CPF : est-il possible de céder ses droits à la formation à un proche ?
Une participation en plus. Le gouvernement a annoncé lundi 19 février qu'il faudrait à partir de cette année payer une "participation forfaitaire", autour de 10%, pour les salariés qui veulent utiliser leur compte personnel de formation (CPF). La formation ne sera donc plus prise en charge à 100%. Seuls les demandeurs d’emploi seront exonérés de ce reste à charge.
Mis en place depuis 2015, le CPF est l'outil des salariés pour faire valoir ses droits à la formation. Tous les ans, 500 euros sont attribués sur le compte du salarié s'il est à temps complet. Ces droits peuvent être utilisés immédiatement ou être cumulés jusqu'à 5 000 euros. Le CPF concerne tous les salariés et même ceux qui partent bientôt à la retraite.
Et justement, au moment du départ à la retraite à un taux plein, les droits à la formation sont gelés. Ils ne le sont cependant pas en cas de départ à la retraite avec un taux minoré, indique le site moncompteformation.gouv.fr. Les organismes conseillent d'ailleurs de liquider l'argent sur son compte CPF avant sa retraite pour pouvoir y avoir accès et cela, même si la formation a lieu après le début de la retraite, rappelle le site cpf-info.com. Le ministère du travail rappelle que le but du CPF, précisé dans la loi Avenir professionnel de 2018, est de se maintenir dans la vie active, s'insérer dans l'emploi et évoluer professionnellement, par conséquent, les personnes qui sont à la retraite ne sont plus éligibles à ces objectifs.
Un droit à la formation "personnel"
Les droits à la formation présents sur le CPF sont donc inaccessibles. Et comme indiqué dans son nom, le compte est "personnel" : les droits ne peuvent pas être cédés à des proches. Vous ne pourrez ainsi pas donner vos droits par exemple à vos petits-enfants pour qu'ils passent leur permis, ni à votre fille ou fils pour l'aider à acquérir de nouvelles compétences dans le cadre d'une recherche d'emploi. Le conjoint ou la conjointe sont aussi exclus d'une telle possibilité.
Un oubli, estimait en 2021 la députée Les Républicains Valérie Bazin-Malgras, qui avait déposé devant la commission des affaires sociales une proposition de loi visant à permettre le transfert des droits inscrits sur le compte personnel de formation entre titulaires de comptes. Une mesure "à la fois de justice et d’efficacité", expliquait la députée LR. Avec cette loi, tout salarié aurait pu céder tout ou partie des droits inscrits sur son CPF à un autre titulaire de compte. Un droit ressemblant à celui des dons de congés ou RTT. "C'était une vraie mesure de pouvoir d'achat", explique à franceinfo Valérie Bazin-Malgras. "Par exemple, dans ma circonscription, des parents m'avaient sensibilisée sur le permis poids lourd de leur fils en me disant qu'ils partaient à la retraite et voulaient transférer les droits de leur compte personnel de formation", raconte la députée.
Ce texte a été rejeté en commission. Le CPF "consiste à permettre à chacun de se développer et d’apprendre tout au long de sa vie professionnelle", rappelait en 2021 le député LREM Thierry Michels. "Il s’agit d’un droit personnel, non de quelque chose que l’on pourrait céder à une autre personne." Mais pour la députée LR, "le travailleur qui a travaillé pour avoir ce droit à la formation, le perd complètement à la retraite. Ce n'est pas normal." Valérie Bazin-Malgras espère pouvoir défendre à nouveau cette mesure à l'Assemblée et peut-être redéposer une proposition de loi durant une niche parlementaire.
"La capacité financière du système ne le permet pas"
Ce "nouveau" droit ne semble pas pour l'instant réclamé par les syndicats. Yvan Ricordeau, secrétaire général adjoint de la CFDT, rappelle que le compte personnel de formation est un système mutualisé. Le salarié ne cotise pas pour agrémenter son CPF : "Ce n'est pas quelque chose qui est prélevé sur le bulletin de salaire du salarié et qui va être capitalisé." Pour le syndicaliste, difficile de léguer quelque chose qui ne correspond pas à un patrimoine. "Quand vous avez un compte épargne temps, vous mettez vos jours de congé à vous dans un compte et cela vous appartient en direct, explique-t-il. Le système de formation professionnelle est complètement différent. Vous avez un crédit qui tourne où c'est une caisse collective qui alimente le système."
Pour le ministère, il existe aussi un risque que ce soit les personnes les moins insérées dans l'emploi et qui ont le plus besoin de se former qui veulent céder leurs droits à des tiers. Par exemple, la crainte est de voir les personnes en situation de handicap, les séniors ou même les femmes céder l'argent de leur CPF à leurs petits-enfants ou conjoint, ce qui irait à l'encontre de l'idée de la création du dispositif.
Autre écueil, la possibilité de léguer des droits des comptes personnels de formation n'est pas possible car "la capacité financière du système ne le permet pas", estime le syndicaliste Ivan Ricordeau : "Déjà que le système est en déficit, si jamais il y avait une telle loi qui passait, il faudrait expliquer comment on financerait cette loi." La syndicaliste déplore le "reste à charge" que veut imposer le gouvernement pour suivre une formation, notamment en raison du coût pour les travailleurs : "Si on met un reste à charge d'au moins 10 %, les salariés qui ont les revenus les plus modestes vont faire le choix d'arrêter de partir en formation. Or, ce sont ceux qui ont les carrières les plus fragiles qui doivent se former en priorité."
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