Ce qu'il faut savoir sur la réforme du RSA, généralisée à partir du 1er janvier 2025
Des conditions d'accès repensées. La réforme du revenu de solidarité active (RSA), expérimentée depuis le printemps 2023 dans une cinquantaine de départements, va être généralisée aux quelque 1,8 million de bénéficiaires de cette aide à partir de mercredi 1er janvier.
Mais l'évolution de ce dispositif, mise en place par la loi "pour le plein emploi" de 2023, a aussi fait l'objet de nombreuses critiques. Contrat d'engagement, inscription automatique à France Travail, activités hebdomadaires obligatoires, bilan en demi-teinte… Franceinfo vous résume ce qu'il faut savoir à ce sujet.
Tous les bénéficiaires du RSA vont être inscrits à France Travail
Jusqu'ici, seuls 40% des allocataires du RSA étaient inscrits à France Travail. Désormais, cette démarche concernera tous les bénéficiaires de l'aide. Quelque 1,2 million de personnes supplémentaires se verront donc inscrites comme demandeuses d'emploi. "Cette inscription est obligatoire et automatique", souligne le site de la Caisse d'allocations familiales (CAF). Il y est précisé que la démarche concerne aussi les bénéficiaires du RSA qui exercent "une activité professionnelle".
Les nouveaux demandeurs d'emploi seront d'abord classés dans une "catégorie d'attente" baptisée "G" et créée spécifiquement pour eux. Ils y resteront jusqu'à leur entretien d'orientation, qui déterminera leur répartition dans l'une des catégories allant de A à F. Cette dernière, également nouvelle, est réservée aux personnes "en parcours d'insertion sociale", selon France Travail. La création de ces deux nouvelles catégories administratives découle des recommandations du Conseil national de l'information statistique.
L'attribution de l'aide devient conditionnée à une activité
La réforme conditionne désormais le versement de l'aide à quinze à vingt heures hebdomadaires d'activités. Ce contrat sera personnalisé et "ces quinze heures ne sont pas une condition à l'octroi d'une allocation, c'est un élément au sein du contrat d'engagement co-construit entre la personne et l'organisme référent", estiment plutôt France Travail et les ministères du Travail et des Solidarités.
Le site Service-public.fr mentionnait en mars dernier le fait que ces heures "ne peuvent pas être du travail bénévole réalisé en dehors du cadre du Code du travail". Il cite plusieurs autres exemples d'activités, parmi lesquels l'obtention du permis de conduire, l'immersion en entreprise pour affiner son projet professionnel, ou encore la participation à des activités dans le secteur associatif.
Certaines exceptions sont aussi mentionnées : "les personnes qui souffrent d'un handicap, d'une invalidité ou d'un problème de santé" ainsi que "les parents isolés d'enfant(s) de moins de 12 ans qui n'ont pas de solution de garde" ne sont pas soumis à cette obligation. Des aménagements sont également possibles pour les bénéficiaires du RSA "confrontés à des difficultés dans leur vie personnelle et familiale".
Hormis ces cas particuliers, cette nouvelle mesure sera obligatoire pour toutes les personnes qui touchent le RSA. Une nouvelle sanction, le dispositif "suspension-remobilisation", entrera en vigueur au premier semestre 2025 pour la faire respecter. Si l'allocataire n'effectue pas les heures d'activités prévues, le versement de l'allocation sera suspendu. S'il honore à nouveau ses engagements, il pourra récupérer ses droits de façon rétroactive.
Une réforme loin de faire l'unanimité
Accompagner ou contraindre ? Pour nombre d'associations, c'est la seconde option qui s'applique dans le cas de la réforme : le Secours catholique et d'autres associations ont alerté dans une étude conduite avec Aequitaz et ATD Quart monde et publiée en octobre sur les "dérives" de la réforme du RSA. Les associations ont pointé "le risque de glissement vers le travail gratuit", éloignant les allocataires de leur "projet d'insertion".
Elles ont aussi déploré que l'"accompagnement renforcé" mis en place puisse porter atteinte à l'"autonomie" des allocataires, notamment à travers l'usage d'algorithmes pour les orienter, "l'aggravation" des radiations des listes de bénéficiaires et des "réalités contrastées" de retour à l'emploi.
Ces propos, fondés sur un "premier bilan non exhaustif", semblent confirmer les craintes exprimées par certains élus au moment du vote de la loi "pour le plein emploi", en 2023. La mesure, promise par Emmanuel Macron et soutenue par la droite, avait suscité l'indignation de la gauche. Des insoumis, socialistes, communistes et écologistes avaient même saisi le Conseil constitutionnel, estimant que la réforme portait "atteinte au droit constitutionnel à obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence". Leur demande avait été rejetée.
Le dispositif a été testé dans 49 départements
Pour certains, la réforme du RSA ne sera pas une nouveauté, car cet "accompagnement rénové" a déjà été expérimenté dans 49 départements pendant plusieurs mois. Ce sont ces mêmes départements qui versent le RSA, et ils ont participé à l'organisation de l'expérimentation aux côtés de France Travail pour les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Un bilan de l'expérimentation en demi-teinte
Le rapport final d'évaluation (document PDF), publié en novembre par le ministère du Travail, est contrasté. L'évaluation a été menée entre juillet 2023 et juillet 2024, et a étudié "plus de 500 participants" dans "huit territoires". Parmi les bons points, "l'accompagnement a globalement des effets positifs sur la situation des bénéficiaires" : un "renforcement de la confiance en soi et de la capacité à agir" est souvent observé, tout comme une "levée des freins en matière d'accès aux droits, de santé".
"Les délais d'orientation ont [également] été raccourcis", se félicite le rapport. "54% des allocataires [qui ont bénéficié de l'expérimentation au cours des douze mois précédents] ont accédé à un emploi à un moment donné", affirme le directeur de France Travail, Thibaut Guilluy, à l'AFP. Un bilan qu'il qualifie d'"encourageant", ajoutant que"90% des bénéficiaires [se déclarent] satisfaits de leur accompagnement [et] 50% très satisfaits".
En revanche, l'objectif de quinze à vingt heures d'activité hebdomadaire "suscite des réflexions et des débats parmi les professionnels et les allocataires", selon le rapport. "En pratique, l'atteinte de cet objectif est inégale [et] plus accessible pour les allocataires proches de l'emploi", notent les auteurs, qui soulignent que "la contrainte administrative de traçabilité des quinze-vingt heures est difficile à justifier et peut affecter la relation de confiance avec les bénéficiaires, voire dans certains cas conduire à renoncer au RSA". Il "suscite aussi des perceptions négatives, notamment le sentiment de devoir se justifier face à un soupçon d'inactivité."
"Les dispositions de l'accompagnement rénové ne conviennent pas à tous les types de parcours", soulignent également les auteurs – singulièrement en ce qui concerne "les publics les plus autonomes, ceux engagés dans une démarche de création d'activité" ou ceux "qui sont dans l'attente d'une décision administrative conditionnant la suite du parcours". D'autres "freins importants" au déploiement de l'expérimentation ont en outre été relevés, notamment la difficulté à recruter des agents pour accompagner les allocataires. Le rapport pointe enfin que le coût moyen de l'ensemble de cette prise en charge renforcée "oscillerait entre 600 et 1 200 euros par allocataire selon la modalité d'accompagnement" et peut grimper jusqu'à 4 000 euros pour des publics rencontrant "des problématiques spécifiques".
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