Cet article date de plus de quatre ans.

"Un Walking Dead avec le masque, c’est plutôt dans le thème !" : comment se passe un escape game dans le respect des règles sanitaires

Depuis le déconfinement, le masque est obligatoire dans les espaces clos accueillant du public. Et son usage n’est pas forcément évident dans certaines situations. Par exemple dans les escape games.

Article rédigé par franceinfo - Ariane Schwab
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Amélie Ducarre, directrice adjointe d’Escape Yourself, accueille les joueurs avec du gel hydroalcoolique à Tours (photo d'illustration). (ESCAPE YOURSELF)

Marylyn est une habituée des escape games, ces jeux d'évasion en salles plutôt réservés aux adultes, même s'il en existe adaptés aux enfants. Elle ne considérait a priori pas le masque comme un problème lorsqu’elle s’est présentée chez Team Break à Reims : "Franchement un escape Walking Dead, avec le masque, on se disait c'est pas grave, c'est même plutôt dans le thème, t’es dans un labo, c'est plutôt fun". Mais l’expérience s’est rapidement révélée pénible.

Marylyn et ses deux camarades de jeu identifient plusieurs soucis : d’abord, avec les voix atténuées par le masque, il est difficile de se comprendre pour résoudre les énigmes ; puis la chaleur créant de la buée à cause du port du masque pour ces trois porteurs de lunettes. Ajoutée aux lumières rouges du jeu, elle les rend quasiment aveugles.

On passait à côté des indices, on ne voyait pas les boutons, on ne voyait pas ce qui était marqué sur des espèces de panneaux qu’il fallait ouvrir.

Marylyn, une "escape gameuse"

à franceinfo

"Tu passes ton temps à remonter ton masque, à remettre tes lunettes dessus, à frotter tes lunettes. C'est franchement handicapant !", résume-t-elle. Résultat des courses, Marylyn et ses trois acolytes n’ont pas réussi à contrer le virus Zombie en 60 minutes et se sont fait éjecter du labo avant qu’il n’explose. Grosse déception. "On est ressortis de là tous les trois bons pour le Doliprane parce qu'on avait la tête au carré, raconte Marylyn. Donc on s’est dit qu’on n’en referait pas tant qu’il faudrait mettre le masque."

La rigueur pour ne pas refermer

Le masque dans les salles est un souci pour pas mal de joueurs, reconnaît Amélie Ducarre, directrice adjointe d’Escape Yourself, la plus grosse franchise d’escape games de France avec 29 complexes. "Il faut tout le temps, tout le temps, leur expliquer que même si on essaie de nettoyer, les postillons vont se mettre forcément un peu partout. On n’y peut rien. On ne pourra pas déroger à cette règle. Avant tout, on a envie d'éviter une fermeture dans les prochains mois ou prochaines semaines. C'est aussi à nous de montrer la marche à suivre, le bon exemple."

Les règles en France sont simples. À l’exception des cinémas, dans les lieux clos accueillant du public, le masque est obligatoire dans le but de contenir le coronavirus. Et la mesure commence même à être appliquée en plein air dans plusieurs villes de France.

C’est effectivement sur le port du masque qu’on va avoir le plus d'incompréhension parce que les gens se retrouvent dans une salle de jeux entre eux, avec des membres de leur famille ou leurs amis et qu’ils n’ont plus ces barrières-là.

Alexandre Soltani, le directeur de Hint Hunt à Paris

à franceinfo

À HintHunt, première enseigne d’escape game à s’être installée à Paris, on ne plaisante pas non plus avec les règles d’hygiène. Même les gants à usage unique sont obligatoires pendant le jeu. "On a mis en place des procédures avec les game masters qui peuvent communiquer avec les joueurs. Donc ils vont se servir du système de communication pour d’abord envoyer un rappel comme quoi il faut bien garder le masque. Deuxièmement, aller dans la salle de jeu pour rappeler aux joueurs qu’il faut bien le remettre sinon ça peut arrêter le jeu, ajoute Alexandre Soltani. En général, c’est suffisant pour rappeler tout le monde à l’ordre. Ça demande de la discipline mais comme ce sont des espaces collectifs, il faut que tout le monde se plie aux règles." 

Des astuces pour ne pas nuire au jeu

La plupart des établissements imposent le port du masque et une désinfection scrupuleuse des mains et des locaux. Marylyn a d’ailleurs trouvé plutôt rassurante la rigueur de l’établissement rémois en matière de règles sanitaires. On n’entre pas avant l’heure du jeu, on enfile le masque devant la porte et dès l’entrée, on se passe les mains au gel hydroalcoolique. "Avant même d'approcher quoi que ce soit, on a été briefés. C’était vraiment clean, c’était propre. Tu voyais qu’ils se sentaient vraiment responsabilisés par rapport à ça", a-t-elle apprécié.  

Chez HintHunt, on dispose de cinq espaces d'accueil séparés pour onze salles de jeux ce qui permet d'éviter que les joueurs se croisent. Ils sont cinq maximum par salle. "Heureusement", il n’a pas été nécessaire de réadapter les scénarios, "il n'y avait rien qui forçait le contact physique entre les joueurs, explique le directeur. Pour le coup, on n’a rien vu qui pouvait être problématique à part les objets qui sont manipulés et qui doivent être soigneusement désinfectés". Pour pallier le problème, Escape Yourself a choisi des "indices interchangeables. On a plusieurs jeux, tout ce qui est papier plastifié est changé entre chaque équipe et nettoyé pendant la partie", explique Amélie Ducarre. Et pour éviter de limiter le nombre de participants, la maison-mère à Tours a préféré "décaler un peu les créneaux horaires pour qu’il y ait le moins de croisements possibles entre les équipes". En revanche là, certains éléments des scénarios ont dû être réadaptés.

Par exemple on a des bougies qui réagissent à un mécanisme où il faut souffler pour éteindre et rallumer les bougies. Là, on n'utilise plus le souffle, mais un soufflet qu'on a acheté en magasin de bricolage.

Amélie Ducarre, directrice adjointe d’Escape Yourself

à franceinfo

Des chiffres en berne mais une reprise encourageante

Si la reprise a été difficile après le confinement, les enseignes indiquent toutes une reprise encourageante de l’activité depuis la mi-juillet. Hint Hunt a rouvert en mai, juste à la fin du déconfinement. "C'était plus confidentiel qu'autre chose", admet le directeur qui évoque "une ou deux sessions par jour sur 11 salles donc une salle qui tournait toutes les 48 heures grosso modo". L'activité a repris pendant les vacances même si Alexandre Soltani parle d’un taux de fréquentation "encore largement au-dessous" de celui espéré. "En temps normal, on aurait été à 800 personnes par semaine et maintenant, c'est aux alentours de 430 personnes", précise-t-il, tout en se réjouissant de "signes encourageants" pour septembre avec le retour des entreprises qui commencent à organiser des team buildings pour la fin de l’année. "Ça représente une grosse partie de notre chiffre d'affaires et on a tout perdu de ce côté-là", confie-t-il.

Chez Escape Yourself, on ne semble pas connaître la crise puisque deux ouvertures de complexes sont prévues d’ici la fin de l’année. "Honnêtement, le mois de juin a été mauvais, mais on s'y attendait plus ou moins. Au début des vacances, juillet était calme aussi, mais on sent une reprise depuis le 15 juillet à peu près", livre Amélie Ducarre. La franchise n’a pas encore de chiffres définitifs mais elle évalue la baisse du taux de fréquentation "entre 20 et 30 % sur tout le territoire".

"La plupart ne survivront pas à une deuxième vague"

Toutes les enseignes consultées reconnaissent avoir survécu grâce au PGE (prêt garanti par l’État) et au chômage partiel, et redoutent une deuxième vague. Quand Amélie Ducarre parle d’"épée de Damoclès", Alexandre Soltani est plus fataliste : "S’il y a une deuxième vague, ce sera à peu près comme ce qui s’est passé sur la première : la psychose va augmenter. Tous les gens qui ont réservé en amont vont essayer de reporter et de décaler ou de se faire rembourser. Puis la fermeture arrivera. C’est ce qui s'est passé en mars et je pense qu'on aura le même phénomène. La plupart ne survivront pas à une deuxième vague."

Pour l’heure, sur les 2 308 salles dénombrées en France par le site spécialisé escapegame.fr, nous avons relevé 17 fermetures entre janvier et juillet 2020. Toutefois, dificile de dire si elles sont dues exclusivement au coronavirus, note Benjamin Bouwyn, développeur du site. "D'après nos observations, la majorité des fermetures concernent en réalité des enseignes qui étaient déjà en dificulté avant et que la crise a achevées. Les vraies victimes du Covid se verront peut-être dans quelques mois."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.