"Ils vous nourrissent et ils en crèvent !" : à Paris, la colère des agriculteurs face aux difficultés économiques et à "l'agribashing"
Des centaines de producteurs ont bloqué une partie du périphérique parisien, avant de tenter de bloquer les Champs-Elysées. Ils demandent à rencontrer Emmanuel Macron en personne.
L'image est pour le moins incongrue sur l'avenue des Champs-Elysées mercredi 27 novembre. Des agriculteurs, venus montrer leur colère à Paris, déploient des ballots de paille au milieu de la circulation, à quelques mètres du Fouquet's. Ils ont investi l'avenue pour protester contre les difficultés économiques auquelles ils font face : les prix de leurs produits jugés trop bas, les différences de normes entre les pays de l'Union européenne... Les agriculteurs s'estiment aussi victimes d'une stigmatisation de leur profession. Plusieurs centaines d'entre eux ont d'abord bloqué en partie le périphérique avec des tracteurs. Pourtant, ce n'était pas la destination initiale de la centaine de producteurs venus de toute la France.
"Notre premier objectif n'était pas celui-là, il était de cibler l'Elysée et Emmanuel Macron", affirme Damien Greffin, patron de la FNSEA Ile-de-France. "Pour la troisième fois consécutive, on vient l'interpeller, mais les Champs-Elysées sont symboliques. On vient dire aux Parisiens les difficultés que rencontre le monde agricole. Aujourd'hui, il y a une fracture entre le monde urbain et le monde rural, donc ça nous interroge et on vient porter cette revendication-là."
Un "agribashing" toujours plus difficile à vivre
Le président de la FDSEA en Seine-et-Marne, Cyril Milard, prend un micro. "Actuellement, les tracteurs bloquent l'ensemble du périphérique, et nous sommes là pour crier notre colère, notre désarroi", annonce-t-il. "Les agriculteurs nous nourrissent, vous nourrissent, et ils en crèvent !" La liste des revendications est longue : les marges de la grande distribution, les zones de non-traitement aux pesticides, les futurs accords de libre-échange... La loi Egalim sur l'agriculture et l'alimentation peut mieux faire, selon Yohann Barbe, producteur de lait dans les Vosges. "On sort d'une loi Egalim qui a ramené un peu de poids aux producteurs mais on n'y est pas", déplore-t-il.
Quand on rentre et qu'on dit à notre épouse 'ce soir il n'y aura pas de paie', c'est bien un mois mais pas toute l'année.
Yohann Barbeà franceinfo
"Malheureusement, le rapport d'Egalim prouve que ce que les consommateurs ont mis dans les grandes surfaces n'est pas tombé dans les poches des agriculteurs", continue le producteur. "Aujourd'hui, notre métier est de plus en plus difficile par rapport à des normes, qu'on accepte parce que ça fait partie de notre environnement et on est là pour vivre avec. Mais derrière, il n'y a plus de rémunération et ça c'est intolérable. "
"L'agribashing" est aussi de plus en plus difficile à vivre, dénoncent en choeur ces agriculteurs. "Ce qui est compliqué, c'est la remise en question de notre métier matin, midi et soir, c'est le dénigrement global de l'agriculture", constate Etienne, 27 ans, producteur de céréales depuis un an. "On ne sait pas comment se défendre et on est critiqués de toutes parts par des gens qui se pensent agriculteurs sans avoir mis les mains dedans au moins une fois dans sa vie." Ces agriculteurs répètent qu'ils ne veulent plus d'intermédiaires. Ils exigent d'être reçus par Emmanuel Macron en personne. "Nous sommes prêts à rester aussi longtemps qu'il le faudra", annonce au micro un agriculteur, avant de laisser la foule entonner : "Macron, réponds-nous !"
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