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Loi Pacte : pour Oxfam, le gouvernement "essaie de faire l'économie du 21e siècle avec les recettes du 19e siècle"

Invitée sur franceinfo mercredi, Manon Aubry, responsable du plaidoyer justice fiscale et inégalités pour l'ONG Oxfam, a estimé que la loi Pacte allait créer un immense manque à gagner pour l'État.

Article rédigé par franceinfo
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Le texte de la loi Pacte doit être examiné en commission spéciale de l'Assemblée nationale. (GERARD JULIEN / AFP)

Le projet de loi Pacte "essaie de faire l'économie du 21e siècle avec les recettes du 19e siècle", a affirmé Manon Aubry, responsable du plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam, mercredi 5 septembre sur franceinfo. Elle plaide pour un partage plus équitable des richesses au sein des entreprises. La loi Pacte est arrivée au Parlement mercredi. Le texte, examiné en commission spéciale de l'Assemblée nationale, propose 70 mesures pour libérer la croissance et renforcer les entreprises. Les salariés vont notamment pouvoir faire leur entrée dans les conseils d'administration et seront intéressés aux résultats de l'entreprise.

franceinfo : Vous plaidez pour un partage plus équitable des richesses dans les entreprises. Est-ce que la loi Pacte peut aider à y parvenir ?

Manon Aubry : La loi Pacte pose la bonne question du partage des richesses au sein des entreprises. Mais les mesures proposées par le gouvernement dans ce projet de loi essaient de faire l'économie du 21e siècle avec les recettes du 19e siècle. Derrière l'objectif louable de reverser davantage de bénéfices aux salariés, il y a plusieurs écueils et dangers, dont celui d'assécher la protection sociale. Cela devrait coûter au moins un demi-milliard à terme à l'État. Baisser le forfait social, c'est moins de cotisations patronales payées par les entreprises et donc moins d'argent qui rentre dans les caisses de l'Etat, qui devra être compensé avec la hausse de la CSG par exemple.

L'autre danger, c'est de flexibiliser les salaires, [afin] qu'une plus grande part de salaire soit versée sous forme d'intéressement et de participation. Nous prônons davantage des mesures de contrôle du versement des dividendes aux actionnaires, de telle sorte que, mécaniquement, davantage de bénéfices soient reversés aux salariés. Ce n'est pas la piste qui a été envisagée par le gouvernement.

Selon vous les questions sont bonnes, mais les réponses vous laissent penser à de possibles effets pervers de la loi ?

À l'Assemblée nationale, Bruno Le Maire, dans sa présentation, mentionne les inégalités grandissantes, l'enjeu d'un partage plus équitable des richesses au sein des entreprises. Sur le principe et l'objectif, on peut se rejoindre. Là où le bât blesse, c'est sur les mesures qui sont proposées, qui sont soit à contresens, comme l'intéressement et la participation, soit qui ne vont pas assez loin, comme la représentation des salariés au sein des conseils d'administration.

Il y a aussi des éléments complétement absents de ce projet de loi, comme la transparence sur les écarts de salaires, qui est une de nos propositions, et qui était présente dans le programme électoral d'Emmanuel Macron, et qu'on ne retrouve pas dans le projet de loi.

Est-ce que vous redoutez un chantage à l'intéressement avec des suppressions d'emplois ?

C'est un danger manifeste. Chacun d'entre nous a pu être confronté à cette situation où le choix est très fermé entre plus d'intéressement et pas d'augmentation des salaires. Le niveau des salaires en France stagne, mais la part flexible augmente. C'est une tendance qui risque d'être aggravée en supprimant le forfait social.

L'entreprise aura deux choix. Le premier est de verser davantage de salaire et de payer des cotisations patronales. L'autre choix est de verser de l'intéressement et de la participation sans verser de cotisations patronales. Il y a de fortes chances que l'entreprise choisisse la deuxième situation. Ce qui veut dire flexibiliser les salaires et un manque à gagner important dans les caisses de l'Etat, qui manquera à la protection sociale dans les années à venir.

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