Déficit abyssal, plus de 2 300 emplois menacés... Ce que l'on sait du plan social annoncé par Auchan

Un comité social économique extraordinaire du groupe s'est tenu mardi matin. La holding Elo, qui détient le groupe d'hypermarchés, a subi une perte nette de près d'un milliard d'euros au premier semestre 2024.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une caissière dans un magasin Auchan à Hyères, dans le Var, le 22  juillet 2024. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS / AFP)

Un plan social massif, comme redouté. Le distributeur Auchan, propriété de la famille Mulliez (qui détient également Leroy Merlin et Decathlon), connaît des difficultés économiques depuis plusieurs années. Pour y remédier, le groupe a présenté, mardi 5 novembre dans la région lilloise, un comité social et économique (CSE) extraordinaire pour faire un "point sur la situation de l'entreprise et ses projets".

La décision qui en est issue a été annoncée aux représentants des salariés de toutes les entités du groupe en France. Elle menace 2 389 emplois, via notamment la fermeture d'une dizaine de magasins. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de ce plan social.

Des pertes records 

Le groupe accumule les difficultés depuis plusieurs années. Sur les six premiers mois de 2024, sa holding Elo a subi une perte nette de près d'un milliard d'euros. L'an dernier, elle avait souffert d'une perte nette de 379 millions d'euros avec des ventes en recul. Ainsi, au dernier pointage, en juin, la part de marché d'Auchan était de 9,1%, loin derrière E.Leclerc (24,1%), Carrefour (21,4%), Mousquetaires/Intermarché (17,4%) et Coopérative U (12,2%). Un taux qui lui laisse moins de marge de manœuvre dans ses négociations avec les fournisseurs agro-industriels.

Ce déclassement est "la confirmation de cette mauvaise situation et notamment des deux années d'inflation qui ont suivi le Covid et qui ne se sont pas très bien passées pour Auchan", analyse sur franceinfo Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce. Il rappelle que, sur les dix dernières années, le chiffre d'affaires d'Auchan n'a augmenté qu'en 2022, avant de rebaisser en 2023, quand dans la même période, "Leclerc a gagné 6 milliards d'euros de chiffre d'affaires supplémentaires".

Pour peser plus lourd, Auchan s'est associé avec son concurrent Intermarché afin d'acheter ensemble dans une alliance pendant dix ans, une durée inhabituellement longue. En outre, le groupe qui est propriétaire de ses magasins, avec très peu de franchises, souffre de la concurrence des E.Leclerc, et Coopérative U, qui réduisent les coûts de fonctionnement et peuvent vendre leurs produits à des prix plus compétitifs.

Autre point faible d'Auchan : la taille de ses magasins. Le groupe a misé historiquement sur le format des hypermarchés, qui offrent la plus grande surface de vente. Or ce format est moins en vogue aujourd'hui. "Il y a eu une modification des comportements de consommation, notamment sur le non-alimentaire qui était une partie très forte d'Auchan", observe également Frank Rosenthal. Ce dernier rappelle que le groupe a décidé de réduire son offre en la matière dans ses magasins : "Ils ont pensé que tout allait passer ou presque sur internet, ce qui n'a pas été le cas."

Plus de 2 300 emplois supprimés

Aujourd'hui, le groupe compte 54 000 salariés en France. Le CSE extraordinaire a annoncé la suppression de 2 389 emplois. Dans le détail, Auchan prévoit de supprimer 784 postes au sein de ses sièges et 915 dans des magasins. Il acte l'arrêt de l'activité de livraison directe à domicile, ce qui entraînerait 224 suppressions de postes. La direction entend par ailleurs fermer une dizaine de points de vente non rentable (soit 466 postes supprimés), dont trois hypermarchés à Clermont-Ferrand Nord (Puy-de-Dôme), Woippy (Moselle) et Bar-le-Duc (Meuse), et dans un supermarché, à Aurillac (Cantal).

Un précédent plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) avait débouché sur la suppression de 1 475 postes en septembre 2020, après un plan de départs volontaires de plus de 500 postes en janvier de la même année. "Je sais qu'on est dans une période économique pas facile, mais de là à avoir des chiffres comme ça...", avait déclaré dès lundi auprès de l'AFP Fabien Alliata, délégué syndical CFDT services centraux, alors qu'une suppression de 2 300 postes avait été annoncée par l'agence de presse et le média d'enquête La Lettre.

Des magasins plus petits pour enrayer la crise 

Après la chute du groupe stéphanois Casino, une autre enseigne de la distribution alimentaire traverse de grandes difficultés. Pour éviter de se retrouver dans la même situation que son concurrent, il va falloir "régler le problème des grands hypermarchés", assure Frank Rosenthal. "On perd des clients, car ils n'ont plus" envie de "perdre leur temps. Aujourd'hui, ils préfèrent aller dans des surfaces un peu plus petites", explique à franceinfo Djamal Otmani, délégué central syndical CFTC. "C'est à nous de nous transformer et de nous adapter", ajoute-t-il.

Le groupe a annoncé en juillet vouloir réduire la surface de ventes d'un tiers de ces hypermarchés en Europe (hors Russie, où le groupe Mulliez est encore présent), soit à terme une "réduction moyenne de 25%" de ces zones. Les syndicats craignent aussi l'essor des magasins franchisés, une des pistes envisagées par la direction, qui pourrait contribuer à aggraver le plan social. Pour "les supermarchés, c'est déjà annoncé", a rappelé mardi René Carrette, délégué CFDT, à France Bleu Nord. Mais Auchan veut "aller le plus loin possible sur la franchise et on s'attend à ce que, par la suite, ce soient les hypermarchés", du fait de "la baisse des mètres carrés" des magasins, estime le représentant syndical. "Il n'y a pas de cap, il n'y a personne à la barre, est dans le flou", s'alarme-t-il.

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