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Les ex-Goodyear aux prud'hommes : "C'est le procès d'une multinationale qui a licencié près de 1 000 salariés"

832 salariés attaquent le géant du pneumatique pour licenciement sans cause économique réelle et sérieuse, après la fermeture de l'usine d'Amiens-Nord en 2014. Invité sur franceinfo, Fiodor Rilov, leur avocat, évoque un procès "totalement inédit".

Article rédigé par franceinfo
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Le conseil des prud'hommes, installé au Parc des exposition, à Amiens, le 4 octobre 2018. (FRANCOIS LO PRESTI / AFP)

"La justice est peut-être l'une des dernières autorités à pouvoir infliger aux responsables de ces désastres sociaux une sanction", souligne sur franceinfo Fiodor Rilov, avocat des ex-Goodyear qu'il défend jeudi 4 octobre devant le conseil des prud'hommes d'Amiens. En janvier 2014, Goodyear Amiens-Nord avait fermé son usine, entraînant la disparition de 1 143 emplois. Parmi eux, 832 contestent leur licenciement économique. Ils sont si nombreux que l'audience a été délocalisée dans la salle de congrès Mégacité d'Amiens. "Un procès totalement inédit", d'après l'avocat.

franceinfo : C'est un procès hors norme ?

Fiodor Rilov : Oui, c'est un procès totalement inédit. C'est le procès d'une multinationale qui a licencié près de mille salariés. Le jour où les lettres de licenciement ont été envoyées, le groupe annonçait des profits records de près de 2,5 milliards de dollars de profits net. C'est un bénéfice absolument extraordinaire réalisé par ce groupe qui, au lieu de servir à sauver des emplois, à réinvestir, à créer de l'activité sur le site d'Amiens-Nord, a été le prétexte abusif et inacceptable du licenciement de la totalité des salariés qui travaillaient à Amiens.

Que risque Goodyear à l'issue de ce procès ?

Payer, je l'espère, des indemnités aux salariés qui, en tout état de cause, seront loin de pouvoir compenser le préjudice qui est tombé sur la tête de ces centaines de familles. Vous savez, les salariés de Goodyear, ça fait dix ans qu'ils se battent. Ils ont réussi à empêcher la fermeture de leur usine pendant 7 ans [entre 2004, date à laquelle le projet de restructuration a été présenté, et 2014, où Amiens-Nord a effectivement fermé]. Leur principal objectif, c'est de faire reconnaître que ce qui s'est passé à Amiens, et ce que des millions d'autres salariés subissent dans ce pays, à savoir un licenciement pour que quelques actionnaires fassent davantage de profits, et que ce type de gestion est absolument scandaleux.

La justice est peut-être l'une des dernières autorités à pouvoir infliger une sanction aux responsables de tous ces désastres sociaux qui se produisent dans notre pays. Même si elle n'est que symbolique. C'est absolument fondamental dans le contexte dans lequel nous sommes aujourd'hui où, au lieu de dénoncer ce type de restructuration, on a plutôt l'impression de chercher à les encourager au plus haut sommet de l'Etat. M. Macron a intégré dans le Code du travail un certain nombre d'articles qui permettraient à Goodyear de faire aujourd'hui ce qu'il a fait en 2014 et qui était, à l'époque, totalement interdit.

Quatre ans après, comment vont ces 832 anciens salariés qui se retrouvent aux prud'hommes aujourd'hui ?

Ils ne vont évidemment pas bien du tout parce qu'ils ont perdu leur travail... En même temps, ils vont bien, car ils continuent leur combat. Cette force collective, elle est là et elle va peser sur le cours des débats aujourd'hui. Nous espérons que le conseil des prud'hommes d'Amiens répondra : "Non, c'est interdit de licencier des centaines de salariés quand, en même temps, on fait des profits gigantesques."

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