Pesticides : "On a maintenant un certain nombre de faits scientifiques qui prouvent qu'il y a des pathologies chez les riverains"
Selon Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste et président de l'association Alerte des médecins sur les pesticides, le lien de causalité entre les épandages de pesticides et certaines pathologies chez les riverains est désormais prouvé.
Le gouvernement lance lundi 9 septembre une consultation pour fixer, dans la loi, une distance minimale entre les champs traités aux pesticides et les habitations. Les distances retenues s'appuient sur le dernier rapport de l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) : cinq mètres pour les cultures basses et dix mètres pour les cultures hautes. Une distance jugée ridicule par les associations écologistes. Selon Pierre-Michel Périnaud, médecin généraliste à Limoges et président de l'association Alerte des médecins sur les pesticides, invité sur franceinfo, les riverains ne sont pas épargnés par l'épandage des pesticides.
"On sait très bien maintenant qu'il y a un lot de pathologies qui vont des troubles de la fertilité aux maladies de Parkinson à certains cancers sur lesquelles il n'y a pas de discussion scientifique", a indiqué le médecin.
Comme le maire de Langouët, en Ille-et-Vilaine, Pierre-Michel Périnaud prône une distance de 150 mètres entre les zones où sont utilisés les pesticides et les habitations. "Ce que l'on attend de l'État, c'est qu'il fixe une distance qui peut être de 150 mètres pour qu'enfin professionnels, riverains et associations de défense de l'environnement puissent discuter de ce que l'on va faire sur ces zones tampons", a détaillé le président de l'association Alerte des médecins sur les pesticides.
franceinfo : Vous êtes-vous fait une idée sur la distance adéquate nécessaire entre un champ cultivé avec des pesticides et les riverains ?
Pierre-Michel Périnaud : La question, c'est : est-ce qu'il faut protéger les habitants des zones exposées à des traitements pesticides réguliers, sur le long terme, et quelles données on a pour argumenter ?
Les données que l'on a concernent d'abord les professionnels. On sait très bien maintenant qu'il y a un lot de pathologies qui vont des troubles de la fertilité aux maladies de Parkinson à certains cancers sur lesquelles il n'y a pas de discussion scientifique.
La deuxième question, c'est : est-ce que les voisins pourraient être miraculeusement épargnés de ces pathologies alors qu'ils sont soumis, peut-être moins certes, mais ils sont soumis de façon indéniable à une dérive aérienne de ces produits ?
La réponse est malheureusement non, ils ne sont pas épargnés puisqu'on a un certain nombre d'études qui montrent grosso modo les mêmes risques de maladie de Parkinson, des risques chez les enfants de troubles du neuro-développement jusqu'à des excès d'autisme. C'est mis en évidence à des distances qui sont à plusieurs centaines de mètres autour des zones d'épandage.
Alors qu'est-ce qu'il faut faire ? En plus des mesures de type matériel d'épandage, il faut imposer des fameuses distances, des zones tampon dans lesquelles on ne va pas pouvoir utiliser les produits déjà étiquetés cancérigènes, mutagènes reprotoxiques et perturbateurs endocriniens. On a le droit d'épandre au ras des habitations parce qu'on a utilisé tel matériel de pulvérisation des perturbateurs endocriniens. Donc il y a quelque chose d'assez révoltant. Ce qui gêne, ce n'est pas ce que la FNSEA le dise, c'est que le ministère fasse semblant de les croire.
Alors, quelle distance faut-il établir ?
On pense que l'idée de 150 mètres est une bonne idée. Ce que l'on attend de l'État, c'est qu'il fixe une distance qui peut être de 150 mètres pour qu'enfin professionnels, riverains et associations de défense de l'environnement puissent discuter de ce que l'on va faire sur ces zones tampon. Madame la représentante de la FNSEA (Christiane Lambert) caricature notre position : on ne demande pas à qu'il n'y ait pas d'agriculture sur ces zones tampons. Au contraire, l'idée c'est de permettre que, sur ces zones tampons, une autre agriculture soit possible sans pesticides, au maximum en bio. L'idée, ce n'est pas de retirer 15% de la surface agricole utile française, c'est complètement farfelu.
Quand la présidente de la FNSEA dit qu'il y a des solutions techniques qui sont utilisées aujourd'hui pour éviter que les pesticides ne dérivent... Est-ce que vous la croyez ?
J'ai du mal à la croire. Je vais vous donner un seul exemple. Il y a des données qui sont sorties en Nouvelle-Aquitaine, concernant la pollution de l'air. On retrouve du folpel, un fongicide largement utilisé dans les vignes. On le retrouve à Poitiers, c'est-à-dire à une bonne centaine de kilomètres du vignoble cognaçais. Il y a une dérive aérienne qui n'est plus remise en question par personne, quels que soient les matériels utilisés.
Toute dérive n'induit pas forcément, et heureusement, des pathologies à tous les coups. Mais encore une fois, on a maintenant un certain nombre de faits scientifiques qui prouvent qu'il y a des pathologies chez les riverains.
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