Le projet de loi d'orientation agricole va-t-il apaiser durablement la colère des agriculteurs ?

Le texte soumis au vote des députés mardi est le fruit d'un long travail de concertation entre le gouvernement et deux syndicats majoritaires, la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, à l'Assemblée nationale, à Paris, le 16 mai 2024. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Il s'agit d'un "texte crucial", selon le ministre de l'Agriculture. Le projet de loi d'orientation agricole, qui entend répondre en partie à la colère des agriculteurs qui a agité le pays ces derniers mois, est soumis à un vote solennel à l'Assemblée nationale, mardi 28 mai. Le texte couvre un vaste panel de sujets et confère notamment à l'agriculture un caractère "d'intérêt général majeur", conformément aux engagements du gouvernement. Il prévoit des mesures sur la formation, un guichet départemental unique censé favoriser les installations et transmissions d'exploitations et entend également accélérer les procédures de contentieux en cas de recours contre des stockages d'eau ou des bâtiments d'élevage, en dépit des alertes du Conseil d'Etat sur "des risques de constitutionnalité".

La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs, syndicats majoritaires de la profession, ont activement participé à l'élaboration du projet de loi. "Si le texte ne répond pas encore à toutes les attentes des agriculteurs, il comporte des avancées", écrit la FNSEA dans un communiqué. Elle "appelle les députés à voter pour cette loi, certes imparfaite, mais nécessaire pour relever le défi de la souveraineté alimentaire, du renouvellement des générations en agriculture et d'une production agricole toujours plus durable dans le contexte du changement climatique". "Les équilibres trouvés en hémicycle de l'Assemblée méritent selon nous une validation, estiment pour leur part les Jeunes Agriculteurs dans un communiqué distinct (en PDF). Nous appelons donc tous les députés à voter la loi pour assurer le renouvellement en agriculture."

Les "premières pierres" d'une "réforme ambitieuse"

Malgré ces appels à soutenir ce projet de loi, ces deux formations syndicales ont clairement fait savoir qu'il n'était pas suffisant. "Ce texte apporte les premières pierres d'une réponse attendue par le monde agricole sur la simplification, en réponse aux mouvements de ce début d'année", préviennent les Jeunes Agriculteurs.

"Nous rappelons que, pour Jeunes Agriculteurs, ce texte n'a pas pour objectif principal de répondre aux revendications des mobilisations."

Le syndicat Jeunes Agriculteurs

dans un communiqué

Pour le deuxième syndicat du secteur, ce projet de loi n'est qu'une étape présentant des "outils" qui "posent des bases" dans un long processus pour aboutir à "une réforme ambitieuse des politiques d'orientation, de formation, d'installation et de transmission". "Ce vote doit marquer une étape supplémentaire dans la phase de concrétisations de nos demandes", insiste la FNSEA, qui assure rester "vigilante et mobilisée sur les autres textes annoncés par le gouvernement".

Ses dirigeants "sont très déçus parce que leurs propositions ont été largement édulcorées" lors des discussions à l'Assemblée, relève auprès de franceinfo l'agroéconomiste Jean-Marie Seronie, qui rappelle la marge de manœuvre réduite du gouvernement pour légiférer dans un contexte de majorité relative. L'exécutif n'ignore pas ces mises en garde. Ce projet de loi d'orientation agricole n'est que "l'une des briques" de la réponse à la colère des agriculteurs, a souligné début mai Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'Agriculture, sur le plateau de l'émission "C Ce Soir".

"Aucune orientation sur les leviers essentiels"

Les sujets qui restent sur la table sont variés et liés à de multiples facteurs. "Les demandes d'un maraîcher dans la région nantaise ne sont pas celles de la viticulture dans les Pyrénées-Orientales, ne sont pas celles de la betterave dans les grandes plaines productrices, ne sont pas celles de l'élevage dans l'ouest de la France", a-t-elle énuméré, assurant que le gouvernement va répondre "point à point" aux préoccupations des agriculteurs.

En dehors de l'alliance majoritaire FNSEA-Jeunes Agriculteurs, les autres formations syndicales se montrent critiques. La Confédération paysanne (classée à gauche) a notamment appelé à voter contre le texte, n'y trouvant "aucune orientation sur les leviers essentiels" du revenu et du foncier. "Nous appelons les députés à rejeter ce texte et nous proposons aux sénateurs et aux sénatrices de modifier en profondeur le projet de loi", écrit-elle dans un communiqué.

La Coordination rurale (classée à droite) pointe également, entre autres, un manque important sur le sujet du revenu. "Le compte n'y est toujours pas, a jugé auprès de France Bleu Véronique Le Floc'h, présidente du mouvement. La France qui a toujours voulu une montée en gamme n'est pas récompensée. Nos agriculteurs sont à la peine." "Ce projet de loi d'orientation agricole n'apporte pas de réponse concrète", insiste Jean-Marie Seronie. "Sur les dossiers de fond que sont le foncier ou la compétitivité, il n'y a rien, juge-t-il. La question de l'agriculture que l'on souhaite pour demain n'est même pas abordée."

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