Colère des agriculteurs : pourquoi Gabriel Attal relance le chantier des retraites agricoles
"Nous allons retravailler les propositions en cours" sur le sujet des retraites, a annoncé Gabriel Attal, jeudi 1er février, lors de sa nouvelle salve d'annonces destinées à répondre à la colère du monde agricole. Le Premier ministre n'a pas détaillé son propos, mais il fait référence à la proposition de loi du député LR Julien Dive, votée au Parlement en février 2023. Ce texte, promulgué par le président de la République dans la foulée, avait pour objectif de relever les retraites des agriculteurs non salariés, en calculant les pensions sur la base des 25 meilleures années d'activité, et non plus sur l'ensemble de leur carrière comme actuellement.
Les pensions de retraite des agriculteurs sont en effet faibles. En 2022, la pension moyenne pour un agriculteur non salarié avec une carrière complète était de 864 euros brut mensuels, selon la Mutualité sociale agricole (MSA). Le texte du député Julien Dive était donc particulièrement attendu. "Les retraites agricoles sont les plus faibles de tous les secteurs d’activité économique", soulignait encore le patron de la FNSEA, Arnaud Rousseau, le 22 janvier sur France Inter. Mais la loi, qui doit entrer en vigueur à partir de 2026, est toujours en attente de décrets d'application.
Un calcul qui crée des "perdants"
Pour quelle raison Gabriel Attal souhaite-t-il donc revenir sur une loi votée il y a un an, plutôt que d'accélérer sa mise en œuvre ? La loi prévoyait la remise au Parlement d'un rapport "dans un délai de trois mois", pour préciser les modalités d'application de ce nouveau calcul des retraites. Seulement voilà : un an plus tard, le rapport n'a toujours pas été rendu public. "Il y a eu une réforme, (...) mais un an après, on attend toujours un rapport gouvernemental sur ce sujet", s'est agacé Arnaud Rousseau sur France Inter.
Il y a une bonne raison à ce retard. Comme l'a révélé le site Politico lundi, le rapport de l'administration s'est révélé peu encourageant. Consulté par franceinfo, ce document étudie divers scénarios d'application pour la réforme, car le système de retraite agricole "est complexe avec, notamment, un fonctionnement différent avant et après 1992", explique Julien Dive à franceinfo. "Il faut donc reconstruire les carrières et, pour cela, il faut établir un scénario de calcul."
Le rapport donne ainsi sa préférence à l'une des hypothèses étudiées, censée être la plus favorable pour les agriculteurs. Mais même dans ce scénario, le document admet que la réforme fera des "perdants", notamment les travailleurs ayant les carrières les plus courtes, ceux qui liquideraient leur retraite avec décote et les "quintiles inférieurs", c'est-à-dire les plus modestes. Dès lors, le gouvernement avait peu intérêt à communiquer sur ce rapport, en pleine colère du monde agricole. "Le timing n'aurait pas été bien choisi", reconnaît sobrement un conseiller ministériel.
Un rapport "non conforme à l'esprit de la loi"
Faut-il comprendre que la loi votée en février 2023 était une fausse bonne idée ? "Non, l'administration a privilégié des scénarios moins-disants pour tuer ma loi", estime Julien Dive. "Il y a plusieurs possibilités de calcul, mais les services du ministère n'ont pas tout étudié. Et ceux qu'ils décrivent créent des perdants", raille l'élu de l'Aisne. "C'est donc non conforme à l'esprit de la loi. Avec la Mutualité sociale agricole et la FNSEA, nous avons expliqué qu'il y avait un autre mode de calcul qui ne fait pas de perdants et qui nécessite un effort de l'Etat."
Que faire alors des conclusions de ce rapport ? "Avec la déclaration de Gabriel Attal de jeudi, le rapport peut déjà être jeté puisqu'on repart d'une feuille blanche", estime Julien Dive. "On rouvre le champ des négociations et des discussions avec la MSA, les parlementaires et les syndicats agricoles", confirme l'entourage du ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. Julien Dive doit d'ailleurs rencontrer Gabriel Attal dès la semaine prochaine pour évoquer le dossier et défendre sa position. "Soit c'est le politique qui choisit, soit c'est l'administration, mais c'est l'heure des choix", prévient-il.
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