Crédits immobiliers : "La menace du surendettement, moi je n'y crois pas du tout", estime une spécialiste
"La menace du surendettement, moi je n'y crois pas du tout", lance la porte-parole de meilleurtaux.com, Maël Bernier, invitée lundi 4 décembre sur franceinfo, alors que le Haut conseil de stabilité financière a annoncé seulement des "ajustements techniques" sur les taux d'emprunts sur le marché immobilier. Le HCSF a maintenu le taux d'endettement maximum à 35 % pour les ménages, et pas d'endettement sur plus de 25 ans, sauf si les travaux de rénovation énergétique représentent plus de 10 % de la vente.
Pas de changement de doctrine, donc, malgré les bouleversements des derniers mois : les taux d'emprunts ont été multipliés par quatre en deux ans, ce qui signifie qu'on peut beaucoup moins emprunter qu'avant, un quart de moins en moyenne, alors que les prix de l'immobilier n'ont pas baissé, -1,1 % en deux ans.
franceinfo : Est-ce que vous restez sur votre faim avec ces annonces du HCSF ?
Maël Bernier : Oui, complètement. On attendait une mesure : qu'on mette fin, même pour une période provisoire, à cette fameuse règle des 35 % d'endettement. Sur le terrain, on voit qu'elle bloque près d'un dossier sur deux, y compris parmi des Français qui ont des revenus confortables. Elle joue un rôle de couperet. Les dossiers sont refusés parce qu'on est à 36, 37, 38 % d'endettement.
Est-ce que si on augmente le taux d'endettement de 35 à 39 %, il n'y a pas un risque de surendettement ? Est-ce que beaucoup de dossiers sont dans ce cas de figure?
Chez nous, 30 % des dossiers sont dans cette zone grise, entre 35 et 39 %. Au-delà, on pense effectivement que c'est plus risqué d'emprunter. Moi, je ne plaide pas pour surendetter l'ensemble des ménages à plus de 35 %, mais ce que je dis, c'est qu'il faut regarder le dossier dans son ensemble et qu'il y a plein de choses qui rentrent en jeu : le nombre d'enfants, l'âge, les revenus... Or là, on applique la règle de manière extrêmement stricte.
"Quant à la logique de surendettement, c'est un espèce d'épouvantail qu'on brandit car le surendettement en France, ce n'est pas le crédit immobilier"
Maël Bernier, porte-parole de meilleurtaux.comà franceinfo
Le surendettement, ce sont les crédits à la consommation. En France, l'emprunteur est quand même très protégé puisqu'on emprunte à taux fixe. C'est la grosse différence avec tous nos amis européens, y compris évidemment aux États-Unis, ce qui nous met d'ailleurs à l'abri des soubresauts de marché et de l'inflation. C'est aussi pour ça que la menace du surendettement, moi je n'y crois pas du tout. D'autant plus que même en 2008, avec la crise des subprimes, nous en France, on ne l'a pas connue, parce qu'on était déjà à taux fixe.
La seule annonce de changement, c'est la possibilité d'emprunter sur 27 ans quand les travaux représentent plus de 10 % de la transaction immobilière. Est-ce que ça change quelque chose ?
On peut considérer que ce n'est pas une mauvaise nouvelle. Maintenant, le problème, c'est qu'il faut préciser, car on parle de travaux de rénovation énergétique. Mais est-ce que c'est uniquement les travaux de rénovation énergétique ou est-ce qu'on considère que quand on achète une maison qui n'est pas forcément en très bon état, qu'il faut refaire les peintures ou la cuisine, est-ce que ça rentre dedans aussi ? Ça, c'est à préciser. Et ce qui est sûr, c'est que prolonger la durée de l'emprunt, c'est bien, mais ce qui est dommage, c'est qu'on a certains Français qui seraient éligibles sur 25 ans, avec un endettement un peu supérieur à 35 % et qu'on va dépasser sur 27 années pour respecter cette règle et donc ça va, au final, leur coûter plus cher.
Vous diriez que le marché immobilier est sclérosé ?
J'ai envie de dire que le pire est derrière nous. Parce qu'on a eu quelques bonnes nouvelles cet automne : on a des grandes banques nationales qui ne prêtaient plus qui sont revenues sur le marché, et qui, en plus, reviennent avec des barèmes qui sont en baisse en décembre par rapport au mois d'octobre. Ça veut dire qu'elles ont une vraie volonté de conquête et une vraie envie de faire du crédit immobilier. La deuxième bonne nouvelle, c'est qu'effectivement, les taux ont été multipliés par quatre en deux ans, mais aujourd'hui ils sont en phase de stabilisation. Donc ça veut dire que le plancher sur lequel on est, autour de 4 %, on va y rester mais au moins ça ne devrait pas remonter.
Et est-ce que ça va baisser ?
Honnêtement, là, je pense qu'on est on est sur une phase de stabilité. Il va falloir surveiller l'inflation, évidemment. Mais la Banque centrale européenne n'a pas l'air de vouloir remonter ses taux à nouveau.
Les taux sont stables mais, concrètement, il faut gagner plus, voire même beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a deux ans pour pouvoir emprunter la même somme ?
Très clairement. Je vais vous donner un exemple très concret : un couple qui gagne 4 000 € entre janvier 2022 et maintenant, il a une capacité d'emprunt qui a diminué de 70 000 €. Donc ça veut dire qu'il aurait fallu que le bien immobilier baisse de plus de 25 % pour compenser. Mais évidemment, les prix ne baissent pas du tout de 25 à 30 %.
"C'est vrai que si vous n'avez pas d'épargne, vous êtes coincés. Vous achetez plus petit ou vous reportez votre projet"
Maël Bernier, porte-parole de meilleurtaux.comà franceinfo
Avez-vous des conseils pour ceux qui veulent augmenter leurs chances d'obtenir un prêt ?
Le secret, c'est déjà de se présenter avec un compte en banque nickel. C'est-à-dire qu'on ne multiplie pas les crédits consommation avant, on ne multiplie pas les découverts dans les six mois qui ont précédé une demande de crédit. Pour les plus jeunes, c'est un peu frustrant parce qu'ils sont sur le marché de l'emploi, ils sont en CDI (censés être le passeport et le saint Graal pour avoir un prêt mobilier) et on leur refuse parce qu'ils n'ont pas d'apport. Pour ça, il y a un secret, il faut commencer à épargner, il faut montrer qu'on peut épargner et commencer à épargner. Pour les plus âgés d'entre nous qui sont peut-être grands-parents ou parents : n'oubliez pas que vous pouvez transmettre à vos petits-enfants jusqu'à 30 000 € et pour les enfants, c'est 100 000 €. Ça peut faire un coup de pouce et c'est défiscalisé.
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