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A la recherche d'un emploi, ils ont perdu leurs illusions

Le nombre de chômeurs est au plus haut depuis 1997. A la sortie d'une agence parisienne de Pôle emploi, leurs témoignages oscillent entre résignation et colère.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des demandeurs d'emploi font la queue devant une agence Pôle emploi à Paris, le 3 septembre 2012. (MAXPPP)

La France tourne au ralenti. Les chiffres des inscrits à Pôle emploi en janvier, dévoilés mardi 26 février, subissent une nouvelle hausse pour le 21e mois consécutif. Le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A était de 3 169 300 en France métropolitaine, fin janvier. Il frôle désormais le triste record de 1997 (3,2 millions). 

Ces chiffres-là ne surprennent pas les chômeurs, confrontés au quotidien à la difficulté des recherches. Francetv info est allé à leur rencontre. 

"Passé 50 ans, on est trop vieux pour les employeurs"

Gilles, 51 ans, au RSA, doit se contenter de petits contrats d'intérim depuis 2008. (FRANCETV INFO)

Gilles, 51 ans, allume un cigarillo, le béret vissé sur la tête. Au compteur, vingt-cinq ans d'expérience dans les métiers de bouche et des passages par de grandes maisons, comme Ladurée ou Lenôtre. Il aimerait bien trouver un poste de vendeur dans une charcuterie ou chez un fromager. Inscrit à l'ANPE depuis 2008, il ne touche pas d'allocation chômage et doit se contenter du revenu de solidarité active (RSA). "On fait avec, je vois mes référents une fois par mois, mais ce bilan ne sert à rien. Passé la cinquantaine, on est trop vieux pour les employeurs. Ils préfèrent des employés de 26 ans, sans expérience mais qu'ils ne paient rien."

Il jongle avec quelques missions d'intérim, payées au lance-pierre. Avec, parfois, des semaines de 16 heures. Parfois, des mois vierges. Récemment, Pôle emploi lui a bien proposé une "formation qualifiante" de trois semaines, non rémunérée, pour s'occuper de codes produits dans un supermarché. Pas le choix pour conserver le RSA. Mais lui qui "sait découper le saumon comme personne" l'a mauvaise. "Effectuer un stage gratuitement à plus de 50 ans ! Je ne suis plus étudiant !" Il a rendez-vous jeudi au Crédit municipal de Paris, pour négocier un microcrédit de 300 euros et renouveler ses vêtements de travail. Et en 2014 ? "Je ne pense pas à l'année prochaine. Je pense à demain, après-demain."

"Je suis en concurrence directe avec les Chinois"

Benoît a 31 ans. Il est développeur en modélisation numérique, sorti de la prestigieuse école Supélec. Inscrit depuis septembre 2012 à Pôle emploi, il navigue entre le statut d'auto-entrepreneur et la recherche d'emploi, "de plus en plus complexe et de moins en moins fructueuse". Depuis septembre, sa situation s'est encore détériorée. "Je gagnais 400 euros par jour de travail, aujourd'hui c'est tombé à 250." Car dans son secteur, les entreprises recourent de plus en plus à des intermédiaires étrangers en télétravail. "Aujourd'hui, on met en concurrence avec le monde entier." Il n'attend pas grand-chose de Pôle emploi, "une vaste blague dans mon domaine".

Compte tenu de son niveau de diplôme, il pourrait prétendre à 60 000 euros brut par an. Mais, sevré de contrats depuis quatre mois, il n'en a gagné que 28 000 en 2012. Parmi ses anciens camarades de promo, beaucoup ont choisi de quitter la France pour monter des entreprises en Irlande, en Suisse ou en République tchèque, où "ce n'est pas forcément plus facile économiquement mais où il y a davantage d'optimisme". Il s'identifie volontiers au mouvement des Pigeons, ces entrepreneurs fâchés après les mesures fiscales d'un "gouvernement qui a rompu le pacte social". Il n'a plus "le sentiment d'appartenir à la nation". D'ailleurs, il a déposé une demande de permis de travail aux Etats-Unis. "En 2014, je serai loin." 

"Ça ne fonctionne que par le bouche-à-oreille"

Bomba , 33 ans, n'a droit à aucune aide et doit travailler au noir pour s'en sortir. (FRANCETV INFO)

Bomba, 33 ans et mère de deux enfants, recherche un emploi comme hôtesse de caisse ou femme de ménage. Arrivée du Cameroun en 2011, elle savait "qu'il serait dur de trouver un emploi". La voilà servie. Elle a pourtant une formation d'aide-soignante à bac +2, mais l'équivalence n'est pas reconnue en France. Pour corser le tout, elle n'a droit à aucune aide. Elle vient de consulter les annonces. Il y en a quelques-unes, sur lesquelles figure toujours le mot qui fâche. "De l'expérience, de l'expérience ! Dans les supermarchés, certaines personnes passent elles-mêmes leurs articles sur les automates ! Et moi ? Pourquoi je n'y arriverais pas ?"

Pour s'en sortir, elle est "obligée de travailler au noir comme femme de ménage, avec les papiers de quelqu'un d'autre". Bon an mal an, elle travaille 115 à 120 heures par mois. Avec une bonne dose de volonté, même si, parfois, elle se dit que "ça ne vaut plus la peine de se battre, c'est vraiment décourageant". Et Pôle emploi dans tout ça ? "Je n'ai rien à reprocher aux conseillers. Mais c'est devenu une formalité administrative, tout le monde sait que ça ne fonctionne que par le bouche-à-oreille." En 2014, Bomba rêve de reprendre une formation d'aide-soignante. Et de se refaire une santé en soignant les autres.

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