à enrayer son expansion. La Ville de Paris accuse Airbnb de retirer des milliers d’appartements du marché de la location traditionnelle et d’aggraver la crise du logement, plutôt sévère dans la capitale. Nicolas Ferrary, le patron d’Airbnb France, rétorque que c’est faux. Selon lui, les appartements transformés en meublés professionnels restent marginaux sur le site :"Plus de 83 % de nos hôtes affirment qu’ils louent leurs résidences principales. On ne peut pas parler de dizaines de milliers de logements, comme je l’entends, qui seraient loués sur Airbnb de façon permanente. Ce problème me paraît donc assez limité à Paris."
Les révélations des chercheurs
Pourtant, ces affirmations sont contredites par le travail de chercheurs en France, aux Etats-Unis qui ont aspiré les données du site internet pour les analyser. L’analyse de Saskia Cousin, anthropologue, spécialiste du tourisme : "Il y a 5 % de propriétaires qui possèdent 20% des logements entiers à louer à Paris. Donc lorsqu’on renverse les choses, on a un tableau bien différent. Par ailleurs, il y a 0,5% de propriétaires en possession de plus de cinq appartements à Paris, soit 10 % des appartements à louer sur la capitale. Ce n’est donc pas du tout marginal si on regarde le nombre de logements à louer à Paris qui appartiennent à des gens qui ont plusieurs appartements. "
Après avoir consulté les données de l’équipe de Saskia Cousin, mais aussi les données mondiales d’Airbnb à Paris décortiquées par Murray Cox, chercheur australien, l’enquêteur de Secrets d’Info révèle un chiffre impressionnant : l’existence de 20 000 meublés touristiques non déclarés à Paris, et donc illégaux car loués plus de cent-vingt jours par an. Pour la Ville de Paris, Airbnb est responsable de cet état de fait.
Les précisions de l'adjoint à la maire de Paris, chargé du logement, Ian Brossat : "Il faut responsabiliser tout le monde et que les plateformes fassent le ménage entre ce qui est légal – les locations touristiques occasionnelles – et ce qui est illégal, c’est-à-dire des logements transformés en machines à cash. Je considère que c'est aux plateformes de faire le boulot car dès lors qu’elles hébergent sur leurs sites des annonces qui sont dans l’illégalité, d’une certaine manière, elles sont complices de l’illégalité et ça on ne peut pas l’admettre."
Une loi en cours de discussion au parlement, prévoit d’imposer aux plateformes de bloquer ces propriétaires indélicats. En attendant, seules une quinzaine de condamnations ont été prononcées en 2015.
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