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La biométrie, le prétexte qui fait flamber le prix des passeports

Le prix du passeport congolais a fait scandale. A 164 euros le document (175 euros, selon Reuters), beaucoup soupçonnent l’entourage du président Kabila d’en profiter grassement. Mais le passeport congolais n’est pas le plus cher d’Afrique. Partout sur le continent, le passage au biométrique a fait exploser les tarifs.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Passeports biométriques (DR)

C’est l’agence de presse Reuters qui a levé le lièvre le 13 avril 2017. Le nouveau passeport biométrique congolais, mis en service fin 2015, est une vache à lait dont profitent des entreprises et des proches du président. Joseph Kabila tenait à ce passeport biométrique. Officiellement, l’exigence sécuritaire de nombreux pays rendait nécessaire sa création.

Selon Kabila, ce passeport allait permettre à chacun de circuler librement dans le monde. Mais bien sûr, les nouvelles techniques employées augmentent les coûts. Pour un Congolais, le prix du passeport a explosé, passant de 100 à 175 euros ! Rappelons qu’en France, le montant s’élève à 86 euros. Mais ici aussi, le passage au biométrique a fait exploser les tarifs. 29 euros supplémentaires justifiés, nous dit un rapport du Sénat«par les coûts supplémentaires dus au passage à la biométrie». Mais l’étude du Sénat démontre que le coût réel du passeport s’élève à 55 euros!
 
Soupçons de corruption
Retour au Congo. Le contrat signé le 11 juin 2015 entre l’Etat et la société Semlex, mentionne que seulement 58 euros sur les 164 que coûte un passeport seront reversés à l’Etat congolais. Les 107 euros restants vont à un consortium de quatre entreprises, trois liées à Semlex, et une certaine LPRS. LPRS, enregistrée aux Emirats arabes unis, appartenait à un Français. Il a revendu toutes ses parts à Mme Makie Makolo Wangoi. «Deux proches du président Kabila affirment que Mme Wangoi est l’une des nombreuses sœurs du président congolais», affirme Reuters. LPRS toucherait 60 dollars pour chaque passeport émis et le contrat a été signé pour une durée de cinq ans.
 
«La société offre ainsi à la RDC une solution complète, allant de la formation du personnel local à la maintenance du projet, en passant par la création d’une base de données nationale», écrit la société sur son site internet. 26 centres régionaux sont créés pour permettre aux citoyens de s’enregistrer et 60 ambassades sont également équipées. Certes, l’infrastructure mise en place est conséquente et peut justifier les 107 euros de frais. Sauf que Le Monde cite un concurrent, Zetes, qui prétend avoir fait une offre à 28,5 dollars (25 euros) pièce.
Capture d'écran du site jeuneafrique.com
 
Le prix d’un passeport en Afrique
Suite à cette affaire, nos confrères de Jeune Afrique se sont intéressés au prix du précieux sésame dans les différents pays du continent. Stupeur, la palme reviendrait au Tchad, qui facturerait selon Jeune Afrique le document 228 euros. Une fortune pour un pays où le salaire mensuel moyen s’élève à 55 euros. Un chiffre contesté par l’ambassade du Tchad à Paris que nous avons contactée. On nous affirme que le passeport établi au Tchad coûte 85.000 francs CFA, soit 130 euros.

Partout, le passage au biométrique a justifié une envolée des tarifs. Selon le site Algérie Focus, le coût du passeport à Alger s’élève désormais à 25.000 Dinars soit 205 euros, contre 6000 Dinars avant. Il s’agit selon différents médias d’une nouvelle procédure, accélérée, qui permet d’obtenir son document en moins de huit jours. On apprend qu’il existe un document plus gros de 48 pages au lieu de 28, pour grands voyageurs, dont le coût prohibitif est de 494 euros. En revanche, Impossible sur le site du gouvernement algérien de connaître le montant fixé.
Paul Kagamé et Idris Debby montrent le passeport panafricain lors du 27e sommet de l'Union africaine en 2016. (Minasse Wondimu Hailu / ANADOLU AGENCY)

Vers un passeport unique ?
Dans le même temps, un projet enflamme l’Afrique. Il concerne la création d’un passeport panafricain, un projet porté par l’Union africaine. Il a été présenté lors du 27e sommet de l’Union africaine en 2016. Ce passeport pourrait voir le jour en 2020. Il permettrait aux Africains de se rendre partout sur le continent sans visa. Pour l’heure, seuls Idriss Déby et Paul Kagamé l’ont obtenu.

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