: Vidéo Harcèlement dans l'armée : une nouvelle recrue ligotée au beau milieu d'un champ de tir, lors d'un exercice d'avions de chasse à balles réelles
Un jeune pilote cagoulé et ligoté sur une cible en plein champ de tir, lors d'un exercice à balles réelles des avions Mirage de son nouvel escadron... Pour la première fois, la victime de ce simulacre d’exécution brise la loi du silence et témoigne à visage découvert pour "Complément d’enquête". Extrait d'un document qui révèle, le 6 janvier 2022, la face cachée d'un univers qui fascine : l'aviation de chasse, vitrine de l'excellence de l'armée de l'air.
Les faits se sont déroulés en mars 2019, en Corse, sur la base aérienne de Solenzara. Des photos et vidéos filmées par leurs auteurs permettent de reconstituer la scène, ainsi que le récit de la victime d'un incroyable bizutage. Antoine témoigne pour la première fois, à visage découvert, dans cet extrait d'un document de "Complément d'enquête" à voir le 6 janvier 2022.
Tout juste diplômé, il vient de faire connaissance avec ses nouveaux collègues. Un après-midi, il se retrouve cagoulé et ligoté, jeté à l'arrière d'un pick-up, puis transporté jusqu'au champ de tir de Diane. Là, ses frères d'armes l'attachent à un poteau... et s'en vont. "Et j'entends des bruits d'avion. J'entends un, deux avions de chasse, et il y en a un que j'entends tirer", raconte Antoine, dont "le sang se glace" alors. Après quelques minutes, la cagoule lui est enlevée.
La hiérarchie était-elle au courant ?
Toute la scène qui suit a été filmée par les bizuteurs à l'aide d'un smartphone. Le bruit des tirs du Mirage fait saturer le micro. Ses canons sont chargés d'obus de 30 mm, capables de transpercer le blindage d'un char d'assaut. Il s'agit d'un exercice à balles réelles… sans danger, si l'on en croit les militaires qui y ont pris part, le poteau auquel était attaché le bizut se trouvant, selon eux, à distance des cibles effectives du Mirage.
Qui a organisé cette mise en scène macabre ? Quels sont les responsables de ce bizutage – une pratique interdite dans l'armée de l'air – particulièrement traumatisant ? "De son propre chef, le capitaine qui m'a emmené sur le champ de tir ne pouvait pas prendre cette décision-là sans risquer sa carrière, estime Antoine. Forcément, il est couvert. Moi, je pense même que c'est un ordre qui lui a été donné. En fait, il faut que toute la chaîne hiérarchique de l'escadron soit au courant."
"Enterrer l'affaire"
A l'époque, craignant pour sa carrière, Antoine n'a pas dénoncé ses chefs. Mais deux ans plus tard, écœuré après une formation selon lui bâclée, qui l'aurait empêché de valider sa qualification de pilote opérationnel, il pense à quitter l'armée. On lui réclame alors 250 000 euros de frais de formation. Il écrit à la ministre des Armées pour l'avertir de son intention de révéler les faits si on ne le laisse pas partir. Il porte plainte, l'affaire fuite dans la presse, contraignant le porte-parole de l'armée de l'air à réagir.
Le discours est ferme pour condamner une "mise en scène lamentable", un "type d'agissements [qui] n'est pas du tout en adéquation avec nos valeurs". Les auteurs du bizutage ont reçu une sanction (quelques jours d'arrêt). Mais "off", le porte-parole laisse échapper que "ce n'est jamais agréable, et qu'on voudrait enterrer l'affaire". Eviter le scandale à tout prix, quitte à maintenir une forme d'omerta, serait-ce la politique habituelle de l'armée de l'air ? Les témoignages recueillis par "Complément d'enquête" tendent en tout cas à montrer que ce genre de rituel serait largement répandu.
Extrait de "Harcèlement dans l'armée : des militaires brisent le silence", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 6 janvier 2022.
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