Arrêts-maladies : "Un sentiment d'humiliation" pour les médecins visés par des contrôles de l’Assurance-maladie
"Chère consœur, je vous propose un temps d'échange au sujet des prescriptions d'arrêts de travail. Cet entretien vous sera proposé par téléphone", c'est le mail de l'Assurance-maladie reçu en juillet dernier par la Dr Anais Bellour qui exerce à Cherbourg, un courriel qu'elle n'a pas encore digéré. L'Assurance-maladie a lancé cet été une campagne pour contrôler les médecins qui prescrivent le plus d’arrêts-maladies, alors qu'en 2022, il y a eu 8,8 millions d'arrêts-maladies en France, contre 6,4 millions il y a dix ans, soit une hausse de plus de 30 %.
En 2022, le coût de ces arrêts-maladies pour l'Assurance-maladie a avoisiné les 14 milliards d'euros, ce qui est trop cher de l'avis de Bercy qui demande des comptes. Les courriers sont partis, les entretiens débutent et les médecins dénoncent une "chasse aux sorcières" malvenue dans un climat d'épuisement général.
Anais Bellour fait donc partie des 5 000 praticiens en France qui ont reçu une demande d'entretien confraternel. "J'ai reçu un mail parce que la moyenne de prescription de mes arrêts de travail par rapport à mes confrères du département est plus élevée, explique cette docteure. Et ce qui a été très blessant, voire très humiliant dans le fait d'être considéré comme un médecin à profil atypique qui prescrirait des arrêts de travail de confort, c'est que je connais mes patients et je les vois souffrir. Depuis le Covid, on voit de plus en plus de souffrance au travail."
"C'est quasiment une consultation par jour qui correspond à un burn-out, à une situation de harcèlement ou alors à des troubles musculo-squelettiques liés au travail."
Dr Anais Bellourà franceinfo
Son rendez-vous avec l'Assurance-maladie est prévu début septembre. En attendant, elle se sait sous surveillance mais elle l'assure, elle continuera à prescrire des arrêts de travail autant que nécessaire. "J'ai en arrière-fond un stress, une inquiétude, un sentiment d'humiliation mais je n'ai pas à modifier mes prescriptions pour autant. Et si je risque une mise sous objectif, je la refuserai", assure-t-elle.
La mise sous objectif, c'est l’étape suivante. Cette procédure concerne près d’un millier de généralistes, elle permet de leur imposer une baisse chiffrée du nombre d’arrêts qu’ils prescrivent. En cas de refus les médecins risquent une mise sous accord préalable, en d’autres termes, chaque arrêt de travail devra être revu, validé par les équipes de l’Assurance-maladie. De son côté, l’Assurance-maladie se défend de toute "chasse aux sorcières". Pour son directeur, Thomas Fatôme, il est question d’une minorité de médecins qui ne respectent pas la règle du jeu.
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