Faire peur, ne jamais utiliser : la dissuasion nucléaire à la française réaffirmée par Emmanuel Macron
Le chef de l'État prononce vendredi devant l'Ecole de guerre un discours sur la dissuasion nucléaire française. La France, comme huit autres pays au monde, dispose de l'arme atomique : 300 têtes nucléaires sont stockées dans les arsenaux de l'armée de l'air et de la Marine.
C'est comme un club anglais très très privé, dont le règlement intérieur est plus que strict. Il y a neuf membres, pas un de plus, et tout nouveau candidat doit s'attendre aux refus des autres. Les membres de ce "club atomique" sont la Russie, les Etats-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne, le Pakistan, l'Inde, Israël, la Corée du Nord et la France. Ces neuf pays détiennent les 14 200 têtes nucléaires en service dans le monde. C'est certes le quart de ce qui était récensé pendant la guerre froide, mais il y a là de quoi "faire sauter en une seconde quarante fois la planète, sans bouger les oreilles", comme l'écrivait Pierre Desproges en 1982.
L'arme atomique n'est faite pour être utilisée que si notre pays est à genoux, en état d'extrême légitime défense.
Un officier général françaisà franceinfo
La France, à côté des géants russe et américain (respectivement 7 000 et 6 500 têtes nucléaires), fait figure de petit joueur : 300 têtes, équipant 48 missiles M51 pour les sous-marins, et 54 missiles ASMP-A pour l'Armée de l'air. Néanmoins, un ASMP-A possède une puissance de destruction comparable à 20 fois celle de la bombe larguée sur Hiroshima en août 1945. Maintenir en état de marche et améliorer la dissuasion nucléaire coûte chaque année près de 4 milliards et demi d'euros, soit 20% du budget des Armées françaises. Ramenée aux 66 millions d'habitants de l'Hexagone, la dissuasion coûte 20 centimes d'euros par jour et par Français.
FAS et FOST, avions et sous-marins
La dissuasion nucléaire est divisée en deux "composantes", comme disent les militaires : aéroportée et océanique. Les Forces aériennes stratégiques (FAS) ont fêté en octobre dernier leur 20 000e jour de permanence opérationnelle, sans aucune interruption. 48 Rafales B, basés à Saint Dizier et emportant avec eux le missile ASMP-A, sont chargés de maintenir cette alerte ininterrompue. Les FAS regroupent 1850 personnes au sein de l'Armée de l'Air.
L'autre composante relève elle de la Marine nationale, et est baptisée Force océanique stratégique (FOST), composée de quatre sous-marins lanceurs d'engins (SNLE), dont les noms sont : le Triomphant, le Terrible, le Téméraire et le Vigilant. Il y a toujours un SNLE en patrouille, lesté par ses 12 missiles M51 (120 millions d'euros l'unité), quand les trois autres sont en entretien, en entraînement ou en refonte (travaux lourds). Selon des chiffres obtenus en octobre dernier à l'Île-Longue, la base brestoise des SNLE, 2 000 personnes sont engagées au sein de la FOST, parmi lesquels 700 sous-mariniers. Et sous-marinières, puisque depuis deux ans, les femmes ont le droit d'embarquer.
Il faut faire peur, et avoir une arme que l'on n'utilisera pas. Il faut être souverain aussi. Notre dissuasion est 100% made in France
un officier général françaisà franceinfo
Lorsque le sous-marin patrouille, jamais au cours des 70 à 90 jours de mission, plus de deux personnes à bord ne connaissent la destination du submersible. Même pas le président de la République, pourtant seul à pouvoir ordonner au sous-marin de lancer une frappe nucléaire. Autre anecdote : le SNLE ne fait que recevoir des messages, jamais il n'en envoie. Son mutisme est la garantie de son invisibilité. Depuis 1972, les SNLE français ont conduit 700 patrouilles.
La Marine pilote aussi la FANu, la Force aéronavale nucléaire : le missile ASMPA peut en effet être embarqué à bord du porte-avions Charles de Gaulle, afin d'équiper ensuite les Rafales.
La dissuasion ne peut être que nucléaire
En France, la pertinence de la dissuasion nucléaire n'est pas discutée, ou très rarement. Seules quelques voix critiques se sont fait entendre ces dernières années, dont celle d'un ancien ministre de la Défense. L'arme atomique n'est pas pour le socialiste Paul Quilès la "garantie ultime de la sécurité". Il précisait, lors d'une conférence en 2018, que "le vrai danger était la cyber-menace. Et le hacker ne signe pas. S’il détourne un système de communication d’un sous-marin, que faites-vous avec votre arme nucléaire ? À qui lancez-vous des représailles ?"
Interrogés sur une dissuasion 2.0, basée sur des virus informatiques, plusieurs officiers généraux français ont réfuté cette idée. Pour eux, la dissuasion ne peut-être qu'atomique. Car les têtes nucléaires s'utilisent en état "d'extrême légitime défense", pour causer des "dommages inacceptables". En résumé, une attaque cybernétique désorganise, une attaque nucléaire détruit et vitrifie. Le bouton nucléaire est installé pour faire peur, pas pour appuyer dessus.
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