Prison de Fresnes : "Cette polémique contribue à masquer l'état déplorable des établissements pénitentiaires", regrette l'Observatoire international des prisons
Sur franceinfo, Matthieu Quinquis accuse le garde des Sceaux d'"essayer par tous les moyens d'éteindre une polémique qu'il a lui-même contribué à faire naître dans le débat public."
L'affaire Kohlantess dérape. Eric Dupond-Moretti a assuré qu'il n'a jamais validé l'organisation d'une course de karting dans la prison de Fresnes et a pointé la responsabilité de la direction de l'établissement du doigt. "Cette polémique contribue, et c'est le plus regrettable, à masquer l'état déplorable des établissements pénitentiaires en France", souligne pour sa part Matthieu Quinquis, président de la section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) sur franceinfo ce mardi.
>> Karting à la prison de Fresnes : de l'administration pénitentiaire au ministre de la Justice, qui était informé de l'organisation de cet événement ?
franceinfo : Comment jugez-vous les dernières déclarations du garde des Sceaux ?
Matthieu Quinquis : Je pense que le garde des Sceaux essaie par tous les moyens d'éteindre une polémique qu'il a lui-même contribué à faire naître dans le débat public. Cette polémique contribue par ailleurs, et c'est le plus regrettable, à masquer l'état déplorable des établissements pénitentiaires en France. Rappelons qu'il y a 72 000 personnes détenues en France pour 60 000 places seulement. En juillet, 1 900 personnes dormaient sur un matelas posé à même le sol. C'est cela qui doit nous scandaliser. Cette polémique cache toute la violence du quotidien carcéral, toute la violence que subissent les personnes incarcérées aujourd'hui en France.
Êtes-vous choqué de voir parmi les détenus participants des personnes condamnées pour de très lourdes peines ?
Aujourd'hui en France, des personnes sont envoyées en prison pour de très longues années à la suite de faits très graves. Qui peut sérieusement en être surpris ? Qui peut s'étonner du profil des personnes qui sont condamnées ? A ceux qui s'interrogent sur la participation de ces personnes aux activités en question, je demande : que doivent faire ces personnes pendant les dix, quinze, vingt ans de réclusion qu'ils doivent purger ? Comment doivent-ils s'occuper ? Quels moyens doit-on mettre en oeuvre pour s'assurer que ces personnes, à leur sortie de prison, adhèrent au corps social, respectent des règles communes et ne récidivent pas ?
Quel est le problème de fond du système carcéral français ?
Les vrais problèmes ont été rappelés très sévèrement par la Cour européenne des droits de l'Homme il y a deux ans dans une condamnation très sèche de la France suite à une affaire qui comptait 32 requérants. Six établissements étaient pointés du doigt et la Cour a exigé de la France qu'elle mette enfin des moyens efficaces pour mettre un terme à la sur-occupation des établissements pénitentiaires. On a un rendez-vous avec l'Etat devant le Conseil de l'Europe d'ici la fin de l'année pour faire le bilan sur les actions entreprises. Nous savons d'avance qu'elles sont largement insuffisantes : le taux d'incarcération continue d'augmenter, les durées de détention ne cessent de s'allonger, on continue une politique pénale et pénitentiaire qui est la cause même des difficultés qu'on rencontre aujourd'hui.
Que doit faire la France pour ses prisons ?
La France doit arrêter de construire des prisons. L'équation est simple et constatée depuis des années : plus on construit des places de prison, plus on les remplit. Le garde des Sceaux construit aujourd'hui 15 000 places de prison, mais l'administration pénitentiaire s'attend à recevoir plus de 80 000 détenus dans les prochaines années. Même avec ces nouvelles places, on n'atteindra que 75 000 places disponibles, ce n'est pas assez. On entre dans une forme de course à l'échalotte sans fin et extrêmement coûteuse pour le contribuable : la construction des établissements pénitentiaires coûte bien plus que des peines alternatives exécutées en milieu ouvert, qui ont d'ailleurs un impact beaucoup plus important et profond dans la prévention de la récidive et l'aide à la réinsertion.
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