Nationalisation d’EDF à 100% : c’est "une nécessité, mais ça ne suffit pas", estime un expert énergie
Selon Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, la nationalisation annoncée de l'électricien s'inscrit dans une logique de "très court terme".
"Il y a une nécessité de nationaliser EDF parce qu'il y a une dette, mais ça ne suffit pas", a expliqué jeudi 7 juillet sur franceinfo Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting, après l’annonce d’Elisabeth Borne devant l’Assemblée nationale mercredi sur la nationalisation d’EDF à 100%. Jusque-là, l’Etat détenait 84% du capital d’EDF qui est très endettée. Cette renationalisation c'est "l'acte 1", mais "ce n'est pas parce que vous avez nationalisé que cela permet de réguler le nucléaire, de savoir comment vous allez financer le nouveau nucléaire en respectant les règles du marché européen".
franceinfo : A quoi est-ce que cela sert de renationaliser EDF ?
Nicolas Goldberg : Il y a une logique de très court terme. Les résultats financiers d'EDF cette année vont être catastrophiques parce que le parc nucléaire produit beaucoup moins, on a un quart de la production nucléaire qui s'est évanouie pour des raisons de maintenance et aussi à cause des corrosions découvertes sur le parc nucléaire. C'est ce qui fait qu'EDF ne profite malheureusement pas de la hausse des prix du marché puisqu'ils produisent moins. La deuxième raison c'est le bouclier tarifaire. L'Etat a mis la main à la poche pour baisser les taxes et a demandé à EDF de vendre plus de nucléaire à un prix régulé. Ils ont dit au lieu de vendre à 300 euros sur les marchés vous vendez à 42. C'est un sacré manque à gagner pour EDF qui se chiffre en dizaines de milliards d'euros. Donc, il y a une nécessité de nationaliser EDF parce qu'il y a une dette. La dette ne serait pas le plus gros du problème s'il y avait des résultats financiers en face.
Est-ce que cette situation était attendue ou a-t-elle été précipitée par la guerre en Ukraine ?
C'était attendu même si cela a été précipité par la crise énergétique puisque si on n'avait pas eu la crise énergétique on n'aurait pas eu le bouclier tarifaire. Tous les candidats en avaient parlé pendant l'élection présidentielle. En tant qu'experts, on regardait la projection des résultats financiers et on ne savait pas comment il aurait pu en être autrement. Si on regarde l'avenir, l'Etat a dit qu'il allait relancer un programme nucléaire et il y a énormément d'investissements à faire sur les énergies renouvelables. Le rapport de RTE sur la relance ou non d'une filière EPR et la neutralité carbone en 2050 c'est que les coûts de la transition énergétique sont dépendants de la façon dont on les finance. Si vous financez ça avec des investissements d'Etat, c'est très intéressant de refaire du nucléaire et c'est la trajectoire qu'a choisi Emmanuel Macron.
Cette renationalisation va-t-elle suffire ?
C'est une première étape, mais ça ne suffit pas. Il serait intéressant de savoir si EDF est une entreprise de marché en concurrence comme une autre ou un service public. A mon avis, très souvent c'est plutôt un service public parce qu'il y a des tarifs réglementés, des décisions d'Etat, 100% des agences et des call centers qui sont encore en France. Donc, il y a quand même des obligations de service public alors que c'est une entreprise en concurrence. La nationalisation complète permettra peut-être de clarifier cette mission d'EDF. Mais ce n'est pas parce que vous avez nationalisé que cela permet de réguler le nucléaire, de savoir comment vous allez financer le nouveau nucléaire en respectant les règles du marché européen. Donc c'est un acte 1 et il faudra attendre l'acte 2 pour connaître les conséquences, notamment la prolongation du bouclier tarifaire, la régulation du nucléaire existant et le financement du futur nucléaire.
Combien est-ce que cela va coûter ?
Cela va coûter six à huit milliards. Avec tous montants qu'on a eus sur le bouclier tarifaire, on se dit que ce n'est pas beaucoup. Cela va coûter mais à mon avis ce n'est pas le nœud de la question quand on voit toutes les crises que l'on va devoir affronter, comme l'inflation, la hausse des tarifs début 2023. Cette nationalisation ne va rien changer sur la facture, il faudra attendre de voir ce que l'on fait pour le bouclier tarifaire. Ce n'est pas parce que vous nationalisez EDF que tout à coup il n'y a plus de concurrence sur la commercialisation. Donc, il faudra voir comment on prolonge le bouclier. On ne pourra pas favoriser EDF par rapport aux autres, donc il faudra voir quelle régulation on met en place pour réguler les tarifs de l'électricité.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.