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Affaire Morandini : "C'est du harcèlement caractérisé", affirme l'avocat des acteurs des "Faucons"

Me Thierry Vallat, l'avocat des acteurs qui ont tourné dans la web-série "Les Faucons", affirme que ses clients veulent porter l'affaire devant la justice, estimant avoir été victime des pratiques de la société de production dirigée par l'animateur d'Europe 1.

Article rédigé par Christophe Rauzy - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Jean-Marc Morandini, photographié ici en mars 2015, dans les studios d'Europe 1. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

L'affaire opposant les acteurs de la web-série Les Faucons à la société Ne zappez pas ! production (NZPP), dirigée par Jean-Marc Morandini, pourrait bientôt prendre une tournure judiciaire. Dans l'enquête publiée mardi 12 juillet par Les Inrocks, les comédiens affirment avoir été victimes de méthodes de recrutement douteuses, et témoignent également d'un étrange tournage, durant lequel les scènes de nu crues et à caractère sexuel se sont multipliées.

Face à ces mises en cause, Jean-Marc Morandini envisagerait de porter plainte pour diffamation. Thierry Vallat, l'avocat qui défend les intérêts de trois des acteurs de la série, explique à francetv info comment ses clients préparent eux aussi une réponse légale.

Francetv info : Après l'article des Inrocks, dans quel état d'esprit sont les acteurs des Faucons ?

Me Thierry Vallat : Au moins trois d'entre eux ne comptent pas en rester là, et veulent absolument aller plus loin, c'est-à-dire déposer une plainte. D'autres – avec qui je suis en contact – hésitent encore. Ils ont une carrière à construire, et l'emballement médiatique de ces dernières heures les a un peu pris de court. Ils ne pensaient pas que ça prendrait une telle ampleur, ce qui était pourtant prévisible, vu les personnes impliquées, en l'occurrence Jean-Marc Morandini. C'est pour ça que, pour l'heure, on essaie de calmer le jeu et de prendre le temps de la réflexion sur le plan juridique.

Quelles actions envisagent vos clients ?

Aujourd'hui, nous avons évoqué le problème de l'usurpation d'identité. Pour le moment, c'est toujours le flou autour de l'utilisation du nom de "Catherine Leclerc" [la directrice de casting qui a recruté les acteurs par e-mails]. Mais le vrai souci, c'est qu'on a peut-être utilisé cette fausse identité pour inciter des jeunes à effectuer des prestations qui vont au-delà du casting classique. Il y a ensuite le problème du travail dissimulé, comme le détaille l'enquête des Inrocks, et la rémunération qui n'a pas été allouée à mes clients. Et puis il y a enfin le harcèlement, parce que ce qui sous-tend toute cette affaire, c'est du harcèlement totalement caractérisé.

Qu'est-ce qui vous permet de parler de harcèlement ?

On est dans l'abus d'autorité. La production a utilisé des manœuvres qui ont incité ces jeunes à se dénuder, à "aller au-delà de leurs limites", comme le disent les e-mails de la fameuse "Catherine". Et s'ils ne le faisaient pas, cela signifiait qu'ils n'étaient pas capables de tourner dans la série, et qu'ils ne seraient pas retenus. Quand, dans un e-mail, Catherine propose à un comédien de faire "une fellation à JMM [Jean-Marc Morandini]", qui "n'est pas n'importe qui", tout est dit. On est dans un schéma construit, avec des e-mails envoyés à 5 heures du matin, qui a laissé ces jeunes dans une position de fragilité. C'est du harcèlement sexuel. Et ça a continué sur le tournage, avec des scènes de nu rajoutées à tort et à travers. Quand l'un d'entre eux a refusé une scène de sexe, il a été viré et n'a pas été payé.

Avez-vous déjà eu connaissance d'affaires de ce type dans le milieu audiovisuel ? 

Le réalisateur Jean-Claude Brisseau a été condamné en 2005 à un an de prison avec sursis pour harcèlement sexuel sur deux comédiennes [comme le décrivait Le Monde à l'époque]. Il était très connu, il avait réalisé Noce blanche avec Vanessa Paradis. Pour la préparation d'un film intitulé Choses secrètes [sorti en 2002], sous le prétexte d'explorer la féminité des grandes adolescentes, il avait demandé aux deux jeunes actrices de se masturber pendant le casting, en disant "si tu peux le faire au casting, tu pourras le faire à l'écran". Le tribunal a considéré que c'était au-delà de la normale, que ces contraintes n'étaient destinées qu'à assouvir les pulsions sexuelles du réalisateur et qu'il avait utilisé son autorité en ce sens. Ces conditions de casting rappellent étrangement celles des Faucons, avec le même genre de ficelles. Pour moi, c'était un piège, un prétexte.

Jean-Marc Morandini est-il directement mis en cause par vos clients ?

Au sein de la société NZPP, c'est bien Jean-Marc Morandini le gérant. Il s'est occupé activement du casting et du tournage, même s'il n'était pas présent sur toutes les scènes. La boîte de production et le producteur sont, tous les deux, mis en cause. Mais il faut être extrêmement prudent. Je n'aime pas trop la curée médiatique en cours, c'est pour cela que l'on prend le temps de réfléchir, d'apaiser les choses, et d'attendre notamment un retour de la part de Jean-Marc Morandini sur cette affaire.

Il a fait savoir qu'il comptait porter plainte en diffamation contre Les Inrocks

Les Inrocks l'avait contacté, il savait que cet article allait sortir, donc je pense qu'il a eu le temps de préparer sa défense. Je sais aussi que le magazine a fait valider l'enquête auprès d'un avocat. La journaliste a quasiment tout basé sur des documents et c'est suffisamment consistant et argumenté. Je ne suis pas sûr qu'une plainte en diffamation soit une bonne idée, il risque de subir "l'effet Streisand" [le retour de bâton médiatique]. Cela pourrait jeter le discrédit sur tout le monde, notamment son employeur Europe 1, puisque des castings se sont déroulés dans ses locaux. Par ailleurs, on ne sait pas encore ce que le parquet compte faire. Vu les faits, un juge pourrait très bien décider d'ouvrir de lui-même une information judiciaire. 

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