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Nouveau mode de calcul des APL : le gouvernement vante une mesure de "justice sociale", mais il y aura des perdants

A partir de l'année prochaine, les aides au logement ne seront plus calculées sur les revenus perçus deux ans auparavant. L'administration calculera tous les trois mois les ressources des ménages pour adapter le montant de l'allocation.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le ministre de la Ville et du Logement, Julien Denormandie, en charge du dossier des APL, à la sortie du Conseil des ministres, le 7 novembre 2019. (JULIETTE PAVY / HANS LUCAS / AFP)

Après l'impôt à la source, voici venues les "APL en temps réel". A partir de 2020, les aides au logement seront calculées sur la base des ressources des douze derniers mois, et plus sur les revenus perçus deux ans plus tôt. En clair, le montant des aides au logement des mois de janvier, février et mars 2020 sera calculé à partir des revenus touchés de décembre 2018 à novembre 2019, comme l'explique la Caisse d'allocations familiales (CAF) sur son site.

Aujourd'hui, le montant de ces aides est calculé en fonction des revenus déclarés deux ans auparavant. Après cette réforme, l'administration s'appuiera sur le prélèvement à la source pour actualiser automatiquement les ressources des ménages tous les trimestres et recalculer les droits tous les trois mois. C'est ce que l'on appelle la "contemporanéité" des APL. Il conviendra toutefois de signaler soi-même les éventuels changements de situation (mariage, naissance…). Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, vante une mesure de "bon sens" et de "justice", dans un entretien à 20 Minutes.

Personne ne peut comprendre qu'on ne calcule pas le montant de votre APL en fonction de votre situation actuelle (...). A vouloir protéger un ancien système, on en vient à ne pas donner la protection nécessaire à ceux qui en ont besoin aujourd'hui.

Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement

à "20 Minutes"

Ce nouveau mode de calcul devrait notamment permettre à l'Etat de faire des économies, comme l'a reconnu Julien Denormandie fin octobre sur franceinfo. "On ne fait pas des économies pour se faire plaisir, on fait des économies parce que c'est important pour nous et pour les générations futures." Dans le détail, les économies liées à ce nouveau mode de calcul devraient avoisiner 1,2 milliard d'euros en année pleine, selon un rapport du sénateur LR Philippe Dallier paru en novembre 2018.

En cas de baisse des revenus, le montant était déjà vite rectifié 

Michel Mouillart, professeur d'économie à l'université Paris-Ouest, porte un regard critique sur cette annonce du gouvernement. Il rappelle les remises en cause régulières des paramètres de calcul des aides (quotient de charge, barème de revenus, situation familiale…). "Ces paramètres ont été dégradés et l'os a été rongé", explique-t-il à franceinfo. A l'automne 2017, la baisse de 5 euros des APL a entraîné une levée de boucliers et "il aurait été périlleux de continuer dans cette voie pour un gouvernement qui se vantait d'agir pour la justice sociale".

Matignon a donc choisi d'adapter ces aides aux revenus en cours. Toujours dans 20 Minutes, Julien Denormandie évoque par exemple le cas d'une femme salariée à temps plein qui se retrouve à mi-temps et ajoute qu'avant la réforme, elle "touchait moins d'APL que ce à quoi elle avait droit". Sauf que c'était déjà le cas, corrige Michel Mouillart. "Un allocataire qui avait une baisse soudaine de revenus pouvait se présenter à la CAF et on lui rectifiait le montant de sa prestation en conséquence. La fréquence de mise à jour ne sera donc pas meilleure qu'aujourd'hui."

Les étudiants vont y perdre

Parmi les grands perdants, l'économiste cite notamment le cas des étudiants et des jeunes. "Un étudiant diplômé qui obtenait un emploi allait avoir une allocation calculée sur ses revenus de l'année N -2", quand il ne travaillait pas. Désormais, ses revenus d'activité seront très vite pris en compte et il ne bénéficiera plus d'une année dite de "réfaction" avec le montant initial des APL. "Plus généralement, tous les ménages qui connaîtront une amélioration de leur situation vont y perdre" car le montant des aides sera très vite adapté.

Le versement des APL restera mensuel et à date fixe, précise le gouvernement : le 25 du mois pour les allocataires en HLM et le 5 du mois pour les autres allocataires. Reste désormais à informer les personnes concernées. Au total, 6,5 millions de bénéficiaires devraient recevoir un courrier pour leur expliquer ces nouvelles règles. A compter du 9 décembre, les allocataires pourront également estimer le nouveau montant de leur aide au logement à l'aide d'un simulateur mis en ligne par la CAF.

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