La modulation des allocations familiales sous le feu des critiques
Les allocations seront bientôt modulées en fonction des revenus, a annoncé, jeudi, le gouvernement. Associations familiales, syndicats, Eglise... la mesure est loin de faire l'unanimité.
Certains députés PS la réclamaient, l'exécutif a fini par céder. La ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a annoncé jeudi 16 octobre une prochaine réforme des allocations familiales, qui devraient être modulées en fonction des revenus à partir du 1er juillet 2015.
En dévoilant ce projet, le gouvernement a suscité son lot de critiques, à droite, mais aussi à gauche. Associations familiales, syndicats, Eglise... la proposition est loin de faire l'unanimité.
"Une brèche ouverte", selon la gauche du PS
Manuel Valls y voit "une mesure de justice", mais certains députés socialistes frondeurs n'ont pas franchement la même analyse. Pour Christian Paul et Fanélie Carrey-Conte, le groupe PS n'a pas obtenu une "victoire politique" face à l'exécutif.
"Certes, on va accroître le caractère redistributif, mais on va fixer des effets de seuil avec des familles de situations proches, qui ne percevront pas le même montant d'allocations familiales", écrivent les élus de la Nièvre et de Paris, dans un billet posté sur leurs blogs respectifs. Plus grave, selon eux, "le risque est réel de porter atteinte à l'adhésion de tous à l'Etat social, c'est une brèche ouverte pour l'affaiblissement des protections collectives, en premier lieu la Sécurité sociale". La modulation des allocations familiales n'a "pas la faveur", non plus, de l'ancien ministre de l'Education Benoît Hamon, qui a exprimé son désaccord, jeudi sur BFM TV.
"Un massacre", dénonce la droite
La mesure est déjà sous le feu des critiques à droite. Dans Le Figaro (article réservé aux abonnés), Christian Jacob dénonce un "massacre" mené par le gouvernement. "La politique familiale ne peut pas être une politique d'ajustement budgétaire, estime le chef de file des députés UMP. Avec la mise sous condition de ressources des allocations familiales, rien n'empêchera demain que les soins médicaux soient remboursés selon les revenus et que la retraite par répartition soit remise en cause."
"On savait que ce gouvernement n'aimait pas beaucoup les familles", lance, pour sa part, le député Drôme Hervé Mariton sur France Info. Plus mesuré, mais tout aussi hostile, son collègue Eric Woerth juge, sur RTL, que le gouvernement commet une "erreur". "Une fois le doigt dans l'engrenage, tout sera fait en fonction des ressources en France", craint le parlementaire.
"Impensable", jugent les associations familiales
Sans surprise, les associations familiales sont loin d'apprécier l'annonce du gouvernement. Cette piste est "impensable" et "impossible", juge l'Union nationale des associations familiales (Unaf). L'organisation estime qu'une telle réforme va "porter attente" au pouvoir d'achat des familles nombreuses et "ouvrir une brèche dans l'ensemble du système de protection sociale : d'abord les allocations familiales et bientôt les remboursements de santé."
"La République ne considère plus ses enfants tous de la même manière, abonde Thierry Vidor, de l'association Familles de France sur France Info. On a aujourd'hui les enfants de riches et les enfants de pauvres." "C'est toujours les familles qui sont visées, lorsqu'il faut faire des économies", ajoute Patricia Augustin, de la Confédération syndicale des familles, sur RTL.
"Contraire à l'esprit de la Sécu", estime la CGT
Le numéro un de la CGT, Thierry Lepaon, juge l'idée des députés PS "contraire à l'esprit même de la sécurité sociale". "C'est une remise en cause sans précédent de ce qu'on appelle l'universalité, explique le leader syndical sur BFM Business. Et tout ça pourquoi ? Parce qu'on n'a pas le courage dans ce pays de faire une réforme fiscale. Donc, on joue sur les prestations sociales."
Quelques jours plus tôt, son homologue de la CFDT, Laurent Berger, n'était pas chaud non plus : "L'universalité a du sens" pour les allocations familiales, expliquait-il sur BFM TV.
Un risque de "division" sur la famille, d'après l'Eglise
L'Eglise catholique n'est pas restée silencieuse. "La famille n'a pas besoin de ça en ce moment", juge Mgr Bernard Podvin, sur Radio Classique. Le porte-parole des évêques de France plaide pour "un soutien à notre démographie, qui est enviable au niveau mondial". "On risque à nouveau de diviser sur la famille, craint-il. Sans même, d'ailleurs, que la mesure ne produise une efficacité réelle."
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