Après plus de cinq mois de contestation, la loi Travail est définitivement adoptée
Le gouvernement a une nouvelle fois eu recours à l'article 49.3 pour faire adopter le projet de loi en deuxième lecture, sans vote ni débat.
Contestée, mais adoptée. Après un troisième et ultime recours à l'article 49.3 pour faire passer le projet de loi Travail, le texte a été définitivement adopté, jeudi 21 juillet, en l'absence de dépôt d'une motion de censure. Alors que l'opposition a d'ores et déjà fait connaître son intention de saisir le Conseil constitutionnel dans une dernière tentative de faire barrage à cette réforme, voici ce que ce texte de 211 pages et 54 articles va changer pour vous, selon son ultime mouture.
Vous pourrez travailler jusqu'à 46 heures par semaine
Certes, la durée légale de 35 heures par semaine est maintenue. Mais sur les questions relatives à l'aménagement du temps de travail, les accords d'entreprise primeront dans la plupart des cas. Ainsi, la possibilité de passer à une moyenne hebdomadaire de travail de 46 heures (au lieu de 44) sur 12 semaines consécutives, qui nécessite actuellement accord de branche et décret, sera assouplie : un accord d'entreprise suffira.
Vos heures supplémentaires seront probablement moins payées
Pour fixer le taux de majoration des heures supplémentaires (au-delà des 35 heures), l'accord d'entreprise primera également sur l'accord de branche. Les branches, qui pratiquent généralement 25% de majoration, perdent leur pouvoir de "verrou". Concrètement, les heures sup risquent donc d'être moins payées : un accord d'entreprise ou de branche pourra se contenter du minimum exigé de 10% pour la majoration. Un tel accord pourra prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement de ces heures par un "repos compensateur".
Vous pourrez être licencié en cas de baisse du chiffre d'affaires
Le patron d'une entreprise pourra recourir au licenciement économique en cas de "baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires", comparés à la même période de l'année précédente. Cette baisse devra être d'un trimestre pour une entreprise de moins de 11 salariés, de deux trimestres consécutifs pour une entreprise de 11 à 49 salariés, de trois trimestres pour une entreprise de 50 à 299 salariés, de quatre trimestres pour une entreprise de 300 salariés et plus.
En revanche, contrairement à ce que prévoyait l'avant-projet de loi, le périmètre d'appréciation des difficultés économiques d'une entreprise restera fixé par la jurisprudence, avec une appréciation au niveau international. Dans le cas d'une multinationale, la justice prendra ainsi en compte la santé de l'entreprise au-delà des frontières de l'Hexagone.
Un barême (indicatif) est instauré pour plafonner vos indémnités prud'hommales
Le montant maximal d’indemnités qu’un salarié pourra percevoir si les prud’hommes jugent qu’il a injustement été licencié est fixé par un barême. Dans la première mouture de la loi, ce barême devait être obligatoire, il n'est finalement qu’indicatif.
Vous risquez de perdre de l'argent en cas d'accord dit de "maintien de l'emploi"
Au nom de la "préservation" ou du "maintien" de l'emploi, l'entreprise pourra, si elle obtient un accord majoritaire, demander aux salariés de travailler davantage pour le même salaire. L'accord d'entreprise primera sur le contrat, y compris en matière de rémunération et de durée du travail. Conséquence : le salaire mensuel proprement dit ne pourra pas être baissé, mais des primes pourront sauter. Et, de fait, le salaire horaire sera moindre.
Les salariés refusant de tels accords s'exposeront à un licenciement pour "motif spécifique". Celui-ci sera identique à un licenciement individuel pour motif économique, mais sans les mesures de reclassement. Ces salariés n'auront qu'un "parcours d'accompagnement personnalisé", assuré par Pôle emploi et financé pour l'essentiel par l'Etat.
Vous ne devrez pas obligatoirement passer une visite médicale à l'embauche
La visite médicale obligatoire ne sera plus requise avant un nouveau travail, sauf pour les postes à risque. Elle est remplacée par une "visite d'information et de prévention" réalisée après l'embauche.
Si vous perdez un proche, le congé exceptionnel sera plus long
Le congé exceptionnel d'un salarié en cas de décès d'un enfant sera porté de deux à cinq jours. Celui pour la mort des parents et beaux-parents, d'un frère ou d'une sœur passera d'un à deux jours.
Prévue dans l'avant-projet de loi, la possibilité pour les entreprises de réduire, par accord, le nombre de jours de "congés pour événements familiaux" (mariage, naissance, décès) avait été supprimée du projet de loi El Khomri sous le feu des critiques.
Vous aurez (sous conditions) accès à la "garantie jeunes"
Le texte généralise dès 2017 le droit à la "garantie jeunes" pour les 16-25 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. Concrètement et sous conditions de ressources, ils bénéficieront d'un accompagnement renforcé vers l'emploi et d'une allocation mensuelle de 461 euros, pendant un an. Pour les moins de 28 ans diplômés depuis moins de trois mois, une aide à la recherche du premier emploi a été créée. Elle sera accordée pendant quatre mois.
Vous aurez de nouveaux droits à la formation
Le compte personnel d'activité (CPA) préfigure, selon le gouvernement, "la protection sociale de demain". Les droits sont théoriquement attachés à la personne et non plus à l'emploi.
Ce CPA regroupera, à partir de 2017, le compte personnel de formation, le compte pénibilité et un nouveau "compte d'engagement citoyen". Il sera ouvert aux retraités. Le plafond du compte personnel de formation monte de 150 à 400 heures pour les salariés sans diplôme. Une concertation sera engagée avec les partenaires sociaux avant octobre 2016 sur d'autres dispositifs pouvant y être intégrés.
Les accords d'entreprise devront être validés par des syndicats majoritaires ou par référendum
"La primauté de l'accord d'entreprise en matière de durée du travail devient le principe de droit commun", prévoit le texte. C'est un de ses axes majeurs, et le plus contesté. Car le fameux article 2 inverse la "hiérarchie des normes". En clair : sur la durée du travail ou les heures sup, l'accord d'entreprise prime sur l'accord de branche.
Pour être valable, un accord d'entreprise ou d'établissement devra être signé par des syndicats ayant recueilli au moins 50% des voix des salariés aux élections professionnelles. Cette disposition s'appliquera à partir du 1er janvier 2017 à la durée du travail, aux repos et aux congés, à partir du 1er septembre 2019 pour tous les autres sujets.
A défaut, si l'accord est signé par des syndicats ayant recueilli au moins 30% des voix, ceux-ci pourront demander une consultation des salariés. L'accord sera alors validé s'il est approuvé par une majorité des suffrages exprimés. Enfin, dans les entreprises sans représentation syndicale, les employeurs pourront négocier avec des salariés mandatés par un syndicat sur tout sujet pouvant faire l'objet d'un accord.
Par ailleurs, les accords d'entreprises ne pourront être moins avantageux que les accords de branches dans deux domaines : sur les questions d'égalité professionnelles et sur la pénibilité.
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