Quatre questions sur la privatisation et l'entrée en Bourse de la Française des jeux
Héritière de la loterie nationale créée en 1933, la FDJ est une des rares entreprises publiques françaises en bonne santé financière. Son capital est désormais ouvert aux petits et aux grands investisseurs, avant son entrée en Bourse, le 21 novembre.
C'est officiel. La Française des jeux a lancé, jeudi 7 novembre, une souscription pour réserver des actions, avant l'entrée en Bourse du groupe prévue dans deux semaines. "La FDJ fait partie de notre patrimoine national, elle doit appartenir aux Français grâce à une participation populaire la plus large possible", a vanté Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, lors d'une conférence de presse organisée mercredi.
Le succès de l'opération dépend en grande partie de l'intérêt manifesté par les particuliers, ce qui explique les efforts du gouvernement pour battre campagne. Voici ce qu'il faut savoir sur cette opération inédite depuis près de quinze ans.
En quoi consiste l'opération ?
L'Etat, aujourd'hui actionnaire à hauteur de 72%, met sur le marché 52% du capital de la Française des jeux, une opération qui pourrait lui rapporter gros. Les titres vont être proposés pendant une période de souscription qui court jusqu'au 19 novembre à 20 heures pour les particuliers. Cette offre publique initiale doit aboutir à une première cotation de l'action à la Bourse, le 21 novembre.
La Française des jeux ne compte actuellement que 200 000 actions, mais la valeur nominale de chaque action va être divisée par 955 avant l'introduction sur les marchés, afin de rendre son prix plus accessible. Il y aura donc 191 millions d'actions au total, dont 99,3 seront cédés par l'Etat. L'entreprise sera valorisée entre 3,15 et 3,8 milliards d'euros, a également précisé sa PDG, Stéphane Pallez, sur BFM Business.
Jusqu'à un tiers de ce capital mis en Bourse sera réservé aux particuliers, a précisé Bruno Le Maire, et le gouvernement mène donc une campagne pour inciter les Français à se lancer.
Pourquoi l'Etat cède-t-il la majorité de son capital ?
Afin de décrocher le ticket gagnant. L'Etat, en effet, devrait tirer entre 1,6 et 1,9 milliard d'euros de l'opération, selon un calcul de l'AFP, même s'il faut ensuite intégrer la décote de 2% annoncée pour les investisseurs particuliers. Cet argent doit servir à désendetter l'Etat et à "financer les technologies qui feront la croissance et les emplois de demain grâce au fonds pour l'innovation et l'industrie créé par le président de la République", selon Bruno Le Maire. Le ministre de l'Economie a déjà ciblé plusieurs pistes de développement.
Il nous faut de l'argent pour l'intelligence artificielle, le calcul quantique, le stockage des données, la santé du XXIe siècle. La France doit rester dans la course technologique.
Bruno Le Maire, ministre de l'Economielors d'une conférence de presse
Les fonds "viendront abonder l'agence France Trésor et, de fait, ils réduiront le besoin de financement de l'Etat", a ajouté Martin Vial, commissaire aux participations de l'Etat. "Cette privatisation doit donner de nouvelles perspectives de développement à la FDJ, a par ailleurs promis Bruno Le Maire. Ce n'est pas une privatisation comme ça, mais une vraie politique réfléchie. L'Etat reste présent au capital et gardera 20%".
Reste à savoir si cette opération séduira réellement les particuliers et répondra aux attentes de Bercy. La privatisation de la Française des jeux sera donc un test grandeur nature pour le gouvernement, d'autant que c'est la première fois depuis 2005 – et la privatisation d'EDF – que le grand public est associé à une telle opération initiée par l'Etat.
L'Etat tire-t-il un trait sur de futures recettes ?
Même après la privatisation, l'Etat continuera d'empocher les quelque 3,5 milliards d'euros de recettes fiscales et sociales versées chaque année par la FDJ. Soit, tout de même, près de 1,5% des recettes nettes du budget national. L'Etat recevra également 380 millions d'euros de l'entreprise après sa privatisation, en contrepartie du monopole et du droit d'exploiter pendant vingt-cinq ans les jeux de loterie et les paris sportifs dans son réseau physique.
La seule rentrée d'argent à laquelle l'Etat renonce, c'est le dividende. Lors de l'exercice 2018, quelque 87 millions d'euros avaient terminé dans les caisses. Cette somme, bien entendu, va fortement chuter puisque l'Etat va abaisser sa présence de 72% à 20% au capital de la FDJ. Le député LR Gilles Carrez, spécialiste des finances publiques, a fait part de ses inquiétudes sur France Inter, car il redoute une future augmentation d'impôts ou de taxes pour compenser ce manque à gagner.
Faut-il se lancer et acheter des actions ?
La Française des jeux est une entreprise rentable, qui a connu une croissance moyenne de 5% au cours des vingt-cinq dernières années. L'an passé, elle a distribué 130 millions d'euros de dividendes. "On a un rendement attractif sur une valeur moins risquée du fait de son profil, de la sécurité de son monopole sur vingt-cinq ans", a notamment fait valoir sa PDG, Stéphane Pallez, sur le plateau de BFM Business. Pour convaincre les particuliers, une décote de 2% sera appliquée sur le prix des actions et une action gratuite sera accordée pour dix actions achetées, si celles-ci sont conservées pendant au moins dix-huit mois.
En revanche, les petits porteurs ont été mis à mal par la crise de 2008. Ils peuvent également être échaudés par les exemples des entrées en Bourse d'EDF (2005) et de France Télécom (1997), dont les cours restent aujourd'hui en dessous de leur niveau d'introduction. Les introductions en Bourse, par ailleurs, ne sont pas toujours le meilleur moment pour se lancer, car le prix du cours est alors maximisé pour garantir le succès de l'opération. Parfois, mieux vaut patienter et attendre une stabilisation de l'action.
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