En 1974, Raymond Depardon filmait Giscard : le réalisateur se souvient
En 1974, entre les deux tours qui allaient l'amener à l'Elysée, Raymond Depardon avait pu filmer la campagne de Valéry Giscard d'Estaing. Une première. Le film n'est pourtant sorti qu'en 2002. Le réalisateur et photographe se souvient de ce moment unique.
Il a filmé Valéry Giscard d’Estaing, au plus près, pendant la campagne présidentielle de 1974. Le documentariste Raymond Depardon se souvient de ce tournage, autour d'un personnage "moderne" qui a "fait tomber une barrière" dans la politique française.
Dans 1974, une partie de campagne, il a accédé aux coulisses de l'entre-deux tours de l'élection en filmant, sans restriction, le quotidien de Valéry Giscard d'Estaing, un format inédit à l'époque. Longtemps censuré, le film n'est finalement sorti qu'en 2002.
Quelle scène de la campagne de Valéry Giscard d'Estaing vous a marqué ?
Quand, à l'approche de l'annonce des résultats de l'élection, il m'a dit : "Je voudrais être seul." Ce jour-là, il n'était pas de bonne humeur. Il regardait la télévision, mais la télécommande ne marchait pas, alors il changeait les chaînes directement sur le poste. Là, j'ai compris qu'il voulait déjà se préparer à la solitude du pouvoir. Il savait que ça allait lui arriver dessus. Il aimait la solitude. Il venait d'être élu président de la République, on parlait de lui partout, de ce qu'il allait faire, de son programme, alors ça l'a un peu énervé. Il a voulu changer de chaîne. Sur France 3, il est tombé sur un téléfilm américain où le personnage, une Américaine noire, disait : "Je ne suis pas contente, on parle de toi sur toutes les chaînes." Il y a des choses que le hasard amène qui sont magnifiques. Alors que j'entendais les klaxons et les gens qui faisaient la fête rue de Rivoli, Giscard, "Monsieur tout seul", bidouillait sa télé.
Le documentaire montre une proximité avec les Français, pourquoi était-il si populaire ?
Il faisait tomber une barrière. Il était très moderne, comparé aux hommes politiques de l'époque. Nous étions toujours avec l'image de de Gaulle, même de Pompidou qui s'inscrivait dans une tradition gaulliste. La transition n'avait pas été faite avec la nouvelle ère dans laquelle nous entrions, la façon de bouger, de parler, de s'habiller, la façon d'être. Il rassurait, on se disait qu'avec lui, la bourse allait être bien tenue (Valéry Giscard d'Estaing a été ministre de l'Economie et des Finances, ndlr). Il a laissé derrière lui des réformes importantes pour l'Histoire.
Cela vous réjouit-il de savoir que votre film restera dans l'Histoire ?
Oui, je suis très touché parce que, à l'époque, beaucoup de journalistes tournaient plutôt autour de Jacques Chirac, que j'ai filmé moi aussi en tant que reporter, bien sûr. Il était très photogénique, mais Giscard, lui, était un peu intriguant, il faisait un peu peur aux gens. Ils avaient peut-être un peu de réserve (à son égard). Mais je ne regrette absolument pas d'avoir fait ce film, parce qu'il y avait quelque chose de très cinématographique chez lui. C'était nouveau, totalement révolutionnaire, de pouvoir suivre un homme politique de cette façon. Puis c'était une période importante de notre Histoire, de notre culture, quelque part. C'est important que ce film existe.
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