Pouvoir d'achat : retraites, loyers, "prime Macron"... Ce que contient le projet de loi adopté en première lecture à l'Assemblée
A partir de jeudi prochain, ce sera au tour des sénateurs de se pencher sur ce texte qui doit atténuer les effets de l'inflation et de la crise énergétique.
Après quatre jours de discussions et une nuit de débats houleux, les députés ont adopté en première lecture le projet de loi d'urgence pour le pouvoir d'achat, par 341 voix pour, 116 contre et 21 abstentions, vendredi 22 juillet. A partir de jeudi 28 juillet, ce sera au tour des sénateurs de se pencher sur ce texte qui doit atténuer les effets de l'inflation et de la crise énergétique.
En attendant, les députés examinent à partir de vendredi après-midi le projet de loi de finances rectificative, qui doit permettre de compléter et financer le projet de loi sur le pouvoir d'achat. Il comporte lui aussi des mesures pour le portefeuille des Français, comme un chèque alimentaire pour les foyers modestes, la hausse de la rémunération des fonctionnaires ou la suppression contestée de la redevance audiovisuelle. Voici quelques mesures emblématiques du texte adopté.
Le triplement du plafond de la "prime Macron"
Les employeurs pourront verser jusqu'au 31 décembre 2023 une prime exceptionnelle d'un montant maximal de 3 000 euros (ou 6 000 euros en cas d'accord d'intéressement), exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales, pour les salariés dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du smic. Dans le privé, la prime pourra être pérennisée sous la forme d'une "prime de partage de la valeur", qui sera exonérée de cotisations sociales.
Cette mesure a fait l'objet de vifs débats avec la gauche, la Nupes estimant que "les primes viennent se substituer aux salaires" et qu'elles dépendent "du bon vouloir du patron". Plusieurs élus de gauche ont aussi dénoncé une "volonté de contourner le financement de la Sécurité sociale et des caisses de retraite" avec cette mesure.
Le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5%
Les députés ont voté le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5% dans l'Hexagone (2,5% pour l'outre-mer) pendant un an. Ce "bouclier loyer", qui sera en place de juillet 2022 à juin 2023, doit permettre de limiter l'impact de la forte inflation sur les hausses de loyer et de rendre prévisible les dépenses que les ménages consacrent à leur logement. Jusqu'ici, l'indice de référence des loyers était indexé sur l'inflation.
Cette hausse pourra par ailleurs être limitée par le représentant de l'Etat à 1,5% en zone de revitalisation rurale, selon un amendement LR adopté par les députés de l'opposition. La Nupes a défendu en vain un gel des loyers jusqu'à fin 2023 ou a minima une hausse limitée à 1%.
Une revalorisation des retraites et des prestations sociales
Les députés ont voté la revalorisation de 4% des retraites et des prestations sociales, qui prendra effet dès le mois de juillet de façon rétroactive, sans attendre la date de revalorisation annuelle automatique. Sont notamment concernées : les pensions de retraite et d'invalidité des régimes de base, qui avaient déjà augmenté d'un peu plus de 1% en janvier. Les allocations familiales, le revenu de solidarité active (RSA), l'allocation adulte handicapé (AAH), l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) et les bourses sur critères sociaux pour les étudiants seront également revalorisées. Certaines de ces prestations sociales avaient déjà été augmentées de 1,8% en avril.
Par ailleurs, les APL versées à compter du 1er juillet seront, elles, revalorisées de 3,5%, pour aider à compenser les potentielles hausses de loyer. "Une revalorisation bien insuffisante au regard des coupes répétées" sur cette allocation, selon le député RN Nicolas Meizonnet.
Les groupes de l'alliance de gauche Nupes se sont largement abstenus sur ces revalorisations, car, selon le député LFI Adrien Quatennens, elles "entérinent des baisses de pouvoir d'achat" car "en dessous de l'inflation".
La déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés
L'Assemblée nationale a voté à l'unanimité (moins une voix) la déconjugalisation de l'allocation adulte handicapé (AAH), en adoptant des amendements déposés par tous les groupes, après plusieurs refus de l'exécutif lors de la précédente législature. Les revenus du conjoint ne seront donc plus pris en compte pour le calcul de cette prestation, à compter d'octobre 2023 au plus tard.
Créée en 1975, l'AAH est destinée à compenser l'incapacité à travailler. D'un montant maximal de 904 euros mensuels, elle est versée selon des critères médicaux et sociaux.
La facilitation de la résiliation en ligne des abonnements
Les contrats d'abonnements devront pouvoir être résiliés électroniquement à partir du 1er août 2023, charge aux professionnels de mettre en place une fonctionnalité le permettant. Cette mesure va au-delà du texte initial du gouvernement, qui n'avait prévu cette possibilité que pour les contrats conclus en ligne. La ministre déléguée au Commerce, Olivia Grégoire, a estimé qu'une telle extension du dispositif allait "imposer des coûts pour tous les acteurs économiques qui proposent des abonnements", y compris les artisans ou PME qui ne disposent souvent pas de site web permettant une résiliation en ligne.
Les députés ont également adopté un article qui oblige ceux proposant la souscription de contrats d'assurance en ligne à prévoir une résiliation par la même voie.
Des mesures pour la "souveraineté énergétique"
Afin de parer à une possible fermeture du robinet de gaz russe, le projet de loi introduit des mesures qui ont fait des remous de part et d'autre de l'hémicycle. Les députés de gauche se sont notamment élevés contre l'instauration de dérogations au droit de l'environnement afin d'accélérer la mise en service d'un terminal méthanier au Havre, annoncé par le gouvernement pour septembre 2023, et qui sera à même d'acheminer du gaz en provenance d'autres pays que la Russie.
Une telle décision est "suicidaire", a tonné l'écologiste Delphine Batho. "Si la décision, c'est de remplacer le gaz de Poutine par du gaz de schiste américain, c'est une pure folie". "On parle de remplacer une énergie fossile par une autre énergie fossile. Pas d'émettre plus de CO2", a lancé la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, mais sans convaincre la gauche.
En cas de "menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité", le texte adopté autorise également le redémarrage de la centrale à charbon de Saint-Avold, mise à l'arrêt en mars dernier. Les Verts, mais aussi les députés LR et RN y vont vu la conséquence "désastreuse" de la politique énergétique du gouvernement. "Ce retour au charbon n'est pas une bonne nouvelle", a convenu la rapporteure LREM Maud Bregeon, qui a toutefois défendu un recours "temporaire" pour répondre à une "situation exceptionnelle".
L'utilisation des huiles usagées comme carburant
Au milieu des tensions, l'examen du texte a réservé une petite surprise : l'autorisation, avec l'aval du gouvernement, de l'utilisation des huiles usagées comme carburant. "En France, on n'a a pas de pétrole mais on a de l'huile de friture", a plaisanté Julien Bayou (EELV), à l'origine de cet amendement.
Pour être utilisées comme carburant, ces huiles alimentaires usagées doivent être "décantées et filtrées" en amont, précise l'amendement déposé par les écologistes. Selon ce texte, dix litres d'huiles usagées peuvent donner huit litres de carburant. Elles peuvent ensuite être utilisées en mélange à hauteur de 30% avec un carburant classique.
Alors que les prix des carburants frôlent les 2 euros le litre, l'huile de friture s'avère moins onéreuse. Par ailleurs, "ce carburant rejette jusqu'à 90% de gaz à effet de serre en moins qu'un diesel classique et émet beaucoup moins de particules fines".
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