Des journalistes satiriques s'interrogent : cinq ans après, que reste-t-il de l'esprit Charlie ?
Cinq ans après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Casher et les manifestations de soutien à la liberté d'expression qui ont suivi, que reste-t-il de l'esprit Charlie ? La réponse de journalistes et dessinateurs à Montpellier.
Les jours qui ont suivi les attentats du 7 janvier contre la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo, des milliers de français se sont rassemblés pour appeler à défendre la liberté de la presse et la liberté d'expression. "Ne nous laissons pas intimider" clamait la foule. La France et le monde entier se disaient alors "Charlie". Un consensus soudé par l'émotion. Aujourd'hui, 5 ans après les masacres, l'esprit Charlie a-t-il survécu à cette vague de soutien ?
L'esprit Charlie demeure un petit peu selon le directeur de la publication de l'Agglorieuse, l'hebdomadaire satirique héraultais mais l'heure est à la vigilance. Le ton de son journal reste grinçant mais aujourd'hui c'est la notion de précaution qui ressort.
Aujourd'hui, on voit dans la caricature un truc plus responsable. Il a fallu la mort de ces gars-là pour qu'on se rende compte que (...) les petits Mickey ne sont pas si innocents.
Deliriousdessinateur de presse
Pour d'autres auteurs et caricaturistes, l'esprit Charlie remonte aux années 70 avec la liberté de ton d'Hara-Kiri lancé par le provocateur professeur Choron ou le mordant de l'Echo des Savanes de Claire Bretécher et Gotlib. Tout ça a depuis longtemps disparu pour laisser placeau politiquement correct et à la pensée unique.
L'esprit Charlie, c'était l'Echo des Savanes, c'était Hara-kiri. Aujourd'hui, on est dans une société de beaufs et de bourgeois. Comment voulez-vous que cela existe ?
Jefdessinateur
Faire perdurer l'esprit Charlie
La critique de la pensée formatée fait justement l'objet de la couverture du numéro spécial "Charlie Hebdo". Cinq ans après la tragédie du 7 janvier 2015, le souvenir est toujours aussi douloureux. Loin des caricatures de Mahomet, les nouveaux auteurs cherchent à faire perdurer l'esprit "Charlie" en voulant rester irrévérencieux et libres.
"Hier, on disait merde à Dieu, à l'armée, à l'Église, à l'État. Aujourd'hui, il faut apprendre à dire merde aux associations tyranniques, aux minorités nombrilistes, aux blogueurs et blogueuses qui nous tapent sur les doigts comme des petits maîtres d'école", écrit Riss, le directeur de la rédaction, dans son éditorial.
Le journal satirique rend hommage dans ce numéro spécial aux disparus de la rédaction : Cabu, Elsa Cayat, Charb, Tignous, Wolinski et laisse la parole aux proches des journalistes assassinés.
Les attentats du 7 janvier ont poussé Gérard Delfaut a rédiger, dès le printemps 2015, le premier titre de la collection Débats laïques. Pour l'historien, l'esprit Charlie ne s'est pas volatilisé. Il réside surtout dans le souvenir du 11 janvier, quand les foules, toutes opinions confondues, ont défilé pour réaffirmé leur attachement à la laïcité comme principe fondateur de la République et garant de la paix civile. Ceux qui voulaient tuer Charlie Hebdo n'y sont pas "complètement" parvenus. La satire reste un genre essentiel dans une démocratie digne de ce nom.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.