Le caméraman de France 2, Christophe Kenck, raconte ses 10 jours de reportage en Libye.
Un pays en guerre, un reportage et des journalistes qui témoignent. C"est la formule de Carnet de mission, un document en cinq parties.
Cela fait plus de 15 ans que Christophe Kenck parcoure les zones en conflit caméra à l"épaule. Il a fait le Kosovo, l"Afghanistan, la bande de Gaza, la Côte d"Ivoire, Haïti, l"Irak en 2003 et bien d"autres.
Après une formation d"ingénieur à l"Institut de sciences appliquées de Lyon (INSA), il fait un stage en tant que photographe au Figaro. Il restera deux ans dans cette rédaction mais son amour pour la caméra le rattrape. Il devient caméraman à Lyon. Ensuite, il travaille, plus de dix ans pour TFI, puis il poursuit sa route à France 2, où il travaille depuis trois ans.
Christophe Kenck vient de rentrer de Libye. Dans cette première partie de « Carnet de mission » il décrit la construction d"un reportage dans un pays en guerre. Entre deux prises d"image il retrace ses dix jours sur le terrain.
Vous avez fait un voyage de 25 heures avec vos collègues journalistes à bord d"un bateau pour vous rendre en Libye. Que fait-on pendant ce temps là ? Est-ce que vous réalisez ce qui vous attend ?
" On ne fait pas grand-chose. On attend, on mange, on s"assoupie. C"est long, c"est un voyage de solitude. Ce n"est que quand on est sur le point d"arriver sur les côtes libyennes que je remonte en cabine et commence à tourner. Je n"imaginais pas ce qu"on allait trouver sur place."
Est-ce que votre présence en tant que journaliste a provoqué des tensions ?
"Nous sommes restés pendant dix jours en Libye, nous sommes allés à Tripoli et à Misrata. Ce n"est qu"à Tripoli qu"on a ressenti une certaine animosité de la part des pro-Kadaffistes. On a participé à une visite guidée pour les journalistes organisée par le pouvoir. Il y avait une claire volonté de nous manipuler. Ce n"est pas de cette façon que l"on conçoit nos reportages en zones de conflit. Nous sommes allés après à Misrata, cette ville assiégée pendant plusieurs semaines, où les deux camps s"affrontaient. Nous avons été très bien accueillis, les rebelles ressentaient le besoin de raconter leur situation. On n"y a manqué de rien malgré les circonstances."
Comment travaillez-vous ?
" Je regarde avec tous les sens. Je préfère ne pas avoir l"œil collé à l"objectif. J"écoute toutes les conversations même si je ne comprends pas forcément ce qui se dit, je cherche la meilleure façon de me cacher des balles. Je travaille avec une petite caméra et un mono pied qui permet un peu plus de souplesse."
Vous dites clairement que vous n"aimez pas faire des séquences dans les hôpitaux. Mais vous les faites quand-même. Pourquoi ?
" Quand on arrive quelque part on va toujours à l"hôpital pour voir l"état des lieux. Pour moi, ce n"est que la conclusion de ce qui se passe. Il est très important d"aller voir les combats et pourquoi ils se battent. Les images de l"hôpital me mettent un peu mal à l"aise."
On constate dans le reportage que vous êtes très exposé sous les tirs. Est-ce la première fois que vous êtes aussi près de l"action ?
" Non. Ca m"est déjà arrivé à plusieurs reprises. Mais ici c"est particulier. C"est des combats de rue, il n"y a pas de puissance de frappe. Les combattants avancent pas à pas."
Avez-vous déjà été blessé ?
"Non. Mais j"ai échappé à des coups de machette en Haïti. L"idée c"est quand même de rentrer en une pièce pour continuer à témoigner."
Pourquoi les reportages de guerre ?
"Dans un conflit, on ne triche pas. On doit être sûr. On ne peut pas non plus se cacher ou cacher une réalité. Ce qui m"intéresse aussi c"est la problématique de fond. Je veux montrer la folie humaine : on a beaucoup de mal à se dire 'je t"aime' mais on peut très facilement tuer. Ce que j"apprécie aussi dans ces reportages c"est la solidarité entre nous. On veille les uns sur les autres. J"ai fait du documentaire, mais j"ai l"impression d"être plus accro au reportage de guerre. C"est une espèce de folie qui nous anime !"
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