Inflation : pourquoi la grande distribution anticipe une "envolée" du prix des couches pour bébés
Ce n'est rien de moins qu'une "envolée" des prix. Dans un entretien au Parisien (article abonnés) , le PDG de Système U, Dominique Schelcher, affirme mercredi 1er mars qu'il s'attend à une hausse "du prix des couches de 25%" dans les prochaines semaines. Le patron de l'enseigne, qui s'exprime alors que s'achèvent mercredi soir les négociations annuelles entre distributeurs et industriels, pointe les demandes tarifaires de ces derniers, selon lui supérieures "de 30%" à leur niveau de l'année dernière.
Plusieurs facteurs expliquent la forte hausse des prix des couches jetables, indispensables à l'immense majorité des parents (les couches lavables restant très minoritaires), et alors qu'un enfant en consomme pas moins de 3 800 à 4 800 avant l'apprentissage de la propreté, selon l' Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), avec un prix moyen compris entre 15 et 30 centimes d'euro l'unité.
Un "rattrapage" après avoir "rogné sur les marges"
Pour produire des couches, il faut notamment de la cellulose, issue du bois et matériau premier du papier. "Le cours de la pâte à papier a explosé en 2022, de l'ordre de 40%", rappelle Nicolas Léger, analyste pour le cabinet NielsenIQ. Pourtant, en février 2023, "la hausse des prix pour change pour bébé est de seulement 8,5% par rapport à février 2022", contre 25% pour les essuie-tout et 21,5% pour le papier toilette, d'autres produits de la même catégorie. Les experts contactés par franceinfo évoquent donc un "rattrapage" sur le prix des couches.
Mais pourquoi l'inflation sur les couches a-t-elle plusieurs mois de retard par rapport à d'autres produits de la même gamme ? "Les industriels ont rogné sur leurs marges et là, ils sont obligés de rattraper les prix", résume Philippe Goetzmann, consultant en grande consommation et agroalimentaire. Tout cela est dû à la particularité des couches, un produit d'appel pour lequel "la concurrence du commerce en ligne est importante". "Sur ces produits, comme sur la lessive, les distributeurs se doivent d'avoir des prix attractifs", explique Nicolas Léger. Les couches sont également un produit "promophile", rappelle-t-il.
"Dans les hypermarchés et les supermarchés, sur les douze derniers mois, 42% du chiffre d'affaires des couches a été fait en promotion, contre 21,7% pour le reste des produits."
Nicolas Léger, analyste au cabinet NielsenIQà franceinfo
Les industriels profitent donc de ces négociations annuelles avec la grande distribution pour opérer un rééquilibrage de leurs prix. Et si la hausse pourrait être plus diffuse avec des marques de distributeurs, capables de revoir régulièrement à la hausse le prix de leurs propres produits, le marché de la couche jetable, largement dominé par de grands groupes comme Procter & Gamble (Pampers), offre à ces industriels une fenêtre de tir idéale pour faire grimper les prix dans leur ensemble.
Une inflation étalée sur plusieurs mois ?
Reste que "les acteurs de la grande distribution se plaignent d'un manque de transparence de la part des industriels. Comment justifient-ils une telle hausse de leurs demandes ?", interroge Frank Rosenthal. Pour cet expert en marketing du commerce, la guerre en Ukraine, traditionnellement évoquée pour justifier la hausse généralisée des prix, n'explique pas vraiment cette inflation à venir pour les couches. "Le pétrole se tient à un niveau régulier, le gaz est en train de baisser, les prix de l'alimentaire baissent aux Etats-Unis", rappelle-t-il.
Une question taraude surtout les jeunes parents : la très forte augmentation du prix des couches va-t-elle intervenir rapidement ? Selon les spécialistes interrogés, cette inflation pourrait s'étaler jusqu'à l'été, car "sur des produits qui se stockent facilement, comme des couches, les distributeurs écoulent leurs quantités sur plusieurs semaines", explique Nicolas Léger. "La grande distribution a une culture de stockage avant la hausse des prix, ajoute Philippe Goetzmann. Pour les couches, il n'y a pas de date limite de consommation ni de problème pour les conserver, même s'il faut de la trésorerie pour les payer et la capacité de stocker ces produits."
En revanche, tous s'accordent pour dire que l'inflation annoncée par Dominique Schelcher et les autres cadres de la grande distribution sera bien réelle. "Les 25% d'inflation, c'est très probable, craint Nicolas Léger. La hausse des prix va continuer sur avril, mai et juin. Ensuite, ça devrait se stabiliser."
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