: Vidéo Rémunération de Carlos Tavares : comment sont calculés les salaires des grands patrons ?
Une rémunération minimum de 23,5 millions d'euros pour l'exercice 2023 a été approuvée par les actionnaires de Stellantis pour leur directeur général, Carlos Tavares, mardi 16 avril 2024. Un montant qui pourrait grimper à 36,5 millions d'euros. Cette rémunération se décompose en deux parties : une première fixe de deux millions d'euros, l'autre variable d'une année sur l'autre. Cette dernière est composée de bonus lié à la performance de l'entreprise de près de 5,8 millions d'euros, d'avantages en nature et d'une pension de retraite d'environ 1,9 million d'euros.
À cela s'ajoute un volume d'actions attribuées à Carlos Tavares, qui détermine le montant final de la rémunération du patron de Stellantis et qui pourrait la faire grimper à plus de 30 millions d'euros."C'est un plan sur plusieurs années, détaille Charles Pinel, directeur général de Proxinvest, une société de conseil aux investisseurs. Il faut que Carlos Tavares atteigne des paliers basés sur des critères de performance précis, et il se voit attribuer des actions gratuites."
Un vote éclairé par des sociétés de conseil
Le montant proposé au vote des actionnaires est donc issu de calculs de performance et "correspond bien à une réalité", estime Charles Pinel. Sa société conseille les actionnaires de société cotées en amont du vote. "Nos clients sont principalement des sociétés de gestion qui gèrent des fonds, et lorsque se tiennent les Assemblées générales, nous émettons des avis de vote pour chaque résolution, qu’elles soient financières, juridiques ou de gouvernance" et notamment lorsqu'il est question de la rémunération des dirigeants. Ces avis sont établis sur "une batterie de critères", explique Charles Pinel et visent à "défendre au mieux" les intérêts des investisseurs de l'entreprise concernée. Mais ils ne représentent qu'un outil à destination des actionnaires, qui peuvent voter en fonction de leurs propres critères et de la culture de l'entreprise.
En France, depuis la loi Sapin II du 9 décembre 2016, le vote des actionnaires est contraignant et peut donc annuler le plan de rémunération présenté. Ce n'est pas le cas d'autres pays d'Europe, comme les Pays-Bas, où réside le groupe Stellantis, où le vote n'a qu'une valeur consultative. L'Assemblée peut toutefois envoyer un message au dirigeant, puisqu'une approbation à moins de 80% des voix est considérée tacitement comme un signe de défiance à l'égard de la résolution votée. Le 16 avril dernier, la rémunération de Carlos Tavares a été approuvée à 70% par les actionnaires de Stellantis. "Le taux d'approbation moyen est de 95%", indique Charles Pinel.
Entre-soi
La rémunération d'un dirigeant est proposée par le conseil d'administration de l'entreprise, sur la base du travail d'un comité dédié interne à l'entreprise, aidé souvent de cabinets d'experts. Leur travail consiste à trouver un montant équilibré, qui va convenir aux actionnaires et qui reste motivant pour le dirigeant.
"Le danger, nuance Charles Pinel, c'est que dans les grosses sociétés, le conseil d'administration est lui-même composé de dirigeants de sociétés, eux-mêmes très bien payés."
"Il peut y avoir une certaine proximité, un entre-soi entre le conseil d'administration et le dirigeant qui peut être un biais."
Charles Pinel, directeur général de Proxinvestà franceinfo
Une dimension qui ajoute à la controverse déjà créée par les montants des rémunérations des grands patrons. À propos de celle de Carlos Tavares, plusieurs élus de gauche ont d'ores et déjà annoncé leur volonté de légiférer pour limiter les salaires des grands patrons en limitant les écarts de salaires, par exemple de 1 à 20, dans les entreprises. Le montant de la rémunération du patron de Stellantis est aussi "choquant" pour le député et porte-parole du Rassemblement national Julien Odoul.
"Les actionnaires sont propriétaires de la société, s'ils jugent que le dirigeant a le droit à une rémunération de 20, 30, 50 millions, c'est la démocratie actionnariale", rappelle Charles Pinel. "Pourquoi plafonner dans le secteur privé ?", se demande-t-il, concédant que de tels montants peuvent créer "des frustrations pour les salariés", mais saluant le système français qui "grâce à l'Assemblée générale et au système de résolution contraignante", pose certaines limites.
En 2022, Carlos Tavares a gagné la troisième plus grosse rémunération des patrons du SBF 120 – les 120 plus grosses entreprises cotées en France –, derrière Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes et Daniel Julien, PDG de Teleperformance.
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