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CETA : "Il ne faut pas le ratifier demain", appelle Mathieu Orphelin qui demande "des garanties supplémentaires"

Le député ex-LREM a déposé une motion d'ajournement de la ratification du CETA même s'il est "loin d'être le pire des accords de commerce". Le seul but ne doit pas être "d'augmenter les exportations".

Article rédigé par franceinfo
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Matthieu Orphelin, le 11 juin 2019 dans la salle des 4 colonnes à l'Assemblée nationale. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Le CETA, traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada fait débat en Europe comme de l’autre côté de l’Atlantique à la veille de sa ratification par l'Assemblée nationale. Dans une tribune, des députés canadiens ont demandé à leurs homologues français de ne pas ratifier le traité. "C’est loin d’être le pire des accords de commerce, mais ça reste malgré tout un accord de commerce ancienne génération", estime mardi 16 juillet sur franceinfo Matthieu Orphelin,député ex-LREM de la 1e circonscription du Maine-et-Loire.

"Il ne faut pas ratifier demain le CETA, il faut peut-être décaler la ratification de quelques mois", a-t-il déclaré car "il y a un certain nombre de flous qui persistent" dans cet accord. "Il y a des questions de modèle agricole, d’alimentation, il y a aussi des questions liées au climat, à la biodiversité… Il faut vraiment que l’Union européenne arrive vraiment à refonder sa politique commerciale", a-t-il souligné.

franceinfo : Allez-vous entendre l’appel canadien et ne pas ratifier le CETA ?

Matthieu Orphelin : Oui bien sûr. On voit bien que c’est un accord qui pose un certain nombre de questions des deux côtés de l’Atlantique. Je crois qu’il ne faut pas être caricatural, c’est loin d’être le pire des accords de commerce, mais ça reste malgré tout un accord de commerce ancienne génération. Un accord mis en œuvre uniquement pour pouvoir, dans les deux parties, aussi bien le Canada que l’Union européenne, augmenter les exportations. Et aujourd’hui, ça ne peut pas être le seul but d’un accord de commerce. Il y a des questions de santé, il y a des questions d’agriculture, il y a des questions de modèle agricole, d’alimentation, il y a aussi des questions liées au climat, à la biodiversité… Il faut vraiment que l’Union européenne arrive à refonder sa politique commerciale et enfin il faut que les nouveaux accords de commerce prennent ces questions-là comme des points importants de ces accords. Malheureusement ça n’est pas le cas pour l’instant pour le CETA.

Est-ce que cette ratification fait débat au sein des députés ?

Dès le début du quinquennat, on a été un certain nombre de députés, notamment de la majorité à l’époque, à se mobiliser pour faire des propositions pour que le gouvernement prenne des dispositions sur cet accord du CETA qui avait déjà été négocié. Le gouvernement a pris un plan d’action pour pouvoir mieux encadrer le CETA, avec tout un tas d’actions concrètes qui allaient dans le bon sens. Malheureusement, un certain nombre de ces décisions ne dépendent pas simplement de la France, même si la France a été très volontariste, il faut l’accord des autres pays européens, il faut l’accord du Canada, et effectivement ça arrivait un peu tardivement.

Est-ce qu’il n’est pas trop tard ? Peut-on encore amender ce texte qui a déjà été ratifié au Canada ?

Il n’est jamais trop tard pour essayer d’agir. On ne peut pas amender le CETA en lui-même, mais à côté par exemple sur le veto climatique, sur le fait de s’assurer que ce qui est mis en œuvre ne nuit pas au climat, là peut avancer à côté. Mais malheureusement aujourd’hui, le Canada ne s’est pas officiellement engagé sur ce veto climatique, sur lequel l’Union européenne lui a fait des propositions, sur proposition de la France d’ailleurs. Pour l’instant on a n’a pas l’assurance que tout cela va être vraiment mis en œuvre. Donc moi je dis qu’il ne faut pas ratifier demain le CETA, il faut peut-être décaler la ratification de quelques mois et c’est pour ça que j’ai déposé une motion d’ajournement. Pour avoir toutes les garanties, sur les farines animales, sur l’agriculture et l’alimentation, sur le climat, il nous faut des garanties supplémentaires.

Les socialistes veulent organiser un référendum. Est-ce que vous les rejoignez ?

Ce qui est sûr, c’est qu’il y a un véritable problème démocratique autour de la négociation de ces accords de commerce dans l’Union européenne. Ça fait partie aussi des choses qu’il faut refonder dans la politique commerciale. Je ne sais pas si le referendum est une bonne idée à ce moment-là sur le CETA, mais en tous cas il faut plus de démocratie, plus de transparence sur les futurs accords de commerce. On a vu par exemple sur l’accord du MERCOSUR avec des pays d’Amérique du Sud. Là aussi il y a eu un déficit de prise en compte des enjeux de l’avenir de la biodiversité, de l’agriculture, du climat etc. Il faut que l’Union européenne refonde ça, et la France peut pousser, la France est dans les pays qui ont envie que ça change.

Est-ce que le cœur du problème c’est que l’Europe ne pourra pas imposer ses propres normes aux produits qu’elle va importer ?

On voit bien que des questions importantes, par exemple sur les farines animales, utilisées au Canada dans l’alimentation des bovins et qui sont complètement interdites en Europe, il y a un flou sur comment on va pouvoir contrôler des produits qui arriveraient en Europe, par exemple des produits bovins, mais avec des vaches qui auraient été nourries avec des farines animales. Ce sont de vraies questions. Sur le veto climatique, sur comment on va pouvoir encadrer cet accord pour qu’il n’y ait pas de décision contraire aux politiques climatiques mises en œuvre par les pays, là aussi il y a un certain nombre de flous qui persistent.

Sur les sujets agricoles et alimentation, sur lesquels nous en France et en Europe on est très exigeants, on demande à nos agriculteurs de monter en gamme, d’avoir cette agriculture durable. On ne peut pas en même temps demander cet effort à nos agriculteurs, et importer des produits qui viennent d’autres pays.

Matthieu Orphelin

à franceinfo

Ces produits viennent notamment du Canada mais aussi du Brésil avec le MERCOSUR où Bolsonaro a ré-autorisé des centaines de pesticides. On ne peut pas avoir cette distorsion-là. Il faut que l’Union européenne traite bien à part les produits agricoles qui ne sont pas des produits comme les autres. 

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