Les Européens malades de la crise
Les taux de dépressions et de suicides ont nettement augmenté dans les pays de l'UE frappés par le marasme économique. Etat des lieux.
L'Europe, en crise, souffre physiquement et psychiquement. En Grèce, un employé de banque d'une quarantaine d'années s'est tué, jeudi 28 juin, en se jetant du haut de l'Acropole. Un acte qui rappelle celui d'un septuagénaire, qui s'était tiré une balle dans la tête, en avril, sur la place Syntagma, également à Athènes. Son suicide devant le Parlement avait suscité l'émoi des Grecs confrontés à une crise sans précédent. Mais ces passages à l'acte dépassent le seul territoire hellène. La déprime des Européens se généralise. FTVi dresse un état des lieux.
• Une tendance à la hausse
Peu d'études prouvent une corrélation entre dépression économique et crise psychologique des populations. Mais certains chiffres mettent en évidence une relation entre ces deux données. Dans une enquête publiée en juillet 2011 (synthèse en anglais), la revue scientifique et médicale britannique The Lancet s'est ainsi intéressée à l'évolution du taux de suicide dans dix pays de l'Union européenne, sur la période 2000-2009.
Le résultat montre une hausse de 7% des suicides en 2008 pour six des plus plus anciens membres de l'UE (Autriche, Finlande, Grèce, Irlande, Pays-Bas et Royaume-Uni). Il révèle aussi que le taux de suicide est plus haut dans des pays concernés par des problèmes économiques accrus. Ainsi, la Grèce et l'Irlande pâtissent des chiffres les plus élevés : 17% et 13% respectivement. Sur cette infographie, on note que les taux de suicide et de chômage augmentent de façon parallèle.
"La crise financière met en danger la vie des gens, mais elle est encore plus dangereuse quand il y a des coupes importantes dans le secteur de la protection sociale", analyse David Stuckler, un des auteurs de cette étude, dans le New York Times (lien en anglais). "L'environnement dans lequel nous vivons a une influence sur notre état psychique", renchérit Aris Violatzis, psychologue au sein de l'association grecque Klimaka, qui s'occupe notamment de la prévention des suicides, dans L'Express. "75% des personnes qui nous appellent ont des problèmes économiques et sont désespérés : ils ont des dettes, sont au chômage, ou ont perdu leur logement..."
• La détresse grecque
Dépression, angoisse, envies de suicide... Depuis le début de la crise, le moral des Grecs est au plus bas. Dans Le Monde.fr, le psychiatre Stélio Stylianidis énumère ainsi les maux qui minent la population : "En 2010, un Grec sur six présentait des symptômes psychopathologiques, mais surtout un sur douze présentait des psychopathologies graves [dépression majeure, psychose, schizophrénie]. La proportion atteint 22% chez les catégories au chômage ou qui connaissent de fortes difficultés financières."
Dans le quartier de Perama, à quelques kilomètres d'Athènes, les médecins voient défiler les patients déprimés. "Beaucoup nous confient vouloir se suicider", explique le docteur Aspasia Michalakis, qui s'efforce de les aider et d'activer les réseaux amicaux ou familiaux. Cette détresse est une réalité : les suicides augmentent en Grèce, comme le révèle ce reportage de France 2. Chez les hommes, le taux a ainsi bondi de 24% entre 2007 et 2009, selon les statistiques officielles.
• L'Italie déprime aussi
La Grèce n'est pas seule dans la tourmente. L'Italie connaît elle aussi une importante vague de suicides dus à la crise économique. Depuis le 1er janvier 2012, leur nombre s'élève à 23, selon le syndicat d'artisans et de petits entrepreneurs (CGIA). Depuis le début de la crise, ils auraient augmenté de moitié, assure le New York Times. Le quotidien cite 187 cas en 2010, contre 123 en 2005.
Les difficultés économiques frappent de plein fouet les petits entrepreneurs, les artisans ou les chômeurs (362 d'entre eux se sont suicidés en 2010). Ces derniers mois, de nombreux décès ont choqué la population. Pour enrayer la crise, psychologique cette fois, le gouvernement a donc mis en place, début juin, un réseau d'aide dans le pays.
• La santé, première victime de l'austérité
L'austérité a un prix : celui de la santé, dont le secteur subit d'importantes coupes budgétaires dans les pays de la zone euro. Le gouvernement espagnol prévoit ainsi d'économiser 7 milliards d'euros en faisant payer les médicaments aux retraités. Ils ne payaient rien jusque-là, rappelle L'Expansion, qui insiste sur le mécontentement provoqué par cette mesure.
Mais en Grèce, la situation économique de la population provoque un cercle vicieux dommageable aux pharmacies, aux hôpitaux et, en bout de chaîne, aux patients. Les officines attendent en effet que l'Etat leur remboursent plusieurs millions d'euros. Résultat : elles se voient dans l'incapacité de régler leurs fournisseurs. Les pharmaciens refusent donc désormais d'avancer les médicaments aux patients couverts et à ceux qui doivent les payer eux-mêmes. Le problème inquiète, et pour cause : "Certains [patients] ont été obligés d'interrompre leur chimio", affirme George Samati, vice-président de l'Association des Malades atteints du Cancer, au Nouvel Obs.com. De quoi dégrader un peu plus le bien-être des habitants.
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