Pourquoi les députés PS relancent le débat sur les allocations familiales
Enterrée par François Hollande l'an dernier, l'idée d'une modulation des allocations familiales selon le niveau de revenus revient sur la table par la voix des députés socialistes.
Faut-il, oui ou non, moduler les allocations familiales en fonction du niveau de revenu du foyer ? Oui, s'était risqué à répondre François Hollande en 2013, avant de reculer. La question est censée être tranchée et, d'ailleurs, elle n'est pas évoquée dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) présenté par Marisol Touraine mercredi 8 octobre en Conseil des ministres. Mais elle pourrait bien revenir par la fenêtre, car les députés socialistes ont décidé de relancer cette proposition. Voici pourquoi.
Parce que la copie de l'exécutif ne leur convient pas
Sur les 21 milliards d'euros d'économies que le gouvernement s'est engagé à réaliser, la moitié doivent provenir du budget de la Sécurité sociale. Objectif : réduire de 2 milliards d'euros le déficit de la Sécu en 2015 par rapport à 2014.
A elle seule, la branche famille de la Sécurité sociale doit contribuer à hauteur de 700 millions d'euros à la réduction de ce déficit. Pour dégager ces économies, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a proposé deux mesures chocs. La première est de diviser par trois la prime de naissance accordée sous conditions de ressources à partir du deuxième enfant. De 923 euros, elle passerait à 308 euros. La seconde consiste à réformer le congé parental. D'une durée de trois ans, celui-ci ne pourrait plus être pris en totalité par un seul des deux parents. Une manière de faire des économies sous prétexte d'égalité des sexes, puisque actuellement, les bénéficiaires du congé parental sont les mères dans plus de 96% des cas.
Mais ces deux mesures ne passent pas au sein de la majorité. "Diviser par trois la prime à la naissance n'est pas votable, tranche le frondeur Christian Paul, interrogé sur RMC. C'est injuste, car on ne tient pas compte de la situation des familles." Une position partagée par une écrasante majorité au sein du groupe PS à l'Assemblée.
En réunion de groupe PS, mardi, de nombreux députés sont également montés au créneau pour critiquer la réforme du congé parental. "Je suis totalement pour la parité, mais si on met le congé parental à 18 mois pour les pères dès maintenant, cela va se faire au détriment des mères", confie aux Echos le député de l’Hérault Sébastien Denaja, ancien rapporteur de la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Pour écarter ces dispositifs tout en faisant des économies, certains députés ont donc ressorti la mesure qui fâche lors d'une réunion du groupe PS, mardi soir : moduler les allocations familiales selon le niveau de revenu des familles.
Parce que le gouvernement est ouvert à la discussion
Surprise : alors que Marisol Touraine a répété plusieurs fois, ces derniers jours, que l'universalité des prestations familiales ne serait pas remise en cause, la proposition des députés a reçu un accueil pas si défavorable de la part de plusieurs proches de François Hollande. Le patron du groupe PS à l'Assemblée, Bruno Le Roux, évoque même la possibilité de déposer un amendement en ce sens "au nom du groupe".
Même le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a reconnu, mercredi sur Europe 1, qu'à un certain niveau de revenus, la question des allocations familiales se posait : "Je me souviens d'amis qui gagnaient assez bien leur vie : les allocations viennent en plus, mais ce n'est pas absolument nécessaire, c'est vrai."
"Ce n'est pas la position du gouvernement", a souligné la ministre des Affaires sociales mardi matin. Mais Marisol Touraine a dû lâcher du lest : "Le débat va s'engager sur les allocations familiales comme sur l'ensemble du PLFSS avec les parlementaires", a-t-elle concédé mercredi matin, à la sortie du Conseil des ministres. Une manière de dire que le gouvernement n'ira pas au clash avec les députés sur cette question.
Parce que c'est une vieille idée de la gauche
Ce n'est pas la première fois que la gauche cherche à donner un caractère plus social aux allocations familiales qui, depuis 1946, sont fondées sur le principe de l'universalité. Un principe selon lequel les allocations ne dépendent pas des conditions sociales du foyer : le nombre d'enfants à charge est le seul critère pris en compte.
L'an dernier, François Hollande avait voulu revenir sur ce principe. "Les plus hauts revenus n'auront pas les mêmes allocations familiales que les plus bas. Ça sera revu", avait-il déclaré sur France 2 fin mars 2013. Mais face au tollé suscité à droite et au sein des associations familiales, le gouvernement avait reculé deux mois plus tard. Et avait préféré abaisser de 2 000 à 1 500 euros l'avantage fiscal maximal lié au quotient familial.
En 1997, déjà, Lionel Jospin s'était risqué à une telle réforme, sans succès. Même causes, mêmes effets : "L'attachement de beaucoup, notamment au sein du mouvement familial, au principe d'universalité des allocations familiales est tel qu'il a provoqué un raidissement de leur part et une opposition à cette mesure, quand bien même l'objectif en était approuvé", déclarait-il dans un discours, un an plus tard.
Pour le budget 2015, la majorité doit s'attendre à une opposition tout aussi forte. L'examen du texte n'a pas encore commencé à l'Assemblée que, déjà, les réactions se multiplient. L'Union nationale des associations familiales (Unaf) juge l'idée "désastreuse". "La ficelle est vraiment trop grosse, dénonce son président, François Fondard. En 2013, la branche famille a déjà fait l'objet d'économies drastiques. On nous avait dit : 'Acceptez la baisse du plafond du quotient familial, ou on mettra les allocations familiales sous conditions de ressources.'"
Pas de quoi impressionner le député PS Pascal Terrasse, fervent partisan d'une telle modulation. "On a peut-être eu raison trop tôt, mais cela finira par arriver", prophétise-t-il, interrogé par francetv info. Les débats, qui promettent d'être vifs, doivent commencer la semaine prochaine en commission à l'Assemblée nationale.
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