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Crise des éleveurs : comment la ville de Loon-Plage joue la carte du "manger local"

Le responsable de la restauration de la commune nordiste explique "réaliser la moitié de ses achats en circuit court, dans un rayon de moins de 50 kilomètres". Il raconte son expérience à francetv info.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un élevage ovin de Loon-Plage (Nord), filmé par France 3 Nord-Pas-de-Calais en octobre 2014. (FRANCE 3 NORD-PAS-DE-CALAIS)

Pas de problème de traçabilité dans les assiettes de la cantine scolaire ou du restaurant des anciens : Jean-Claude Caron est capable de citer sans hésiter le nom de son producteur de volailles, de son éleveuse d'agneaux ou encore de son fournisseur de pommes. Depuis 2012, le responsable de la restauration de Loon-Plage (Nord) joue la carte d'une alimentation locavore.

"C'est juste une question de volonté"

"Aujourd'hui, je réalise la moitié de mes achats en circuit court, produits dans un rayon de moins de 50 kilomètres, explique-t-il à francetv info. Le porc, par exemple, est élevé à moins de quelques kilomètres d'ici. Ce sont des animaux nourris avec les céréales produites sur la ferme et découpés par le boucher à 50 mètres de ma cuisine."

Un exemple à suivre ? Apparemment, si l'on en croit l'exécutif : face à la colère des éleveurs, Manuel Valls et François Hollande ont annoncé jeudi 23 juillet vouloir "généraliser dans les restaurations collectives d'Etat l'approvisionnement local". "C'est très facile à mettre en place, c'est juste une question de volonté", assure Jean-Claude Caron.

Des produits plus chers, mais moins de déchets

Un tel choix n'est pourtant pas sans conséquence financière. Jean-Claude Caron a fait ses comptes : se fournir en viande locale, par exemple, a eu "un impact de 20 000 euros""Par exemple, un kilo de bœuf haché me revenait à 6-7 euros en surgelé, maintenant, je le paye 10,50 euros, détaille-t-il. Mais, avant, pour faire ma bolognaise, je devais en mettre 50 kilos parce qu'il rendait beaucoup d'eau. Aujourd'hui, je n'en mets plus que 40."

"Et, derrière, pour compenser le prix, j'ai fait en sorte de réduire au maximum les déchets, explique le responsable. Aujourd'hui, on est à environ 45 grammes par assiette et par enfant, beaucoup moins que la moyenne nationale." La facture des parents n'a pas augmenté jusqu'à présent : "Ils payent 1,50 euro pour le repas, il y aura juste une petite augmentation à la rentrée."

Une bonne surprise pour les producteurs

L'équipe de Jean-Claude Caron est aujourd'hui "super contente de travailler avec de bons produits" et fière de soutenir les producteurs locaux. "Quand je vois ces éleveurs dans les rues, qui crèvent de faim, qui n'arrivent plus à payer leurs traites, je me dis que j'ai fait le bon choix", insiste-t-il.

Laurent Declercq, producteur de porcs et de pommes de terre à Loon-Plage, a été "agréablement surpris" par l'initiative : "Le prix n'a pas été le cheval de bataille,
comme il l'est bien souvent dans la grande distribution." "Je suis dans une démarche de qualité, affirme l'éleveur. Ça me permet de vendre mon porc 30 centimes plus cher que mes collègues et d'être légèrement dans le positif."

"Il faut imposer l'approvisionnement local"

L'engagement de Loon-Plage lui a permis "d'être plus serein face aux investissements" qu'il devait réaliser. "Financièrement, c'est dur pour moi, mais je m'en sors, alors que beaucoup d'éleveurs qui ont manifesté ces derniers jours vont dans le mur, explique Laurent Declercq. Il faut faire attention à ne pas les perdre."

L'agriculteur est persuadé que la solution passe par des initiatives comme celle de Jean-Claude Caron : "Le potentiel est énorme, si vous pensez aux hôpitaux, aux maisons de retraite..." "Aujourd'hui, on n'a pas besoin d'aides. On a besoin d'un prix, d'engagement, résume-t-il. Il faut qu'on trouve le moyen d'imposer cet approvisionnement local."

Objectif "80% de produits locaux" ?

Dans sa cuisine, Jean-Claude Caron assure chercher "tout le temps les produits les plus proches". "Bien sûr, les ananas, les bananes ou les nectarines, ça va être compliqué dans la région", s'amuse-t-il. Mais le responsable estime qu'il pourrait atteindre "80% de produits locaux", à condition d'y mettre le prix. "Je pourrais me fournir en produits laitiers près de chez nous, par exemple, mais le coût serait multiplié par deux ou plus, soit un surcoût de 20 000 à 40 000 euros", chiffre Jean-Claude Caron. Cependant, il compte bien poursuivre son "combat".

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