Logements bouilloires : ces obstacles qui freinent l'adaptation aux fortes chaleurs

Un rapport publié mercredi par la Fondation Abbé-Pierre épingle le manque de politiques publiques pour lutter contre le phénomène des logements bouilloires, mal isolés contre les fortes chaleurs. Si des normes existent pour la construction de logements neufs, les obstacles sont plus nombreux dans l'existant.
Article rédigé par Louis Mondot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Une personne dans un logement bouilloire. Image d'illustration. (STEPHANIE PARA / MAXPPP)

Mauvaises ventilation et isolation, absence de volets… Les "logements bouilloires" sont légion en France. 55% des Français ont déclaré avoir souffert de la chaleur dans leur logement pendant au moins 24 heures, en 2023. Ce chiffre provient du dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre, publié mercredi 21 août. 

Le nombre de personnes vivant dans des logements "trop chauds" a augmenté de 26% depuis 2013, précise par ailleurs la fondation dans ce rapport qui compile des données officielles.

La construction de logements neufs est soumise à une réglementation qui a évolué avec le temps : la dernière en date, la RE 2020, pour "Réglementation environnementale", est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Elle vise à réduire fortement la consommation d'énergie des bâtiments et comprend des mesures pour lutter contre les fortes chaleurs l'été. Parmi elles, une meilleure isolation thermique des murs, une meilleure ventilation, des systèmes de protection solaire, voire des réseaux de chaleur et de rafraîchissement pour se passer de climatisation individuelle.

Le risque d'une précarité énergétique

"Mais la construction neuve ne représente qu'1% de l'augmentation du total de logements par an environ", relativise Danyel Dubreuil, coordinateur de Rénovons, expert en efficacité énergétique au sein du réseau Cler. Le problème concerne avant tout le logement existant, puisqu'il n'existe pas de normes contraignantes pour lutter contre les fortes chaleurs. Un calculateur officiel permet toutefois aux propriétaires de s'y retrouver parmi les aides publiques à la rénovation.

"La réponse basique, c'est d'installer la climatisation. Le problème, c'est qu'en faisant ça de manière non maîtrisée et généralisée, on aggrave les problèmes, déplore Danyel Dubreuil. La climatisation, rejetant de l'air chaud, produit des effets d'îlot de chaleur en zone urbaine et aggrave le phénomène de surchauffe. Et cela crée de la précarité énergétique en masse puisque l'énergie nécessaire pour faire fonctionner la climatisation est importante et pas gratuite."

"Il faut adosser une politique publique spécifique à l'adaptation à la chaleur, à l'image de ce qui a été fait pour les passoires thermiques pour le froid."

Danyel Dubreuil, coordinateur de Rénovons

à franceinfo

"La question de la chaleur est toujours insuffisamment prise en compte" par les pouvoirs publics, estime-t-il. Le rapport de la Fondation Abbé-Pierre rappelle par exemple qu'un logement doit être loué avec une "température réglementaire minimum de 19 degrés en moyenne. (…) Aucune température maximale n'est indiquée pour la location". Des travaux de l'Ademe (Agence de la transition écologique) se penchent sur la question du bon usage de la climatisation. "Est-ce qu'il y a une température maximum acceptable ? Est-ce qu'on doit se dire que si on fixe une norme de chauffage à 19 degrés, on fixe une norme de froid à 26 degrés, comme semble nous l'indiquer l'Ademe ?" Il n'y a pas de "résultat communément admis", poursuit l'expert.

Par ailleurs, selon lui, d'autres obstacles peuvent freiner certains travaux de rénovation de l'extérieur des bâtiments. "Il faut revisiter un certain nombre d'approches culturelles qu'on a en France, notamment la place des Architectes des bâtiments de France (ABF) dans le processus de décision d'intervenir de telle ou telle manière sur tel ou tel bâtiment qui, bien souvent, est une entrave à la réalisation de travaux adéquats." Les ABF sont chargés de contrôler des projets de construction ou de travaux réalisés dans des espaces protégés, dont une partie se trouve aux abords des monuments historiques. Ils rendent des avis qui peuvent être contraignants.

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