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Terrorisme : comment les autorités décident-elles qu'un événement est "sécurisable" ?

Les fêtes de Bayonne et Dax maintenues mais la braderie de Lille et de nombreux autres événements annulés. Cette année, les organisateurs d’événements estivaux ont dû revoir leurs règles de sécurité pour maintenir les festivités.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
A Dax (Landes), toutes les festivités organisées dans le cadre de la féria ont été maintenues pour l'édition 2016. (NICOLAS TUCAT / AFP)

Le 17 juillet, toutes les préfectures de France ont reçu un télégramme en provenance du ministère de l’Intérieur. Trois jours après l’attentat de Nice qui a fait 85 morts, Bernard Cazeneuve a tenu à rappeler le processus à suivre pour assurer la sécurisation des événements estivaux. Des réunions de concertation entre organisateurs, municipalités et préfectures se sont alors multipliées un peu partout pour revoir les plans de sécurité.

"L'objectif est de pouvoir maintenir ces manifestations en prenant toutes les précautions mais, lorsque les conditions ne sont pas réunies pour assurer une sécurité maximale, les collectivités locale peuvent ponctuellement prendre la décision de l'annulation", a précisé le ministre de l’Intérieur le 3 août.

Des décisions prises au cas par cas, qui ont débouché sur des annulations retentissantes. Outre la braderie de Lille, de nombreux événements ont été annulés, à l'instar de deux courses à pied dans cette même ville, mardi 9 août. D'autres, parfois de grande ampleur, ont été maintenus, comme le Festival interceltique de Lorient ou la féria de Dax. S’il n’existe pas de liste exhaustive des conditions permettant une sécurisation optimale de ces événements, francetv info a listé plusieurs paramètres décisifs dans le choix des autorités.

La configuration du lieu

Dans des parcs ou sur le bord de la plage, les organisateurs des événements estivaux comptaient bien profiter du beau temps pour s’étendre en plein air. Problème : les grandes étendues extérieures, avec de multiples points d’entrées, sont difficilement sécurisables.

Les séances de cinéma de plein air de la Villette à Paris ont ainsi dû remballer leur écran géant pour l’installer… à l’intérieur de la grande halle. Une solution de repli que certains organisateurs ne peuvent pas envisager. A commencer par ceux de la grande braderie de Lille. Une institution qui rassemble plus de deux millions de visiteurs dans toute la ville et qui a dû être annulée, en raison de la configuration du lieu.

La maire de Lille, Martine Aubry, a ainsi évoqué "l'exiguïté" de certaines rues qui "allonge le temps de déplacement des forces de l’ordre ou des secours vers un lieu d’incident". Un espace saturé qui pourrait s’avérer dangereux "même en l’absence d’accidents, le climat de crainte est tel que le moindre bruit ou mouvement de foule peut créer un état de panique avec des conséquences graves", selon la maire de Lille.

Une configuration en centre-ville qui rappelle celle de la féria de Dax. Pour autant, l'événement a été maintenu grâce à un nouveau système de sécurisation. Contacté par francetv info, le maire de la ville, Gabriel Bellocq, explique cette configuration spécifique : "Le centre-ville est comme un soleil, où se déroulent les festivités. Tous les rayons, quatorze rues et avenues, seront fermées, avec des policiers et des chicanes."

Un système de sécurisation impossible à mettre en place à La Baule, où le grand feu d’artifice du 15 août prévu sur le front de mer a été annulé. Pour Charles-Amaury Cadiet, directeur de la communication à la mairie, cela est dû à la configuration des lieux, qui "ressemble à celle de Nice", lors de l’attentat du 14 juillet. A La Baule, les spectateurs devaient aussi se rassembler sur le front de mer, dans une zone piétonisée avec plusieurs axes routiers proches.

Autre configuration difficile : le triathlon de La Baule, qui doit se tenir fin septembre. Cet événement est l’un des plus important de l’année pour la ville et s’étend sur de longues distances, difficilement sécurisables. La mairie est en cours de réflexion sur les moyens d’assurer une sécurité optimale. A l’inverse, les festivités de Noël ne devraient pas être annulées car elles se déroulent dans un parc clos, avec une seule entrée ou des fouilles de sacs pourront facilement être implantées.

Le nombre de participants

Autre inquiétude des organisateurs d'événements estivaux, les mouvements de foule, qui peuvent avoir des conséquences terribles.

A La Baule, la fréquentation plus faible des séances de cinéma en plein air, organisées sur la plage, permet d'éliminer un facteur de risque pour les autorités. Idem pour la braderie du centre-ville, dont les participants se dispersent tout au long de la journée, avec un risque plus faible de mouvement de foule, explique le directeur de la communication.

Cela n'empêche pas des événements très fréquentés de se tenir, comme le Festival interceltique de Lorient qui devrait accueillir 750 000 spectateurs cette année. 500 bénévoles aux points de contrôle, 130 agents de sécurité, 200 sapeurs-pompiers et 250 gendarmes et policiers ont été mobilisés. De quoi rassurer le préfet : "Nous sommes en mesure d'assurer un haut niveau de sécurité pour les personnes. Les moyens humains sont très conséquents et adaptés."

Les menaces spécifiques

En plein état d’urgence, les autorités doivent aussi prendre en compte des menaces spécifiques contre certains événements ou contre des villes particulièrement visées. 

La ville de Marseille a ainsi annulé le meeting de la patrouille de France dix jours après avoir été explicitement citée pour la première fois comme cible potentielle de l’organisation Etat islamique. Après la publication de cette vidéo évoquant la cité phocéenne, le maire a demandé "une mobilisation accrue et significative de tous les moyens humains et matériels" à Manuel Valls, pour assurer la protection des touristes et des habitants.

Un renforcement de la sécurité autour de Paris Plage a aussi été mis en place après des menaces d’attentat, selon les informations du Point. Depuis, la brigade fluviale sur la Seine serait accompagnée de policiers de la BRI, la brigade de recherche et d'intervention.

Les moyens financiers

Les nouveaux plans de sécurisation des événements estivaux, définis par les municipalités et les préfectures, présentent souvent un budget bien plus élevé que celui prévu initialement. Le recours à des sociétés privées de sécurité, le paiement des heures supplémentaires des CRS ou encore la location de plots en bétons peuvent alourdir la facture à un niveau tel que certaines municipalités sont obligées de renoncer pour ne pas se retrouver dans le rouge. Les événements nocturnes sont d’autant plus concernés que le déploiement de vigiles et de forces de sécurité est très onéreux la nuit.

A la Seyne-sur-Mer (Var), les deux feux d'artifice, la braderie et la brocante ont été annulés. Pour justifier cette décision, la mairie évoque une situation financière difficile. Impossible de respecter l'ensemble des nouvelles consignes de la préfecture en terme de sécurité sans mettre à mal le budget municipal.

L'embauche de dizaines de vigiles supplémentaires fait aussi grimper la facture pour la féria de Dax. Le maire estime ainsi que le budget "hygiène et sécurité", qui avoisinait les 800 000 euros pour les éditions précédentes, devrait augmenter de 100 000 à 200 000 euros. "La fréquentation de l'événement mérite ces efforts", justifie le maire de la ville.

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