Quotient familial : la classe moyenne sera-t-elle touchée ?
Selon François Hollande, la baisse du quotient familial ne "concerne que 12% des ménages les plus aisés". Mais dans les faits, d'autres ménages plus modestes devraient être impactés.
"J'ai préféré cette solution car elle est plus juste, plus simple et plus efficace. Elle ne concerne que 12% des ménages, les plus aisés." Dans un entretien accordé à La Provence et publié mardi 4 juin, François Hollande défend la baisse du plafond du quotient familial, annoncée lundi dans le cadre de sa réforme de la politique familiale. Mais qui sont réellement les familles qui vont payer davantage ? Eléments de réponse.
Qu'est-ce qu'un ménage aisé ?
"On est riche à partir de 4 000 euros par mois" par personne, avait déclaré François Hollande en 2007, comme le rappelle La Tribune.fr. Mais le curseur n'est pas placé au même endroit pour tout le monde. "Nombre de personnes gagnant 3 000 ou 4 000 euros par mois s'estiment en toute bonne foi membres de ce club de la 'classe moyenne'", indique Le Monde.fr.
De son côté, le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc) détermine qui sont les personnes les plus aisées en fonction de la population. Ainsi, en France, les 20% les plus riches sont les catégories "aisées", les 30% les moins riches sont les catégories '"modestes" ou "populaires" et les 50 % restant composent les classes moyennes. L'Observatoire des inégalités, qui reprend cette méthode, estime qu'en 2010, pouvait être considérée comme aisée une personne qui gagne 3 317 euros net par mois (90% des salariés gagnent moins). Pour avoir une idée plus parlante de son niveau de richesse avec son salaire net mensuel, l'Observatoire a aussi créé un outil qui permet de savoir si vous gagnez beaucoup plus, ou bien moins, que vos compatriotes.
Toutefois, ces données se basent seulement sur le revenu mensuel net par personne. Les revenus de l'ensemble du foyer, le nombre d'enfants qui le composent et leur coût, ainsi que les impôts, ne sont pas pris en compte. Or, appartenir ou pas à la catégorie des ménages aisés dépend aussi du niveau de vie.
L'Observatoire des inégalités a fait le calcul avec des chiffres de 2008. Résultat : on appartient à la catégorie aisée lorsque, célibataire, on gagne au moins 2 127 euros par mois ; en couple avec un enfant, au moins 4 625 euros par mois ; en couple avec deux enfants, au moins 5 174 euros ; en couple avec trois enfants (ou plus), 5 353 euros. Néanmoins, le coût du logement n'est pas pris en compte dans cette étude. Or, il diffère beaucoup selon que l'on habite une grande ville, notamment Paris et sa région, ou une ville moyenne d'une région moins densément peuplée.
Pour l'Insee, le niveau de vie est le même pour toutes les personnes d'un même ménage. Selon ce mode de calcul, en 2010, les 10% de personnes les plus aisées vivant dans un ménage en France métropolitaine avaient un niveau de vie supérieur à 3022,50 euros par mois. Dans l'édition 2013 de son enquête sur les revenus et patrimoine des ménages (PDF), l'Insee indique aussi que les 10% de ménages les plus aisés ont un revenu disponible – soit le revenu dont il dispose effectivement pour consommer, impôts déduits – supérieur à 61 750 euros par an, soit 5 145 euros par mois.
Ce type de ménages est-il le seul touché ?
Partant de ce constat, les classes moyennes vont-elles être impactées par cette réforme ? Directement, non. Par exemple, un couple marié ou pacsé avec un enfant, dont le revenu net imposable est supérieur à 5 370 euros par mois, et qui appartient donc à la catégorie aisée, selon l'Observatoire des inégalités, sera touché par la réforme, comme l'illustre notre infographie. Mais, a priori, pas les ménages dont les revenus sont inférieurs.
En revanche, indirectement, certaines familles de la classe moyenne pourraient bien être touchées. Par exemple, un couple qui gagne le smic et qui a trois enfants. Selon nos calculs, il gagne 26 880 euros net par an et paye donc 166 euros d'impôts. Ce calcul a été effectué selon la formule des impôts, sans prendre en compte d'éventuels abattements. Si cette famille en bénéficie, elle n'est peut-être pas imposable aujourd'hui, mais avec l'abaissement du plafond du quotient familial, elle pourrait le devenir. Jean-Louis Deroussen, président de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), craint alors des effets collatéraux pour cette famille. "Elle perdra par conséquent tous les avantages accordés aux familles exonérées d'un impôt, comme la gratuité de la cantine, des loisirs, des activités sportives...", souligne-t-il dans Le Parisien.
Le problème se pose aussi pour les personnes veuves, célibataires, divorcées ou séparées qui vivent seules, et dont le dernier enfant est imposé séparément. Pour celles qui sont dans ce cas depuis moins de cinq ans, le plafonnement du quotient familial s'applique à partir d'un revenu imposable de 12 998 euros, soit 1 083 euros par mois, selon un document des impôts publié en 2013. Loin de la catégorie aisée, ces personnes vont perdre une partie de leur avantage fiscal lié au quotient familial. Toutefois, lorsqu'il n'est pas considéré comme parent isolé, un célibataire avec un enfant paiera, avec cette réforme, 500 euros d'impôts en plus s'il gagne plus de 2 900 euros par mois.
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