Quatre questions sur l'ovosexage, la technique qui permet d'éviter le broyage des poussins mâles
La France va bientôt imposer l'identification du sexe d'un poussin avant éclosion. Chaque année, 50 millions de poussins mâles sont tués en France car jugés inutiles pour l'industrie des poules pondeuses.
L'élimination de poussins vivants, c'est bientôt fini en France. Selon une information révélée par franceinfo et Le Parisien dimanche 18 juillet, le broyage et le gazage des poussins mâles, jugés sans valeur par les producteurs d'œufs, seront interdits au 1er janvier 2022. Une mesure qui doit permettre d'éviter l'abattage de 50 millions de poussins mâles chaque année en France, mais qui pose néanmoins un défi aux éleveurs. Ils sont priés de s'équiper au plus vite pour être en mesure de détecter le sexe des poussins au stade d'embryon, dans l'œuf (cette technique est également appelée "sexage in ovo").
1Comment fonctionne la technique de l'ovosexage des poussins mâles ?
Pour éviter d'avoir à tuer des poussins mâles juste après leur naissance, plusieurs sociétés européennes ont développé des techniques de sexage directement dans l'œuf. C'est le cas de la firme allemande Seleggt, qui a conçu un robot capable de percer un trou minuscule dans la coquille de l'œuf afin d'analyser quelques gouttes du sérum contenu. Si l'œuf contient un poussin mâle, il sera alors mis de côté et réutilisé avant éclosion pour l'alimentation animale. Une autre entreprise, la société française Tronico, espère bientôt mettre en service une autre technique de sexage in ovo, fonctionnant comme une échographie de l'œuf. En fonction de la couleur des plumes de l'animal sous sa coquille, il sera possible de déduire son sexe.
"Chaque entreprise sera libre de choisir la technique qui l'intéresse", assure le ministère de l’Agriculture, qui précise que l'ovosexage est majoritairement effectué neuf ou treize jours après la ponte.
2Pourquoi cette technique s'est-elle imposée ?
Réclamée de longue date par les associations de défense des animaux, comme L214, ainsi que par des élus écologistes et même des représentants de la filière œuf, cette interdiction est motivée avant tout par le respect du bien-être animal. Jusqu'à présent, il appartenait aux "sexeurs" de trier les poussins juste après leur naissance pour séparer les mâles des femelles. Avant de pousser les premiers au broyage ou au gazage.
La technologie de sexage dans l'œuf a néanmoins mis de longs mois à convaincre producteurs et gouvernement de son efficacité. La filière avicole française craignait aussi une hausse des coûts, et donc une perte de compétitivité face aux concurrents européens. Mais la récente décision de l'Allemagne d'interdire le broyage et le gazage dès 2022 a rassuré la France. Les deux pays cherchent désormais à convaincre les autres membres de l'Union européenne. L'Autriche, l'Espagne, l'Irlande, le Luxembourg, et le Portugal sont les premiers à suivre cette dynamique, a révélé lundi le ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie.
A Bruxelles aujourd’hui pour porter la fin de l’élimination des poussins mâles à l’échelle européenne
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) July 19, 2021
La France et l’Allemagne sont à l’initiative d’une dynamique européenne qui est en train de se créer. Plusieurs pays ont déjà apporté leur soutien pour avancer rapidement. pic.twitter.com/SRGlgprFkS
3Combien cela coûtera-t-il aux producteurs ?
Le ministère de l'Agriculture le concède, l'installation de ces équipements dans tous les couvoirs de France représentera une dépense lourde pour la filière, "de l'ordre de plusieurs millions d'euros" pour une machine "standard". Ce coût devrait par ailleurs varier sensiblement selon la technologie utilisée. Pour accompagner cette transition et aider les élevages à s'équiper, le ministère a annoncé qu'une enveloppe totale de 10 millions d'euros serait débloquée pour l'industrie dans le cadre du plan France Relance. Une aide partielle qui couvrira "au maximum 40% des coûts d'investissement" de chaque entreprise, a précisé Julien Denormandie dans Le Parisien (réservé aux abonnés).
Si le décret relatif à cette interdiction est prévu "pour la fin de l'été", le ministère doit encore clarifier la répartition du coût de ces machines "tout au long de la filière, jusqu'au consommateur". Quant à l'échéance du 1er janvier 2022, elle se veut à la fois ferme et flexible : à cette date, les entreprises françaises devront obligatoirement avoir "installé ou commandé" ces appareils d'ovosexage. "La dynamique est bien lancée, se félicite Julien Denormandie. Compte tenu des commandes déjà passées, les machines seront installées pour deux tiers de la production en France dès la fin du premier trimestre 2022."
4Le prix des œufs va-t-il augmenter ?
L'amortissement de ces équipements dernier cri aura sans doute un effet sur le prix des boîtes d'œufs. Le Comité national pour la promotion des œufs en France a d'ores et déjà alerté sur la hausse à venir, même si "on va faire en sorte que cela soit le moins cher possible", a déclaré son président Philippe Juven sur franceinfo.
Une hausse "estimée à un centime par œuf sexé avec la machine la moins chère" tempérait toutefois le cabinet du ministère de l'Agriculture, lundi, et "jusqu'à quatre centimes" par œuf analysé avec l'appareil le plus coûteux. Des hausses de prix "très limitées" sont aussi à attendre dans le secteur des "ovoproduits", comme les œufs en poudre, une denrée cruciale pour la filière agro-alimentaire.
Gouvernement et producteurs semblent malgré tout résolus à faire accepter cette hausse des coûts, et du prix sur les étiquettes. "La France est le premier producteur d'œufs en Europe, a rappelé lundi le ministère de l'Agriculture lors d'une conférence de presse en ligne, nous avons une responsabilité et il nous incombe de porter cette mesure."
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