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Loyers impayés : la Fondation Abbé Pierre craint "40 000 expulsions" en 2022 après la trêve hivernale

La trêve hivernale est entrée en vigueur lundi. Pour la Fondation Abbé Pierre, "s'il n'y a pas une politique vraiment de prévention", le nombre d'expulsions risque d'être important.

Article rédigé par franceinfo
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Lors d'une manifestation à Nantes, le 27 mars 2021, pour le droit au logement. Photo d'illustration. (ESTELLE RUIZ / HANS LUCAS / VIA  AFP)

Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre a dit craindre lundi 1er novembre sur franceinfo "40 000 expulsions" en 2022 pour impayés de loyers après deux années de tolérance de la part des préfets alors que la trêve hivernale débute lundi 1er novembre. La Fondation Abbé Pierre demande également que l’interdiction des coupures d’énergie pour impayés, déjà en vigueur pendant la trêve, soit élargie à toute l’année. Manuel Domergue propose "une réduction de puissance" pour "avoir le minimum électrique nécessaire".

franceinfo : Pourquoi craignez-vous une explosion des expulsions locatives dans les prochains mois ?

Manuel Domergue : On a une peur particulière parce que le Covid-19 a creusé des impayés et des difficultés sociales pour certaines catégories de la population. Et puis, il y a eu peu d'expulsions en 2020 et 2021. Ça ne veut pas dire que les situations sont réglées. Ça veut dire que les personnes ont obtenu un sursis, mais elles sont toujours condamnées à l'expulsion. Donc, notre crainte, c'est qu'à partir du 1er avril 2022, tout ce stock accumulé de décisions de justice qui condamnent les personnes à l'expulsion, soit exécutées par les préfectures après le petit répit qu'il y a eu en 2020 et 2021. On a peur qu'il y ait peut être 30 000 à 40 000 expulsions en 2022, s'il n'y a pas une politique vraiment de prévention des expulsions. Il faut aussi rechercher des alternatives pour les ménages avec des relogements ou des solutions à l'amiable avec les propriétaires.

La ministre Emmanuelle Wargon assure que les bailleurs publics ou privés, seront indemnisés des impayés. Cela ne va pas assez loin ?

Il y a eu effectivement une enveloppe de 20 millions d'euros en 2021 supplémentaires par rapport au budget habituel pour indemniser les bailleurs. C'est normal. Il faut les indemniser quand la justice condamne à l'expulsion et que le préfet n'expulse pas pour des raisons sociales, le bailleur doit être indemnisé. Seulement, on sait bien que cette enveloppe n'est pas suffisante et qu'une fois que les préfets la consomment au cours de l'année, quand ils en ont plus, ils sont amenés à expulser de manière assez rapide et sans alternative. Parfois même sans aucune solution d'hébergement pour les ménages.

Il faut plus d'argent, ne serait-ce que revenir au niveau qui était cette enveloppe il y a une dizaine d'années de 75 millions d'euros. Aujourd'hui, c'est tombé à 30 millions. Donc, la rallonge de 20 millions d'euros de la ministre, elle est intéressante, mais elle n'est pas suffisante parce qu'il y a maintenant beaucoup de ménages qui sont en impayés. Et ce n'est pas parce que ce sont de mauvais payeurs, mais parce que les loyers sont trop élevés. Et puis, à côté de ça, il y a déjà des millions de ménages qui vivent avec des minima sociaux à des niveaux totalement insuffisants.

Vous demandez que les coupures de gaz et d'électricité en cas d'impayés soient interdites toute l'année. C'est vital pour les familles ?

Oui, tout à fait. C'est un drame. Heureusement qu'on ne coupe pas l'énergie pendant l'hiver parce que cela aurait des conséquences humaines extrêmement graves. Mais quand on y réfléchit, couper l'électricité en avril, en mai, en octobre, c'est quand même quelque chose d'extrêmement douloureux pour les ménages. Je rappelle qu'il y a 280 000 coupures d'électricité chaque année pour impayés en France. Donc, ça veut dire des centaines de milliers de personnes qui vivent dans le noir, qui ne peuvent pas avoir un frigo ou une plaque de cuisson. Leurs enfants ne peuvent pas faire leurs devoirs à la maison, ils ne le peuvent pas télétravailler. Donc, ce sont vraiment des choses qui sont impossibles et qui sont extrêmement traumatisantes pour les personnes ou pour leurs enfants en particulier.

Et même ne serait-ce que la menace d'avoir cette coupure. C'est quelque chose qui pèse au-dessus de la tête des personnes qui sont en impayés de factures d'énergie. On a une proposition simple et vraiment minimale. On peut recueillir beaucoup de consensus autour de cela. Pour les personnes qui sont en impayés d'électricité importante, il faudrait qu'il n'y ait plus de coupure totale. Mais on peut envisager une réduction de puissance. C'est-à-dire vous vous pouvez au moins avoir le minimum électrique nécessaire pour vous éclairer, avoir un frigo ou avoir un chargement de téléphone portable.

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