"Il va falloir faire un tri" : pourquoi il est inutile de précipiter le tout-électrique sur la route
Laurent Castaignède, spécialiste de l'environnement et du secteur automobile, appelle à prioriser l'équipement de batteries électriques afin d'obtenir des résultats efficaces contre la pollution.
Un million de voitures électriques et hybrides sur les routes de France d'ici la fin du quinquennat : c'est l'objectif que s'est fixé le gouvernement. Pour y parvenir, 700 millions d'euros vont être débloqués pour mettre en place deux usines à batteries électriques en France et en Allemagne. Aujourd'hui, il n'y a que 200 000 véhicules de ce type en circulation en France. "Le bilan global d'un véhicule électrique n'est pas si rose et parfois peut être contreproductif", a expliqué sur franceinfo Laurent Castaignède, auteur de Airvore ou la face obscure des transports et fondateur d’un bureau d’étude dans l’environnement à Bordeaux (BCO2).
franceinfo : Le projet du gouvernement est-il pertinent ou est-ce trop tard ?
Laurent Castaignède : Le gros risque c'est d'assister à l'acte un de "l'électric gate" où on constaterait dans cinq ans que finalement la part de marché de véhicules électriques commencerait à être significative mais que les émissions de polluants n'auront absolument pas baissé. Donc, on analysera la situation et on se rendra compte que l'erreur ça a été l'affectation des batteries sur des usages gaspilleurs.
La voiture électrique est-elle la solution idéale pour lutter contre la pollution ?
Elle est présentée comme la solution idéale de manière officielle parce que dans la réglementation européenne, toute voiture électrique vendue est comptée comme zéro gramme de CO2, zéro polluant dans les moyennes que les constructeurs doivent faire baisser. Donc, ils se jettent dessus. Mais dans la réalité, une voiture électrique n'est pas du tout neutre. La batterie est quelque chose de très impactant à fabriquer et ensuite il va falloir fabriquer de l'électricité supplémentaire pour les abreuver. Donc finalement, le bilan global d'un véhicule électrique n'est pas si rose et parfois peut être contreproductif.
Est-il possible de fabriquer une batterie sans une débauche d'énergie ?
Non, il y a aussi une débauche de métaux qui ne sont pas extractibles de manière infinie sur la planète. Cela signifie qu'on ne pourra pas imaginer dans une ou deux décennies, tous rouler en voiture électrique, sans parler des camions et des autres véhicules. Donc, il va falloir faire un tri.
Le concept de voiture électrique pour tous a-t-il un sens ?
Non, cela n'a pas de sens d'imaginer que l'on pourra substituer tout le parc mondial de un milliard et 350 millions de camions. Donc le sujet, c'est : est-ce qu'on oriente les batteries vers certains types de véhicule ou certains usages ou est-ce qu'on laisse simplement le marché s'en occuper ? C'est un peu ce que l'on voit dans les salons avec une profusion de véhicules qui dépassent les deux tonnes, qui peuvent faire 300 ou 400 chevaux. Donc, si c'est ça l'avenir, on ira certainement dans le mur.
Que faut-il faire ?
Les batteries en priorité seraient pour l'usage de la totalité du parc des deux roues qui sont très polluants dans le système urbain, ensuite le deuxième sujet ce sont les véhicules très intensifs en milieu urbain, les taxis, les livraisons, les bus. Ensuite, pour tout le reste des voitures, il faudrait faire une hybridation légère de la totalité du reste du parc.
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