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Inflation des produits alimentaires : pourquoi parle-t-on d'un possible "mars rouge" ?

Les prix dans le secteur de l'alimentation ont bondi de 13,2% sur un an, selon l'Insee. Mais des négociations entre fournisseurs et distributeurs pourraient aboutir à de nouvelles hausses.
Article rédigé par franceinfo
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Un magasin PrimaPrix, à Pontault-Combault (Seine-et-Marne), le 11 novembre 2022. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS / AFP)

Le ticket de caisse va-t-il encore gonfler ? Les prix des produits alimentaires ont bondi de 13,2% sur un an, selon une estimation de l'Insee, fin janvier. L'inflation dans ce secteur, nourrie par l'envolée du prix des matières premières, des emballages, du transport et de l'énergie, pourrait connaître un nouveau coup d'accélérateur dans les prochaines semaines selon les distributeurs, qui évoquent un "mars rouge".

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En cause : grandes surfaces et fournisseurs discutent depuis le 1er décembre 2022, et jusqu'au 28 février, des conditions de vente des produits... y compris de leur prix. La présidente de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), Christiane Lambert, a prévenu dès le mois de décembre, sur franceinfo, que les prix resteraient "élevés" à l'issue de ces tractations, en raison de l'"explosion des coûts pour les agriculteurs", qui n'a pas entièrement été absorbée en 2022.

Fin janvier, Michel-Edouard Leclerc, président de l'enseigne du même nom, a ainsi déploré sur son blog qu'il y ait "peu de demandes d'augmentations [des fournisseurs] inférieures à 10%" et que "la plupart" soient comprises "entre 10 et 30%". "Les marques de distributeurs ont déjà augmenté leurs prix l'an dernier. Le rattrapage va venir de ce que l'on appelle les grandes marques", détaille auprès du Parisien Lionel Maugain, journaliste spécialiste de la consommation au magazine 60 Millions de consommateurs. Et d'ajouter : "En réalité, le 'mur de mars' va durer jusqu'en juin, car la grande distribution va d'abord écouler les stocks aux anciens prix. Techniquement, le 1er mars ne sera donc pas vraiment le jour de bascule".

Une proposition de loi controversée

Une deuxième raison pourrait alimenter la hausse des prix. Une proposition de loi, portée par le député Renaissance Frédéric Descrozaille, veut expérimenter un rééquilibrage du rapport de force entre fournisseurs et grande distribution, en faveur des premiers. Adoptée en première lecture à l'Assemblée mi-janvier, elle prévoit qu'une rupture de contrat soit possible en cas d'échec des négociations commerciales – comme celles qui ont lieu en ce moment –, après une période de médiation de trois mois. Aujourd'hui, dans le même cas de figure, les fournisseurs doivent continuer de livrer les distributeurs aux conditions de l'année précédente, et ce, pendant plusieurs mois. Cette inversion du rapport de force est inacceptable pour la grande distribution. "Aucune enseigne de commerçants ne pourrait s'opposer à des augmentations de tarifs de 10% à 30%" sauf à se voir privée de livraisons, s'était indigné Michel-Edouard Leclerc.

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Le texte a été largement amendé par les sénateurs, en commission, afin de limiter la hausse des prix pour les consommateurs. Ils prévoient ainsi qu'en l'absence d'accord entre fournisseurs et distributeurs, le prix applicable pendant le préavis de rupture tienne compte "de la situation économique du marché" (inflation, hausses moyennes acceptées par les concurrents...). Par ailleurs, les sénateurs veulent suspendre pendant deux ans l'obligation faite aux distributeurs de vendre les produits alimentaires avec une marge minimale de 10%. Cette disposition, censée garantir un revenu minimum aux agriculteurs, n'a pas prouvé son efficacité et coûte "600 millions d'euros" aux consommateurs, assurent-ils. Le texte doit désormais être discuté en séance plénière, à partir de mercredi 15 février.

Un "panier anti-inflation" étudié par le gouvernement

Face au risque d'une nouvelle hausse des prix, le gouvernement planche sur un "panier anti-inflation" afin de garantir aux consommateurs un prix stable, entre mars et juin, sur 50 produits de base. Parmi eux, cinq fruits et légumes dont trois bio, deux féculents, de la viande rouge ou blanche dont au moins une labélisée, du poisson, mais aussi des produits d'hygiène dentaire. En revanche, pas d'alcool ou de confiseries, assure le cabinet d'Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée du Commerce, au Parisien.

Un "gadget" aux yeux de l'association de consommateurs UFC-Que Choisir. "Comment 50 produits pourraient répondre à la diversité des besoins selon les types de consommateurs ?", a relevé début février auprès de l'AFP Olivier Andrault, chargé de mission agriculture/alimentation pour l'association. Une grande surface peut compter "plusieurs centaines de milliers de références", a-t-il souligné. En outre, ce panier est constitué sur la base du volontariat des enseignes, dont certaines ont déjà lancé leurs propres opérations promotionnelles "anti-inflation".

Une chose reste certaine : l'inflation alimentaire va se poursuivre bien au-delà de mars. "A l'horizon de la mi-2023 (...), l'alimentation demeurerait la première contribution à l'inflation, avec un glissement annuel qui resterait autour de 13%", anticipe ainsi l'Insee dans une note de conjoncture du 7 février.

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