Quels sont les quatre clans qui provoquent la division au PS ?
A un an de la présidentielle, la formation de la rue de Solférino semble plus fragile que jamais.
Le parti socialiste semble au bord de l'implosion après l'épisode du 49.3 et de la tentative de motion de censure de gauche sur la loi Travail. Alors que Manuel Valls a réclamé, jeudi 12 mai, une "clarification" aux frondeurs, que le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a saisi la Haute autorité éthique du parti, les trublions socialistes assurent - par la voix de Pascal Cherki - qu'ils ont une "tactique". Francetv info revient sur les clans qui s'affrontent rue de Solférino.
1La gauche "sociale-démocrate" menée par Hollande et Valls
Le Premier ministre a tracé une ligne de fracture à la tribune de l'Assemblée générale avant le vote de la motion de censure déposée par Les Républicains et l'UDI. Visant les frondeurs et la gauche du PS, il a distingué "ceux qui s'arc-boutent sur le passé et ceux qui préparent l'avenir", "ceux qui assument l'exercice du pouvoir et ceux qui se contentent d'être dans la proclamation, dans le confort de l'opposition". Et de lancer : "Eh oui, le temps de la clarification est venue."
Le positionnement. "Ceux qui n'ont pas compris que j'étais social-démocrate peuvent poser une autre question", déclarait François Hollande lors de sa conférence de presse de janvier 2014. En septembre 2015, lors de l'émission "Des Paroles et des actes" sur France 2, Manuel Valls avait dit incarner une gauche "sociale-réformiste". Cette "gauche sans complexe", il l'oppose à la "gauche passéiste" empreinte de "romantisme". Il n'avait d'ailleurs pas hésité à faire des déclarations d'amour aux patrons et à lancer "J'aime l'entreprise !" lors de l'université d'été du Medef en août 2014 devant un parterre qui saluait son discours par une standing-ovation.
Sur les questions de société, cette famille socialiste se distingue par un fort attachement à la laïcité, comme l'explique Le Monde dans un long article. "Bien sûr, il y a l’économie et le chômage, mais l’essentiel, c’est la bataille culturelle et identitaire", a déclaré Manuel Valls, le 4 avril, à Paris.
François Hollande et Manuel Valls ont néanmoins des désaccords. La question de l'interdiction du voile à l'université est le dernier exemple en date. Alors que le chef du gouvernement s'est prononcé pour une telle mesure, celle-ci a été écartée par le locataire de l'Elysée lors de l'émission "Dialogues citoyens", sur France 2.
Les troupes. C'est la famille majoritaire au sein du PS. Lors du congrès du parti, en mai 2015, quatre motions ont été déposées. Celle portée par Jean-Christophe Cambadélis, et soutenue par le gouvernement, est largement arrivée en tête avec plus de 60% des voix. Deux autres se sont ensuite rangées derrière elle, et "Camba" a été élu premier secrétaire avec 70% des voix.
Et pour 2017 ? Dans cette écurie, François Hollande est le candidat naturel de la gauche pour la prochaine présidentielle. Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, et fidèle du président de la République, a lancé le 25 avril le mouvement "Hé oh la gauche". Son objectif : défendre le bilan de François Hollande. Lors du meeting de lancement étaient présents de nombreux membres du gouvernement : Najat Vallaud-Belkacem (Education), Marisol Touraine (Santé), le radical Jean-Michel Baylet (Aménagement du territoire), et l'écologiste Emmanuelle Cosse (Logement), Patrick Kanner (Ville, jeunesse) et Jean-Vincent Placé (Réforme de l'Etat).
2Les frondeurs qui se cherchent un leader
Ils sont une poignée, mais leur pouvoir de nuisance au sein du PS est grand. Dernière illustration en date : vingt-quatre députés PS ont signé la motion de censure de gauche contre le gouvernement à la suite du recours au 49.3 sur la loi Travail, motion à laquelle il n'a manqué que deux signatures pour pouvoir être déposée.
Depuis, l'actualité politique se focalise sur eux et les lignes de fracture au sein du parti. Pourtant, Laurent Baumel, tête d'affiche de cette famille s'est montré rassurant sur i-Télé: "Je ne crois pas qu'aujourd'hui on puisse dire qu'il y a deux gauches irréconciliables et que la scission de ces deux gauches serait la conséquence inéluctable de la situation actuelle."
Le positionnement. Depuis sa naissance, en janvier 2014, le mouvement des frondeurs s'élève contre la politique économique du gouvernement. Il a d'ailleurs émergé en réaction au pacte de responsabilité annoncé par François Hollande. Ces contestataires pensent être le relais d'une colère largement partagée au sein de l'électorat de gauche. Comme l'expliquait francetv info en juillet 2014, les frondeurs incarnent cette France qui a voté Hollande en 2012, mais qui vit comme une trahison le tournant social-libéral de l'exécutif.
Pendant le débat sur la déchéance de nationalité, qui a duré quatre mois après les attentats de novembre 2015, la gauche s'est déchirée, révélant de profondes divisions. L'ancien ministre de l'Education natinale Benoît Hamon a condamné "une réforme inspirée et soutenue par le FN". Pour l'ex-ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, il s'agissait d'une mesure "contraire aux fondements de la République".
La tension est telle que certains ont même claqué la porte du PS, comme le député Pouria Amirshahi, en mars, qui a critiqué un parti "sans idées". Le député Patrick Lebreton a jeté l'éponge, jeudi, avec des mots durs : "Je n'ai pas fait campagne pour brader l'héritage de François Mitterrand, pour renier le Conseil national de la Résistance ou pour trahir Léon Blum et le Front populaire, qui sont les piliers de notre idéologie socialiste."
Les troupes. Les frondeurs sont très minoritaires au sein du PS : ils comptent une quarantaine de députés. Parmi les 24 signataires de la motion de censure de gauche, on trouve l'ancienne ministre de la Culture Aurélie Filippetti, Benoît Hamon, mais également Laurent Baumel ou encore Christian Paul, deux personnalités souvent présentées comme les porte-voix des frondeurs. Marie-Noëlle Lienemann ou encore Jérôme Guedj peuvent également être cités comme des personnalités notables.
L'ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira est plutôt bien vue chez les frondeurs. Ils l'ont ovationnée lorsqu'elle est allée à leur rencontre pendant l'université d'été du PS en 2014 alors qu'elle était encore au gouvernement. Mais depuis son départ de l'exécutif, elle n'a pas manifesté l'envie de s'afficher avec eux et de soutenir leur action.
En mai 2015, lors du congrès du PS, la motion portée par Christian Paul a récolté 30% des voix.
Et pour 2017 ? La famille des frondeurs est favorable à une primaire à gauche. Arnaud Montebourg pourrait réussir à les fédérer. Même s'il se tient désormais à l'écart de la politique et du parti, l'ancien ministre du Redressement productif, et compagnon d'Aurélie Filippetti, a déclaré, le 8 mai, dans "13h15 Dimanche", sur France 2 : "S'il y a des responsabilités à prendre, je les prendrai."
3Le camp Aubry, écartelé entre Hollande et les frondeurs
Tenue à l'écart du gouvernement, l'ancienne patronne du PS s'est illustrée pendant le quinquennat par ses violentes critiques contre le gouvernement. Sur la loi Travail, Martine Aubry a estimé que le recours au 49.3 n'était "pas acceptable" dans une lettre adressée vendredi aux militants PS de la fédération du Nord. En septembre 2015, elle avait sévèrement critiqué le ministre de l'Economie : "Macron... Comment vous dire ? Ras-le-bol ! Ras-le-bol, voilà !"
Le positionnement. En février, elle a cosigné une tribune au vitriol condamnant la politique menée par le gouvernement depuis deux ans. "Ce n’est plus simplement l’échec du quinquennat qui se profile, mais un affaiblissement durable de la France qui se prépare, et bien évidemment de la gauche, s’il n’est pas mis un coup d’arrêt à la chute dans laquelle nous sommes entraînés", écrivent les cosignataires.
Après la publication de cette tribune, l'ancienne patronne du PS a affiché son positionnement : "La gauche progressiste, la gauche moderne, c'est nous."
Mais si Martine Aubry et son entourage se positionnent comme des opposants à la politique menée par le gouvernement, et qu'ils ont été proches des frondeurs pendant un temps, désormais ils s'en écartent. Elle l'avait indiqué le lendemain de la publication de la tribune, et cela s'est illustré lors du passage en force de la loi Travail : les proches de la maire de Lille qui siègent à l'Assemblée nationale n’ont pas signé la motion de censure de la gauche.
Les aubrystes sont écartelés entre le courant majoritaire -la maire de Lille avait rejoint la motion de Jean-Christophe Cambadélis lors du congrès de Poitiers- et la critique virulente de l'exécutif. Mais ils assurent qu'ils ne veulent pas quitter le PS et ne souhaitent pas lui nuire. "Le Premier ministre divise et affaiblit suffisamment la gauche pour qu'on n'en rajoute pas en déposant une motion de censure qui ne pouvait pas être adoptée", écrit l'un d'eux pour justifier cette absence de signature.
Les troupes. Pour avoir une idée de l'ampleur de l'influence de Martine Aubry, les derniers pointages sont ceux de la primaire de 2011. Elle avait récolté 43,4% des voix au second tour face à François Hollande et au premier tour, elle avait glané 30,4% des voix alors que l'actuel locataire de l'Elysée culminait à 39,2%.
Et pour 2017 ? Après avoir tergiversé, la maire de Lille a soutenu la primaire à gauche. Elle a déclaré que si le président de la République était "prêt" à participer à cette démarche, ce serait "formidable". Et elle, est-elle partante ? Jean-Marc Germain a expliqué au Figaro, vendredi 13 mai, que la mère des 35 heures compte organiser un événement. "Nous avons la crédibilité pour rassembler à gauche et nous l’avons prouvé, sans rien concéder pour autant à notre éthique", déclare-t-il. Le quotidien écrit également que Martine Aubry "devrait proposer un rassemblement, 'une université citoyenne de la gauche et des écologistes'".
4Macron, "ni à droite, ni à gauche", et ses soutiens
Le ministre de l'Economie fait beaucoup parler depuis son arrivée au gouvernement, en 2014.
Le positionnement. L'ancien banquier d'affaires chez Rothschild a multiplié les propos polémiques et maladroits. Il s'est prononcé pour la suppression de l'impôt sur la fortune, a égratigné les 35 heures, critiqué le statut des fonctionnaires, qualifié d'illettrées des salariées de l'abattoir Gad.
Que cherche-t-il ? "La gauche ne me satisfait pas", a-t-il déclaré. Il a alors lancé son propre mouvement "En marche" qui se veut "ni à droite ni à gauche". Une initiative qui a reçu un accueil glacial à gauche. "Il y a une gauche et une droite (...) il serait absurde de vouloir effacer ces différences", a taclé Manuel Valls tandis que la droite s'est frotté les mains.
Mais derrière cette image iconoclaste, le jeune ministre (38 ans) n'est pas très différent des vieux briscards de la politique, comme l'explique francetv info.
Les troupes. Emmanuel Macron fait de la politique depuis cinq ans et n'a jamais été élu. Mais il a des soutiens de poids au sein du PS. Il a été "l’invité d’honneur du séminaire des Réformateurs, les sociolibéraux assumés du PS", événement organisé par le député de Gironde Gilles Savary, a rapporté Libération en septembre 2015. On peut également mentionner Richard Ferrand, qui a été le rapporteur général PS de la loi Macron. Et le quotidien cite Julien Dray. Les deux hommes sont très proches et le membre du bureau national du PS "cornaque en sous-main" le ministre depuis son arrivée au sein de l'exécutif.
Homme de réseaux, Emmanuel Macron a également été le protégé de Jacques Attali. Parmi ses soutiens, il compte aussi Henri Hermand, un vieux sage de la gauche proche de Michel Rocard, ou encore Jean Peyrelevade, ancien patron du Crédit Lyonnais.
Et pour 2017 ? Les spéculations vont bon train. Mediapart affirme que le ministre de l'Economie est "prêt à déclarer sa candidature à l'élection présidentielle de 2017", et qu'il a levé des fonds lors d'un déplacement à Londres dans le cadre de ses fonctions de ministre. Stéphane Le Foll s'est montré agacé. "J'espère que c'est un canular", a-t-il lancé sur une éventuelle annonce du locataire de Bercy.
L'information a été démentie depuis par l'entourage du ministre. En attendant d'en savoir davantage, les sondages placent Emmanuel Macron en bonne posture. Un sondage Odoxa publié mi-avril indique que face à Nicolas Sarkozy, il permettrait à la gauche de se qualifier pour le second tour. En janvier, une autre étude Odoxa montrait qu'Alain Juppé serait le candidat qui permettrait d'assurer une victoire de la droite, tandis que l'hypothèse Emmanuel Macron permettrait à la gauche de l'emporter.
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