Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides : les propos d'Agnès Buzyn "sont scandaleux", estime l'agriculteur qui a fait condamner Monsanto
La ministre de la Santé Agnès Buzyn n'est pas favorable à la création d'un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs victimes de pathologies liées aux pesticides. Cette position a exaspéré Paul François, mardi sur franceinfo.
Invité de franceinfo, mardi 15 mai, Paul François, agriculteur charentais intoxiqué par un herbicide de Monsanto, a sévèrement jugé les propos de la ministre de la Santé Agnès Buzyn concernant la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes des pesticides. Un tel fonds existe déjà dans l'association "Phyto-victimes", crée par Paul François en 2011. L'idée a été reprise et une proposition de loi a été votée au Sénat, mais le gouvernement n'y est pas favorable. "La création d’un tel fond m’apparaît prématurée", a expliqué Agnès Buzyn, ministre de la Santé.
franceinfo : Vous comprenez les arguments du gouvernement ?
Paul François : Non. Un ministre ne peut pas tenir de tels propos en 2018 parce que nous avons suffisamment d’éléments qui mettent en avant l’impact des pesticides sur la santé des professionnels. Depuis 2012 pour la maladie de Parkinson et depuis 2015 pour le lymphome non hodgkinien, le tableau des maladies professionnelles a bien spécifié que ces deux pathologies étaient bien liées à l’utilisation des produits phyto-sanitaires. Les agriculteurs, leurs employés, ceux qui travaillent dans les espaces publiques ont été impacté par ces produits. Ils ont besoin d’être pris en charge et d’avoir une réparation. Aujourd’hui, qu’un ministre tienne ces propos-là, c’est vouloir masquer la réalité. Le gouvernement veut continuer à protéger les industriels, à rendre invisible l’impact des pesticides sur les utilisateurs, c’est ça la vraie raison. Ces propos sont scandaleux.
Pourquoi ce fonds d’indemnisation est-il nécessaire ?
De par leurs spécificités professionnelles, les agriculteurs sont très mal indemnisés quand ils sont atteints de ces pathologies. Actuellement, la prise en charge de ces pathologies est assurée par les pouvoirs publics, donc à travers nos impôts. Il serait plus normal que les industriels payent. En plus des effets de la maladie, il y a aussi une perte financière pour l’agriculteur malade qui ne peut plus travailler sur son exploitation.
Quand des agriculteurs contactent votre association, quand ils sont malades, non seulement ils ne travaillent plus, mais ils s’engagent dans un long combat juridique ?
Complètement. Si leur pathologie n’est pas dans le tableau des maladies professionnelles, cela les oblige à passer par le tribunal des affaires de sécurité sociale. C’est cinq ans d’une procédure longue et coûteuse. Et lorsque la maladie professionnelle est reconnue, les indemnisations sont faibles. C’est moins de 300 euros par mois pour un agriculteur qui obtient 50% d’incapacité professionnelle. Ce n’est pas avec ça que vous pouvez compenser l’absence de votre exploitation. Il est normal que les industriels financent ce fonds. Ils ont commercialisé ces produits pendant plus de 50 ans, ce sont eux les vrais responsables de ces pathologies.
Qu'en est-il de l’argument de la ministre concernant la "déresponsabilisation des industriels" ?
Ils ne s’achèteront pas une bonne conscience avec ce fonds. Si on désigne les vrais coupables, ils ne pourront plus dire que les agriculteurs malades le sont à cause d’une mauvaise utilisation des produits. Ce sont les produits commercialisés qui sont responsables. Cela permettra aussi de donner de la visibilité aux victimes. Moi, j’ai pris mes responsabilités en attaquant Monsanto en justice. Le gouvernement doit prendre les siennes et désigner les firmes comme responsables et indemniser les victimes.
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