"Nous sommes devenus les juges de mesures fictives" : une tribune alarme sur l'état de la justice des mineurs en Seine-Saint-Denis
Dans une tribune publiée lundi sur France Inter et "Le Monde", quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny dénoncent un manque de moyen et alertent sur la dégradation des dispositifs de protection de l'enfance en Seine-Saint-Denis
"Notre alerte est un appel au secours" : quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny mettent en garde sur l'état de la justice des mineurs délinquants en Seine-Saint-Denis, dans une tribune publiée lundi 5 novembre par France Inter et Le Monde. "Nous sommes devenus les juges de mesures fictives", écrivent les juges qui dénoncent un manque de moyens pour les mineurs.
Des délais de prise en charge "inacceptables"
Dans cette tribune, les juges des enfants du tribunal de grande instance de Bobigny alertent sur "la forte dégradation des dispositifs de protection de l'enfance en Seine-Saint-Denis", notamment "un manque flagrant de personnel, lié aux restrictions budgétaires". Ils pointent du doigt des délais de prise en charge "inacceptables" des mineurs délinquants, affirmant qu'il s'écoule presque un an et demi entre l'audience durant laquelle la décision est prononcée, et "l'affectation du suivi à un éducateur".
Un manque de moyens dans la justice, mais aussi dans les circonscriptions d'action sociale. Ils dénoncent le manque d'aide pour des "mineurs en détresse" faute de moyens financiers "alloués à la protection de l’enfance par le conseil départemental, tributaire en partie des dotations de l’État".
Des enfants "mal protégés"
Les juges parlent aussi du manque de greffiers au tribunal de Bobigny. Étant peu nombreux, ils ne peuvent plus assurer pleinement leur mission : "Leur absence aux audiences en assistance éducative, pourtant illégale, est à présent la norme, écrivent les magistrats dans leur tribune. Les jugements pénaux sont, quant à eux, notifiés dans des délais (environ un an) qui leur ôtent véritablement tout sens, dans un département où les actes de délinquance sont nombreux."
"Nous sommes devenus les juges de mesures fictives", écrivent les magistrats, qui pointent les conséquences de ces restrictions budgétaires. "Des enfants mal protégés, ce seront davantage d’adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l’incapacité de travailler. Ce seront davantage de coûts sociaux, de prises en charge en psychiatrie, de majeurs à protéger et, ce n’est plus à prouver, davantage de passages à l’acte criminel." Selon eux, "le meilleur rempart à la violence extrême", c'est "une politique efficace de détection des violences précoces et de protection des enfants qui en sont les victimes".
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