: Vrai ou faux Les retraites ont-elles été assez revalorisées pour compenser l'inflation, comme l'affirme Bruno Le Maire ?
Sur l'ensemble de l'année 2022, les pensions vont augmenter de 3,122% grâce à deux revalorisations successives. Mais dans le même temps, les prix devraient grimper de 5,5%.
Alors que le gouvernement est sous le feu des critiques de la gauche pour avoir annulé dans la nuit du mardi 26 au mercredi 27 juillet le vote d'une revalorisation de 500 millions d'euros pour les retraites, Bruno Le Maire a tenté de contre-attaquer. "Nous protégeons intégralement nos retraités contre l'inflation. Les pensions de retraite sont revalorisées de 5,1% en 2022 : 1,1% en janvier et 4% depuis juillet", a écrit le ministre de l'Economie sur Twitter.
Une façon de mettre en avant l'augmentation de 4% des retraites qui fait partie du projet de loi pouvoir d'achat, adopté à l'Assemblée nationale le 22 juillet, en anticipation des revalorisations qui ont habituellement lieu en janvier.
Oui, nous protégeons intégralement nos retraités contre l'inflation.
— Bruno Le Maire (@BrunoLeMaire) July 27, 2022
Les pensions de retraite sont revalorisées de 5,1 % en 2022 : 1,1 % en janvier et 4 % depuis juillet.
Si l'inflation continue d'augmenter, il y aura une nouvelle revalorisation des retraites en janvier 2023.
Mais plutôt que de calmer les critiques, le tweet de Bruno Le Maire a fait réagir Manuel Bompard, député de La France insoumise et docteur en mathématiques. L'élu s'est à son tour fendu d'un calcul, différent, pour analyser la revalorisation des pensions.
1.1% en janvier et 4% en juillet, ça fait précisément 3,46% sur l'année 2022 et non pas 5.1%.
— Manuel Bompard (@mbompard) July 27, 2022
Le mieux pour un ministre de l'économie, ce serait de commencer par apprendre à compter. https://t.co/JiHJjhFrZV
Une erreur mais un résultat pas si lointain
Pour calculer une évolution, on ne peut pas additionner les pourcentages, comme le fait Bruno Le Maire. En effet, une augmentation de 1,1% suivie d'une augmentation de 4%, ne revient pas à une hausse de 1,1+4=5,1%. "Additionner des taux, ça ne fonctionne pas, mais sur des tout petits taux, la différence est extrêmement faible", explique l'économiste Maxime Combes, engagé à gauche. Ce qui explique que le ministre de l'Economie, malgré son erreur, ne soit pas très loin du bon lorsqu'il affirme que "les pensions de retraite sont revalorisées de 5,1% en 2022".
Prenons une retraite de 1 000 euros. La première hausse de 1,1% en janvier 2022 augmente la pension de 11 euros pour atteindre 1 011 euros. La deuxième hausse, en juillet 2022, se calcule sur la base de ces 1 011 euros. L'augmentation de 4% permet de toucher 40,44 euros de plus par mois, pour parvenir à une pension de 1 051,44 euros. Entre décembre 2021 et juillet 2022, le montant de cette retraite a donc augmenté de 5,144%.
Un rattrapage insuffisant sur l'année
Par ailleurs, pour savoir si le pouvoir d'achat des retraités a été intégralement protégé contre l'inflation, comme l'affirme Bruno Le Maire, il faut s'intéresser au revenu effectif, et non à l'augmentation globale. "L'inflation, c'est une perte de pouvoir d'achat au quotidien. L'enjeu n'est pas de savoir quelle est l'augmentation des pensions de retraite au 31 décembre, mais si, sur l'année, l'inflation a réduit le pouvoir d'achat des retraités", poursuit Maxime Combes.
Reprenons l'exemple d'un retraité qui touche 1 000 euros de pension. Avec la revalorisation de 1,1% en janvier 2022, il a donc touché 1 011 euros par mois sur la première moitié de l'année. Soit 6 066 euros. Puis ce retraité a perçu 1 051,44 euros à partir de juillet et avec la revalorisation de 4%. Soit 6 308,64 euros entre juillet et décembre. En 2022, 12 374,64 euros ont donc été versés à ce retraité.
Sans revalorisation, sa pension aurait stagné à 1 000 euros par mois et il aurait touché 12 000 euros annuels. Grâce aux hausses de 1,1% et 4%, son revenu effectif sur l'année a donc augmenté de 3,122%. Petite erreur de calcul donc pour Manuel Bompard, qui avançait lui le chiffre de 3,46% sur Twitter. "Oui, j'ai été sympa avec le gouvernement, j'ai mis la seconde augmentation au 1er juin", corrige-t-il sur Twitter.
Dans tous les cas, le résultat se situe en deçà de l'inflation prévue à 5,5% par l'Insee pour l'année 2022. Derrière la revalorisation effective de 3,122%, se cache ainsi une perte de pouvoir d'achat de près de 2,4 points pour les retraités. Soit, dans le cas d'une retraite initiale de 1 000 euros par mois, 285,36 euros perdus sur l'année à cause de l'inflation.
"La communication de Bruno Le Maire laisse entendre que les retraités ont été compensés à l'euro près. Ce n'est pas vrai !"
Maxime Combes, économisteà franceinfo
Et de conclure : "Si le gouvernement avait voulu que le compte y soit, il aurait fallu augmenter les retraites de 8,7% en juillet. Le rattrapage de 4% est insuffisant."
Une perte de pouvoir d'achat à nuancer
Mais ce manque à gagner est à relativiser. "Les retraités sont ceux qui ont la majorité du patrimoine, et touchent pour certains des revenus de ce patrimoine. Une perte de leur pension par rapport à l'inflation ne veut pas nécessairement dire une perte de leur pouvoir d'achat", nuance Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste pour BDO France.
En effet, selon l'Insee, 73,4% des plus de 70 ans sont propriétaires d'un patrimoine immobilier et, selon le Conseil d'orientation des retraites, 13% des revenus des retraités proviennent du patrimoine. Les retraités qui peuvent compter sur un complément de revenus grâce à leur patrimoine sont de ce fait moins concernés par l'inflation.
"De plus, contrairement à un actif qui est dépendant de sa voiture pour aller travailler, les retraités sont moins touchés par l'augmentation des prix des carburants", poursuit Anne-Sophie Alsif. En effet, l'inflation en France est fortement tirée à la hausse par les prix de l'énergie. En juillet, la hausse des prix de l'énergie s'élevait à 29,1% selon Eurostat, pour 6,1% d'inflation globale.
Les retraités qui ont moins de dépenses contraintes de carburant que les actifs sont donc moins touchés par l'inflation. Selon Anne-Sophie Alsif, l'attention ne devrait pas se concentrer sur les retraites : "Les plus touchés par l'inflation ne sont pas les retraités, mais les moins de 25 ans et les précaires, ceux qui sont en dessous du smic."
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