Dans la banlieue d'Athènes, "les gens ont perdu tout espoir"
GRECE - Montée de l'extrême droite, pauvreté et chômage record : le quartier de Perama, dans la banlieue d'Athènes, conjugue tous les symboles de l'austérité. Reportage.
Si la Grèce souffre chaque jour un peu plus de la crise, le quartier de Perama en porte déjà les stigmates. Chômage croissant et pauvreté sont le quotidien des quelque 25 000 habitants de cette cité portuaire spécialisée dans la restauration de bateaux et située dans la banlieue du Pirée. C'est au milieu de ce dédale de rues étroites et pentues, derrière une façade décrépie, que Médecins du monde s'est installé il y a deux ans. D'abord dédié aux enfants, le centre voit aujourd'hui affluer les habitants du quartier.
Il est 10 heures, ce mardi 12 juin, et la salle d'attente ne désemplit pas. Personnes seules, voisins, parents et enfants en bas âge, tous sont venus consulter ou récupérer gratuitement médicaments, nourriture ou quelques vêtements. "Depuis six mois, c'est de pire en pire", lâche Aspasia Michalakis, médecin et responsable d'un autre centre à Athènes. "Je suis allée plusieurs fois en Afrique. Et vous savez, ce que je vois ici me fait penser à la situation là-bas. On peut parler de crise humanitaire."
Souffrance quotidienne
Maria, 52 ans, est venue chercher quelques médicaments ce matin. C'est une habituée : "Cela fait deux ans que je viens. Depuis que le centre a ouvert." Cette ancienne auxiliaire de vie est au chômage depuis 2008. Elle a rejoint son mari, maçon, sans travail depuis 2004. A la maison, personne ne travaille, pas même ses trois grands enfants. "Je n'ai pas honte de dire comment on vit : avec la nourriture d'ici et celle de l'église. Ça fait quatre ans qu'on n'a pas d'électricité", soupire la femme aux cheveux poivre et sel.
Le centre lui permet surtout de se soigner. "Nous n'avons pas de travail, pas d'argent. Ici on peut trouver des médicaments. Ça nous aide beaucoup car je souffre du dos et mon mari a des problèmes d'estomac, explique-t-elle. On dit souvent que le plus important c'est la nourriture. Ce n'est pas vrai. Le plus important, c'est la santé. Si tu souffres, tu ne peux pas vivre."
Sa voisine Katerina, blonde moulée dans un haut rose fluo, acquiesce. Handicapée à plus de 60%, cette quinquagénaire survit grâce à quelques heures de ménage chez des voisins. Elle en repart avec quelques fruits et légumes : à peine de quoi nourrir sa famille de six personnes, qui vit avec elle dans un préfabriqué sans eau ni canalisation. "Ils m'ont coupé la pension car je n'avais pas assez d'argent pour payer lle timbre fiscal qui me permettrait d'avoir la carte de handicapée. Ma situation est horrible", confie-t-elle.
L'Aube (dorée) pointe
Dans son bureau situé de l'autre côté de la route, sur le port, le maire de Perama est conscient des problèmes rencontrés par ses concitoyens. "Ici, il y a 40% de chômage. Le taux monte à 95% chez les ouvriers du port. Ce quartier est devenu le symbole de la crise", affirme Pandelis Zouboulakis.
Mais aujourd'hui, l'indépendant a autre chose en tête. La veille, des militants d'Aube dorée ont passé à tabac quatre immigrés, un Egyptien et trois Pakistanais. Une première dans le secteur. Les trois téléphones du maire ne cessent de sonner : qui un journaliste, qui les policiers. "C'est avec les élections du 6 mai qu'on a vu qu'Aube dorée était présente ici. Avant, on ne les voyait pas", assure Zouboulakis.
Dans ce quartier ouvrier, le parti néo-nazi est arrivé troisième, devant les communistes. Il a recueilli 13% des suffrages, soit deux fois plus que le score réalisé à l'échelle nationale. Pour le maire, cela ne fait aucun doute: le parti entrera au Parlement, après le scrutin du 17 juin.
"Seul Dieu peut nous sauver"
A la mairie aussi, la situation devient difficile. Ce mois-ci, Pandelis Zouboulakis a failli ne pas payer tous ses employés. Les rentrées d'argent se font rares et dépendent essentiellement des impôts locaux et des économies faites sur le budget. "Nous sommes délaissés par le pouvoir, confesse le maire, sans illusion pour le futur. "Je ne vois que l'obscurité pour après les élections."
Ce sentiment est partagé par la majorité de ses concitoyens ; la docteure Michalakis le constate au quotidien : "Les gens ici sont désespérés. Beaucoup nous confient vouloir se suicider. On voit des gens qui ont perdu tout espoir. C'est ça le pire." Au centre de Médecins du monde, les patients n'attendent rien : "Il n'y a que Dieu qui peut nous sauver", lâche Maria.
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