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Corse : les producteurs sauvent la peau des clémentines en affrétant des avions pour leurs saisonniers marocains

Chaque année, ces saisonniers composent la quasi-totalité des équipes dans les exploitations, mais l'épidémie de Covid-19 menace leur présence.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La récolte des clémentines en Corse, en octobre 2012. (MAXPPP)

Il y avait un gros pépin pour les producteurs de clémentines corses. L'épidémie de Covid-19 a compliqué les récoltes, assurées par une main-d'œuvre essentiellement composée de saisonniers marocains, empêchés de venir par les restrictions sanitaires. Après des mois de réunion, les producteurs ont finalement obtenu le feu vert des autorités et affrété cinq avions de la compagnie Transavia, d'une capacité de 189 passagers chacun. Le premier atterrissage est prévu à Bastia (Haute-Corse), vendredi 9 octobre, avant d'autres vols attendus les 13, 16, 21 et 28 du mois.

Au total, quelque 900 travailleurs vont rejoindre les exploitations au titre de "l'introduction régulière de main-d'œuvre", un chiffre en léger repli par rapport aux autres années (1 200). La clémentine corse est à ce jour la seule filière de France à avoir mis en place un tel dispositif. Cet été, déjà, l'Allemagne avait instauré un pont aérien pour transporter des travailleurs roumains dans ses champs d'asperges, pour la récolte d'avril à juin. "Nous nous sommes inspirés de ce protocole pour rédiger le nôtre", précise à franceinfo Simon-Pierre Fazi, président de l'AOP Fruits de Corse, "en intégrant bien sûr les spécificités françaises".

500 000 euros pour l'aller

Alors que les saisonniers empruntent en général le bateau, les employeurs ont choisi l'avion, plus flexible. Ces vols directs entre Casablanca et Bastia permettent surtout d'éviter une escale à Marseille, où les saisonniers embarquent sur un second navire en direction de l'île de Beauté. Les avions ont été remplis sur la base de "groupes homogènes", en fonction de l'exploitation de destination, "afin de compartimenter et étanchéifier" les salariés et de limiter les risques, précise à franceinfo François Ravier, préfet de Haute-Corse.

Le coût total du fret aller, estimé à 500 000 euros, est pris en charge par les agriculteurs recourant au dispositif. Ces derniers mois, les producteurs ont d'abord dû rédiger un protocole sanitaire, qui a été validé par l'ARS, avant d'obtenir le feu vert du comité interministériel en lien avec le cabinet du Premier ministre. L'accord final est intervenu le 23 septembre, explique Simon-Pierre Fazi, alors que la réservation auprès de Transavia expirait deux jours plus tard.

Tests PCR et isolement

Les saisonniers devront subir de nombreux examens médicaux, avant et pendant leur séjour. A l'embarquement, tout d'abord, chacun doit présenter un test PCR de moins de 72 heures. Rebelote à Bastia, avec un test à l'aéroport corse. L'accueil et les prélèvements, prévus pour ne pas excéder trois heures, sont assurés dans trois hangars, avec le renfort d'interprètes et la mise à disposition de guides traduits sur les gestes sanitaires. Les saisonniers empruntent ensuite un bus affrété pour l'occasion, qui les conduit dans les différentes exploitations participant à l'opération.

Une fois à destination, les saisonniers doivent rester isolés pendant sept jours dans les hébergements habituels, situés sur les exploitations. Ils seront de nouveau testés à la fin de cette période. "La première semaine, ce sont donc les producteurs qui doivent faire les courses pour les saisonniers", précise le préfet de Haute-Corse, François Ravier. Par mesure de précaution, des places sont prévues dans des structures d'hébergement, afin d'isoler d'éventuelles personnes dont le test serait positif. Enfin, comme le prévoit la loi marocaine, ils devront encore fournir un résultat négatif de test PCR avant de pouvoir rentrer au pays.

Au total, 72 des 160 producteurs de l'île font appel au dispositif. "Ce sont surtout les plus gros employeurs, qui représentent 80% du volume de production", précise Simon-Pierre Fazi. Chaque année, la Corse produit 300 000 tonnes de ces agrumes entre novembre et décembre. Une part de la récolte peut débuter dès la mi-octobre pour les variétés précoces, qui représentent environ 10% du total. Deux tiers des salariés vont travailler pendant trois mois, le temps des récoltes, et un tiers participe également à la taille, ce qui porte le contrat à cinq mois.

Plus de 500 emplois locaux directs et indirects

Comme chaque année, les offres d'emploi pour la saison des récoltes sont publiées sur le site de Pôle emploi, une obligation légale avant de pouvoir obtenir la possibilité de faire appel à des travailleurs étrangers dans des secteurs en tension. Mais comme chaque année, les rémunérations sont trop faibles pour attirer une main-d'œuvre locale. "Il n'y aurait pas eu de récolte de clémentines sans main-d'œuvre étrangère", résume le préfet de Haute-Corse, François Ravier, qui rappelle que le secteur génère également plus de 500 emplois locaux directs et indirects.

Ce feu vert des autorités marocaine et française était donc vital pour la filière. Au-delà de la perte sèche financière, une année blanche aurait entraîné un double risque économique et agronomique. "L'absence de production aurait entraîné un défaut de confiance vis-à-vis des distributeurs habituels", explique le préfet. "Par ailleurs, quand les clémentines tombent naturellement, sans ramassage, la récolte est bien moins bonne l'année suivante." Ces salariés de la clémentine sont donc indispensables à plus d'un titre.

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