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Manif de soutien au lycéen menacé pour son soutien à "Charlie" : "Heureusement qu'il y a ces jeunes !"

Ils étaient environ 500 rassemblés jeudi, à Saint-Maur-des-Fossés, dans le Val-de-Marne, pour apporter leur soutien à Louis. Le jeune homme est menacé de mort parce qu'il dirige un journal lycéen qui a rendu hommage à "Charlie Hebdo".

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une manifestation de lycéens, de parents d'élèves et de professeurs s'est déroulée, jeudi 28 mai 2015, à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), pour soutenir un élève menacé de mort pour avoir rendu hommage à "Charlie Hebdo" dans le journal du lycée Marcelin-Berthelot. (CHRISTOPHE RAUZY / FRANCETV INFO)

Sur le mégaphone qu'on lui a prêté, un autocollant Unsa embarrasse Thomas. "C'est une manif apolitique, où personne ne doit montrer d'étiquette", explique le lycéen. C'est d'autant plus gênant qu'il est membre du comité à l'origine de ce rassemblement, organisé jeudi 28 mai, en soutien à Louis, devant son lycée de Saint-Maur (Val-de-Marne). Depuis fin janvier, Louis a reçu des menaces de mort écrites, certaines accompagnées de balles de revolver. Son tort, d'après le corbeau : diriger un journal lycéen, La Mouette bâillonnée, qui a rendu hommage à Charlie Hebdo, au lendemain des attentats qui ont frappé la France.

"C'est dégueulasse", s'insurge Théo, 17 ans, un des dirigeants du syndicat étudiant Fidl, également élève d'un établissement voisin, le lycée d'Arsonval. "Certains jeunes cherchent un pseudo-anticonformisme en rejetant l'esprit 'Je suis Charlie', explique le co-organisateur de la marche du jour. Alors que franchement, défendre la liberté d'expression, ça ne se discute pas."

"On est à la merci de fous dangereux"

"Défendre la liberté d'expression" : la formule revient en boucle chez les quelque 500 personnes rassemblées devant le lycée Marcelin-Berthelot. C'est là que Louis, l'élève menacé de mort, est scolarisé en 1ère. Mais la victime est absente de la manifestation, tout comme le reste de la rédaction de La Mouette bâillonnée. Question de sécurité.

D'ailleurs, quelques gros bras en blaser filtrent les entrées devant la grille du lycée, alors que le service d'ordre de SOS Racisme et des policiers en civil déambulent dans le rassemblement, la main sur l'oreillette . "Aujourd'hui, il y a plein de policiers, mais d'habitude, il n'y a presque rien, dénonce Samuel, un parent d'élève de la FCPE, venu "d'abord pour montrer sa solidarité avec la famille de Louis". "Certaines écoles [confessionnelles] sont protégées par des gendarmes. Pourquoi pas ici, où on est à la merci de fous dangereux ?"

Les balèzes du service d'ordre s'agitent un peu quand cinq membres de Charlie Hebdo, dont la journaliste Agathe André et le directeur financier Eric Portheault, arrivent devant le lycée. Les caméras des chaînes info s'allument, les micros se tendent. Mais pour Charlie, pas question de prendre la lumière. "On veut rester discret, explique Marika Bret, la DRH du journal. Pas pour des questions de sécurité, mais parce que ce sont les journaux lycéens qui doivent être mis en avant aujourd'hui. 'Charlie' soutient clairement ce rassemblement, parce que les journaux lycéens ont un rôle d'émancipation de l'expression."

Etat de droit

Ce rôle ne ravit pas tout le monde. Dans le cortège qui entame sa marche, beaucoup d'élèves des trois autres lycées de Saint-Maur, et peu du lycée Berthelot. Les professeurs de l'établissement ne sont pas tous d'accord avec le mouvement, et l'établissement a demandé aux élèves de fournir une justification à toute absence : "Nous, on dira 'Participation à la marche pour Louis', rétorque Titouan, 16 ans, élève à Berthelot. Il faut dire non au harcèlement. Dans le lycée, comme en dehors." Zaïna, mère d'une élève de seconde, a tenu à être là, elle aussi. "On est musulmans, et moi j'ai lu le numéro de 'Charlie Hebdo', et je ne me suis pas sentie offensée. Il faut rejeter les amalgames et défendre le droit de s'exprimer."

D'abord timide, la manifestation trouve son rythme. Entre quelques Marseillaises qui donnent une ambiance très "11-Janvier", les slogans s'amplifient : "Liberté dans nos classes, ni censure, ni menaces" ou "Résistance contre la censure". "On n'a pas peur de ces gens, de leurs menaces, s'exclame un élève. Faut pas avoir peur, faut réagir !" Des habitants de Saint-Maur marchent spontanément aux côtés des lycéens. "Je trouve ça super rafraîchissant. Ces jeunes nous montrent ce qu'est un Etat de droit, où on a le droit de s'exprimer, et le devoir de défendre ce droit", se réjouit Pascale, avocate.

"Résister à la peur"

Partie du lycée, la manifestation prend la direction de la place de la gare RER, et non pas de la mairie, comme l'auraient souhaité les organisateurs. La municipalité UMP a voulu interdire le rassemblement, dénonçant "une récupération politique" à cause de l'implication de SOS Racisme, comme l'explique Le Parisien"On regrette qu'avec une cause aussi fédératrice que la liberté d'expression, la mobilisation ne soit pas unanime, réagit Pablo Krasnopolsky, professeur de lycée et co-secrétaire général de la CGT-Educ'action 94. L'esprit du '11-Janvier' est loin. Heureusement qu'il y a ces jeunes".

Arrivé en fin de parcours, le rassemblement se disperse dans le calme, après quelques remerciements des organisateurs et des applaudissements pour les policiers qui ont encadré la marche. Au mégaphone, Thomas ironise sur les craintes du maire. Puis un dernier "Résistance !" est repris en chœur. "Ça a une certaine résonance, remarque Sylvie, mère d'un élève de Berthelot. Hier, on a enterré des résistants au Panthéon. Alors, il faut soutenir ceux qui veulent résister à la peur."

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