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Projet de loi pouvoir d'achat : ces mesures pour la "souveraineté énergétique" contestées par les défenseurs de l'environnement

Dans un contexte de tensions sur l'approvisionnement en gaz et en électricité, le gouvernement envisage de rouvrir temporairement la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle) et de construire un terminal méthanier au Havre (Seine-Maritime) pour importer du gaz naturel liquéfié.

Article rédigé par Alice Galopin - Marine Cardot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle) en 2015. Le site a été fermé en mars 2022. (THIERRY GRUN / ONLY FRANCE / AFP)

"Quelques miettes et beaucoup de carbone." C'est en ces termes que la députée écologiste Sandrine Rousseau a résumé le projet de loi pouvoir d'achat en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Comme elle, plusieurs députés et associations de défense de l'environnement s'inquiètent d'une série d'articles, examinés jeudi 21 juillet dans l'hémicycle, et visant à garantir la "souveraineté énergétique" du pays.

Ces propositions pour la "sécurité d'approvisionnement" en gaz et en électricité interviennent dans un contexte de crise énergétique provoquée par la guerre en Ukraine et par des problèmes au sein du parc nucléaire français. En cas de "menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité", les articles 15 et 16 du texte encadrent par exemple un éventuel recours à la centrale à charbon de Saint-Avold (Moselle). Le site a été mis à l'arrêt en mars dernier, mais face aux risques de coupures cet hiverle ministère de la Transition énergétique a annoncé fin juin sa volonté de "pouvoir faire fonctionner la centrale de Saint-Avold quelques heures de plus si nous en avons besoin".

Quid du droit de l'environnement ?

Le projet de loi crée donc une dérogation pour permettre de réembaucher d'anciens salariés, licenciés du site. Afin de rendre possible le recours à cette centrale, le texte mentionne également le relèvement, par décret, du plafond d'émissions de gaz à effet de serre autorisé pour les installations de production d'électricité à partir d'énergies fossiles. Avec la garantie toutefois que ce surcroît d'émissions soit compensé, notamment via des "projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans un autre secteur"

La députée La France insoumise Aurélie Trouvé a reproché au gouvernement de prévoir "des projets climaticides en contournant le droit du travail et de l'environnement pour rouvrir une centrale à charbon". Sa collègue Clémence Guetté a, elle, accusé le projet gouvernemental d'"écraser le droit de l'environnement". Le recours aux centrales à charbon fait tousser jusqu'à la droite, le chef de file des députés LR, Olivier Marleix, dénonçant une "absurdité"

Crispations autour du projet de terminal méthanier du Havre

Mais c'est surtout sur le projet de terminal méthanier flottant dans le port du Havre (Seine-Maritime) que les critiques se concentrent. Pour l'heure, la France compte quatre terminaux méthaniers terrestres, qui permettent d'importer du gaz naturel liquéfié (GNL) : deux à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), un à Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et un autre à Dunkerque (Nord). Celui du Havre serait le premier terminal flottant en France. 

Annoncé par le gouvernement, il doit être mis en service en septembre 2023 pour diversifier les sources d'approvisionnement en gaz face à la menace russe de fermer le robinet d'hydrocarbures. Or, pour "accélérer" son déploiement, le texte prévoit la "possibilité d'une exonération d'évaluation environnementale" de ce projet, qui sera exploité par TotalEnergies, et de "réaliser une partie des travaux de façon anticipée, sans attendre l'autorisation de l'ensemble du projet".

Un amendement socialiste a toutefois limité la durée d'exploitation de ce terminal à cinq ans et tout renouvellement devra passer "par la loi". Mais les inquiétudes demeurent. "Que fait un article sur l'extension d'installations gazières dans une loi sur le pouvoir d'achat ?" s'est étranglée l'ONG Greenpeace.

"Ce n'est pas en se donnant les moyens d'importer plus d'énergies fossiles que l'on en sortira !"

François Chartier, chargé de campagne énergies fossiles chez Greenpeace France

dans un communiqué

La fédération des Amis de la terre craint de son côté que ces dérogations n'"institutionnalisent le non-respect de normes évidemment indispensables pour protéger l'environnement et les personnes".

A gauche, plusieurs députés voient dans ce terminal un moyen d'importer du gaz de schiste américain. "La France a interdit la fracturation hydraulique ainsi que la recherche et l'exploitation de gaz de schiste sur son sol. Nous ne pouvons donc pas nous faire les complices de l'exploitation des énergies fossiles les plus sales à l'international", a lancé en commission l'écologiste Delphine Batho. Pour l'heure, le gouvernement n'a pas officiellement annoncé que ce terminal méthanier acheminerait du gaz de schiste. 

"Une course contre la montre"

Pointé du doigt, l'exécutif évoque le caractère "temporaire" de ces deux mesures et l'urgence de la situation. "Nous sommes dans une course contre la montre pour sécuriser nos approvisionnements en énergie pour l'hiver prochain", s'est défendue lundi la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, à l'Assemblée. 

"Il y a encore 12 millions de ménages français chauffés au gaz, et on se doit, pour eux, de sécuriser notre import", a également justifié la députée LREM Maud Bregeon. La rapporteuse du projet de loi sur le volet énergie juge tout de même que le recours à la centrale à charbon de Saint-Avold n'est "pas une bonne nouvelle", mais l'explique par "le contexte de tension sur la production".

Contacté par franceinfo, le cabinet de la ministre de la Transition énergétique martèle que le recours à la centrale à charbon de Saint-Avold n'est qu'une "option" en cas de tensions trop importantes sur le réseau cet hiver. "Dans tous les cas, on parle d'une centrale qui pourrait tourner quelques jours, voire quelques dizaines de jours", assurent ses équipes.

Malgré ces mesures, Agnès Pannier-Runacher a par ailleurs tenu "à réaffirmer l'ambition climatique du gouvernement", et notamment l'objectif de la neutralité carbone d'ici à 2050. Reste à voir si les députés seront convaincus.

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