Colère des agriculteurs : "On subit cette politique agricole, qui est à la fois ultralibérale et ultra-écolo", dénonce la Coordination rurale

"Le système dans lequel on est arrivé est un non-sens", estime Véronique Le Floc'h, présidente du syndicat agricole, lundi 22 janvier sur franceinfo.
Article rédigé par franceinfo
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Des agriculteurs bloquent l'autoroute A64, au sud de Toulouse (Haute-Garonne), le 22 janvier 2024. (VALENTINE CHAPUIS / AFP)

"On subit cette politique agricole, qui est à la fois ultralibérale et ultra-écolo", dénonce Véronique Le Floc'h, présidente du syndicat agricole Coordination rurale, invitée sur franceinfo lundi 22 janvier. Après plusieurs jours de mobilisation et de blocages, notamment en Haute-Garonne, autour de l’A64, le Premier ministre Gabriel Attal reçoit à 18 heures la FNSEA et les Jeunes agriculteurs.

franceinfo : Attendez-vous une invitation, vous aussi, pour être reçue à Matignon ?

Véronique Le Floc'h : On attend toujours l’invitation. J’ai l’impression qu’ils attendent que nous, syndicats, allions demander rendez-vous. Le ministère doit savoir s’il veut discuter avec tous les syndicats ou rester dans la cogestion, comme il l’a toujours fait, et aujourd’hui on en voit le résultat.

Pour vous, la FNSEA n’a pas la solution de la crise ?

Non, s’ils l’avaient, ça fait longtemps qu’ils auraient pris la clé, qu’ils l’auraient mise dans la serrure pour nous libérer, nous agriculteurs. Mais nous sommes liés : il y a une dominance économique qui vient des industriels, qui vient des politiques, de la Politique agricole commune (PAC). Tout ça, c’est bien ce syndicat majoritaire qui l’a accepté, et voilà le résultat.

Est-ce que, pour vous, la politique de l’Union européenne, la Politique agricole commune, est une des causes de la colère ?

Pour le syndicat Coordination rurale, ces aides de compensations des prix sont, pour les agriculteurs, comme la corde pour le pendu. Cette politique n’est pas tenable, c’est comme si on disait aux jeunes : "À la fin du mois, vous aurez votre salaire, mais vous irez à Pôle emploi demander une prime pour finir vos fins de mois." Ce système est un non-sens ! On subit cette politique agricole qui est à la fois ultralibérale et ultra-écolo. Il y a aussi les accords de libre-échange, avec l’entrée de produits alimentaires qui ne répondent pas à nos normes, qu’elles soient environnementales, sociales ou fiscales. Sur aucun point on ne peut lutter contre ces importations. Alors qu’au final, ceux qui en profitent, ce sont bien les multinationales. Ça n’a aucun sens !

Quelle est la place de la "paperasse" dans la colère actuelle ?

Il y a une forte responsabilité car le système dans lequel on est arrivé est un non-sens. Quand on nous impose une ce type de normes, vous avez une personne payée pour faire le dossier, une autre payée pour contrôler, des intervenants payés pour venir planter des haies à votre place, par exemple, et vous vous allez être payés. Donc à la fin, quatre personnes sont payées. Est-ce qu’on ne peut pas se dire qu’on va gérer les budgets avec efficience et qu’on ne dépense plus d’argent dans les contrôles ? Il faut qu’on arrête de nous emmerder, ce n’est plus possible !

Les bas salaires sont aussi au cœur des revendications et du malaise, notamment dans le système des exploitations laitières...

Oui, ça fait longtemps qu’on est à ce point-là : les revenus ont toujours été très ridicules et un syndicat comme le nôtre, qui demande de vivre du prix, a souvent été critiqué pour ça, car on disait qu’on en demandait presque trop. Mais les coûts de production établis s’appuient sur des fermes dites de référence et elles ont été choisies dans les années 1990. Ces exploitations-là ont 30 à 40 ans de pratique et ont donc des coûts de production minimes. Or, on s’appuie sur les résultats de ces exploitations ! On ne peut pas faire ça. 

"Comment voulez-vous installer des jeunes qui doivent payer le prix d’une installation qui n’est plus le même qu’il y a 40 ans, avec des normes à respecter, un coût de la vie qui n’est plus le même ?"

Véronique Le Floc'h, présidente de la Coordination rurale

sur franceinfo

Évidemment, en s’appuyant sur les normes de production des "mieux-disants" on ne récupère pas le prix qu’il faut, et surtout pas pour tout le monde. Le renouvellement des générations ne pourra se faire que si les prix sont là, et pour ça, il faut une autre méthode que de présenter des choses au rabais.

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